Quelques jours après le 11 septembre 2001, le téléphone sonne dans le bureau de Pervez Musharraf, président du Pakistan. On lui transmet un message de Richard Armitage, alors secrétaire d'État adjoint américain, qui l'enjoint de collaborer avec les USA dans sa chasse aux terroristes ou bien de subir des bombardements américains qui ramèneront le Pakistan à l'âge de pierre.
C'est en gros ce qu'a révélé M. Musharraf à un journaliste de CBS en préparation du lancement de son livre qui sortira aujourd'hui aux États-Unis. M. Armitage n'a pas nié. Interrogé à son tour par les journalistes, il a simplement dit ne pas se souvenir avoir utilisé les mots exacts qu'on lui prête mais il confirme que sa demande était ferme.
Le président Bush s'est contenté de sourire naïvement et de dire qu'il n'avait jamais entendu parler de l'affaire et qu'il l'avait apprise en lisant les journaux du jour. L'histoire n'est pas finie. Elle ne fait que commencer. Et elle sera intéressante à suivre. Elle est surtout révélatrice de la manière très particulière qu'ont les USA de traiter avec leurs amis.
Il est évident que cette façon cavalière de traiter les chefs d'autres États et, à travers eux, les citoyens de ces pays, va fournir du carburant pour longtemps à tous les talibans du monde musulman. M. Musharraf estime sans doute que le fait de rendre publiques ces menaces des Américains envers son territoire va le protéger d'une certaine façon et rendre caduques les envies américaines de raser le Pakistan. Il se place, en révélant le tout, sous la protection de l'opinion publique.
Ça joue dur
En Hongrie, la foule est dans la rue depuis plusieurs jours. Elle réclame la démission du premier ministre socialiste Ferenc Gyurcsany dont on dit qu'il a menti à la population pour se faire élire. On en a même la preuve puisque ses aveux de mensonge ont été enregistrés sur bande sonore au cours d'une réunion de son équipe gouvernementale.
Si la foule devait avoir gain de cause, ce serait un dangereux précédent... Imaginez combien de chefs de gouvernements se retrouveraient au chômage s'ils devaient démissionner parce qu'ils ont menti. À commencer par certains que nous connaissons très bien.
Les politiques du mensonge
Le président des États-Unis a-t-il déjà menacé le premier ministre du Canada? Pas de bombardements et de retour à l'âge de pierre, mais sur des sujets sensibles qui pourraient nous faire aussi mal? Y a-t-il déjà eu un téléphone au cours duquel un secrétaire d'État adjoint aurait mentionné, par exemple, que pour régler le dossier du bois d'oeuvre, il fallait que le Canada envoie ses soldats en Afghanistan? Le premier ministre peut-il répondre à cette question franchement? Se sentirait-il libre de dire la vérité, toute la vérité? Poser la question, il y a une semaine, ç'aurait été de la politique fiction. Après l'aveu de Pervez Musharraf, on peut s'interroger sur la façon d'agir des USA envers le Canada.
C'est de toute façon la même question que vont se poser tous les citoyens de tous les pays du monde à la lumière des révélations de M. Musharraf. Comment faire autrement? Il serait normal de penser que, si la méthode était bonne pour le Pakistan, il n'y a aucune raison de penser qu'elle n'est pas utilisée avec les autres pays du monde.
Pourquoi un pays aussi puissant que les USA perdrait-il son temps à essayer de convaincre ses alliés alors qu'il n'a qu'à les menacer de représailles pour les voir rentrer dans le rang? Ça va beaucoup plus vite ainsi.
Le problème, au bout du compte, c'est que ça crée des tensions qui attisent des haines dont on dira en souriant qu'on ne comprend pas d'où elles viennent. Ce qui ne fera qu'un mensonge de plus.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé