En ce 3 juillet 2008, le Québec et la France célèbrent le 400e anniversaire de fondation de Québec. Cette célébration est aussi celle de la naissance d'une Nouvelle-France dont le Québec assure aujourd'hui, quatre siècles plus tard, la succession en terre d'Amérique.
Cette succession a pu être assumée en raison d'une lutte d'émancipation nationale qui n'a jamais cessé depuis le jour où Samuel de Champlain a dirigé les premières institutions politiques créées pour gouverner la Nouvelle-France. L'histoire nationale du Québec est ponctuée de gestes qui non seulement ont contribué à la pérennité de l'identité française en Amérique mais ont permis le développement d'une nation francophone moderne sur le continent des Amériques.
Par leur résistance pacifique en des lendemains de Conquête, la Rébellion des Patriotes et la lutte pour le gouvernement responsable, la renaissance de leurs institutions au lendemain du pacte fédératif de 1867, les transformations issues de la Révolution tranquille et les tentatives, toujours inachevées, de définition du statut politique de leur nation, les descendants des Français et les personnes qui ont choisi le Québec comme terre d'adoption ont façonné un État moderne.
Le devoir d'accompagner le Québec
La France a accompagné l'État du Québec durant ce parcours. La nation française a le devoir d'accompagner la nation québécoise dans ses choix, y compris le choix que les Québécois pourraient faire d'accéder à la souveraineté politique. La France a d'ailleurs contribué à l'émergence d'une nation québécoise, libre de ses choix, qui entretient avec la nation française une relation unique.
Enracinée dans une histoire partagée et façonnée par une langue commune, cette relation est directe et privilégiée en raison de la volonté de la France et de ses chefs d'État et de gouvernement successifs de conférer un tel caractère à cette relation. Cette relation a notamment permis au Québec de prolonger sur la scène internationale ses compétences.
L'ouverture de la délégation générale du Québec à Paris, la conclusion entre le Québec et la France d'engagements internationaux en matière d'éducation et de culture et l'obtention par le Québec, avec l'appui de la France, d'un statut de gouvernement membre au sein de la Francophonie sont des gestes qui ont assuré au Québec une personnalité internationale.
Cette personnalité s'est d'ailleurs façonnée en dépit des objections répétées du gouvernement du Canada à l'égard des propositions visant à doter le Québec d'un statut et d'une voix distincts au sein de la communauté francophone. L'acquisition d'une authentique capacité internationale par le Québec a ainsi résulté de stratégies communes caractérisées par la persévérance du Québec et le soutien durable de la France.
Kyoto
De telles stratégies communes doivent pouvoir être utilisées à nouveau dans l'avenir et les autorités françaises doivent être conscientes que leurs intérêts continueront d'être bien servis par une politique et un discours permettant au Québec et à la France de faire front commun dans plusieurs dossiers d'intérêt. Ainsi, pour prendre un exemple d'actualité, le Québec et la France partagent une volonté d'assurer l'application effective du protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et de poursuivre la lutte contre les changements climatiques par l'adoption d'un protocole de Kyoto II en 2012.
Sur cette question, les intérêts du Québec et de la France convergent, alors que le Canada s'est plutôt aligné sur la position des États-Unis d'Amérique, qui cherchent à priver le protocole de Kyoto de ses effets. Sans vouloir antagoniser le Canada, la France devrait continuer de pouvoir appuyer la différence québécoise, d'autant qu'il s'agit d'une différence avec laquelle elle est en accord.
Des chantiers pour la Francophonie
En ce jour où s'ouvrent par ailleurs les travaux de la XXIVe session de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie à Québec, il importe d'affirmer que c'est également au sein de la Francophonie que le Québec et la France ont un avenir en partage. L'avenir de la Francophonie multilatérale elle-même repose sur les deux grandes nations francophones du monde et c'est sur ces nations que cette Francophonie peut s'appuyer pour prendre l'élan dont elle a besoin aujourd'hui.
Le Québec et la France ont pris des initiatives qui, comme celle ayant mené à l'adoption par l'UNESCO de la Convention sur la promotion et la promotion de la diversité des expressions culturelles, ont consolidé la place de la Francophonie dans le dialogue mondial des cultures.
Le Québec et la France doivent aujourd'hui lancer d'autres projets pour que la Francophonie assume un leadership dans ce dialogue et se dote d'outils pour faire face aux défis de ce siècle. Dans cette perspective, la Francophonie pourrait ouvrir de nouveaux chantiers et s'engager à adopter des mesures visant notamment à promouvoir l'adoption d'une convention sur la diversité linguistique aux fins d'assurer la pérennité des langues qui fondent la diversité des expressions culturelles et envisager la création d'une RADIO 5 Monde dotant la Francophonie d'un service public multilatéral de radiodiffusion.
Il importerait également de renforcer le dispositif visant à protéger et à promouvoir la démocratie, les droits et libertés et de prendre des mesures pour assurer la sécurité alimentaire dans les pays de la Francophonie. De plus, la création d'un opérateur de la Francophonie dans le domaine de l'éducation mériterait d'être envisagé et celui-ci pourrait définir un projet éducatif destiné à favoriser l'égalité des chances aux citoyens et citoyennes de la Francophonie.
Une relation à solidifier
Faisant fond sur les doctrines qui ont été développées par leurs chefs d'État et de gouvernement depuis près de 50 ans maintenant, la relation directe et privilégiée entre le Québec et la France doit être consolidée et renforcée. Ayant un avenir en partage, l'État québécois et l'État français doivent dès lors collaborer de façon encore plus étroite et fonder leurs relations bilatérales sur de nouvelles positions, actions et stratégies communes.
Le Québec et la France doivent de même s'efforcer de donner un nouveau souffle à la Francophonie multilatérale et s'engager à ouvrir de nouveaux chantiers pour une organisation dont ils ont aussi l'avenir en partage.
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Patrick Bloche, Député de Paris (7e circonscription) et vice-président socialiste du Groupe d'amitié France-Québec
Daniel Turp, Député de Mercier et porte-parole du Parti québécois en matière de relations internationales et de francophonie
Le Québec et la France
Un avenir et une Francophonie en partage
Québec 2008 - autour du 400e
Patrick Bloche2 articles
Député de Paris (7e circonscription) et vice-président socialiste du Groupe d'amitié France-Québec
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