Un autre Roi-Nègre: Gilbert Rozon

Le français — la dynamique du déclin

[->19671]Toutes les fois qu’on me parle de Gilbert Rozon, on crie au génie. Je veux bien croire qu’il en est un, mais c’est un génie sale comme certains commentateurs d’Albert Einstein disaient de lui : découvrir la loi de la relativité générale mais, aussi, promouvoir la fabrication de la bombe atomique, cette arme de destruction massive pouvant tuer d’un seul coup des centaines de milliers de civils innocents.
Juste avant les élections fédérales de 2008, Gilbert Rozon posait fièrement avec le ministre conservateur fédéral Michaël Fortier qui lui remettait un beau chèque d’un million de dollars pour ses bonnes œuvres de Juste pour rire. Durant la campane électorale, Gilbert Rozon appuya officiellement à grands renforts de publicité la candidature de Michaël Fortier, donc l’élection du Parti conservateur, même si le gouvernement de Steven Harper annonçait une coupure de 45 millions de dollars dans l’aide à l’exportation de la culture, ce qui touchait particulièrement les entreprises québécoises.
Il y a quelques semaines, le gouvernement fédéral remettait à Gilbert Rozon un autre chèque, de deux millions de dollars cette fois-ci, toujours pour ses bonnes œuvres de Juste pour rire. Si ce n’est pas là «du bon patronage » à la Maurice Duplessis, je me demande bien ce que c’est! Je m’attendais à ce que cela fasse un sale boucan dans nos chaumières désormais autonomistes, mais personne ne commenta ce copinage politique.
Personne ne commenta non plus les déclarations absolument aliénantes que fit ensuite Gilbert Rozon. À la création de Juste pour rire, Gilbert Rozon entendait doter Montréal du plus grand festival de l’humour francophone au monde. Il faut dire qu’alors le Parti québécois était au pouvoir et que Rozon avait besoin de lui afin de renflouer ses caisses mises à sec par cette monstruosité que fut le Musée Juste pour rire. Pour mettre toutes les chances de son côté, Rozon accueillit même un ancien premier ministre séparatiste, Pierre-Marc Johnson, au conseil d’administration de son entreprise. Le gouvernement québécois fut généreux par-devers Rozon : le plus grand festival d’humour francophone au monde, pensez donc! Quelle belle jambe ça donnerait à Montréal dans la promotion du français comme langue nationale!
Le Parti québécois ayant été chassé du pouvoir, la vache à lait ne pouvait que se tarir. Rozon se tourna donc résolument vers le gouvernement du Parti conservateur fédéral et, pour obtenir des millions de dollars, s’est mis à professer sa foi nouvelle : la langue française se porte si bien à Montréal qu’il est temps de donner à l’anglais la plus grande présence possible. Comment? En la faisant devenir totalement bilingue, chante Rozon sous tous les toits. Quelle harmonie on obtiendrait alors, mais quel coup de fouet ça donnerait aux ambitions mégalomanes de Rozon! Car une fois Montréal devenue totalement bilingue, Rozon pourra viser plus haut encore : forcer Montréal au multiculturalisme, c’est-à-dire à la disparition du français comme langue officielle nationale.
Je soupçonne Gilbert Rozon d’avoir fait partie de ce comité secret que notre Reine-Nègre fédérale, Michaëlle Jean, avait formé «afin de voir comment on pourrait unifier la culture canadian». Et je trouve scandaleux que personne ne semble se rendre compte que, pour une poignée de beaux millions de dollars, Gilbert Rozon se fasse maintenant l’exécuteur des basses-œuvres d’un régime politique qui a tout mis en œuvre pour mener rapidement notre nation française vers la marginalité, pour ne pas dire à sa fin.
Si Gilbert Rozon, en prônant au nom de ses intérêts personnels la bilinguisation de Montréal, ne fait pas ainsi acte de trahison, c’est vraiment que les mots français ne valent plus rien dire. Alors, hurlons-le en anglais : «Shame on you, not just for laugh!»

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Victor-Lévy Beaulieu84 articles

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Victor-Lévy Beaulieu participe de la démesure des personnages qui habitent son œuvre. Autant de livres que d'années vécues, souligne-t-il à la blague, comme pour atténuer l'espèce de vertige que l'on peut éprouver devant une œuvre aussi imposante et singulière. Une bonne trentaine de romans, une douzaine d'essais et autant de pièces de théâtre ; des adaptations pour la télévision





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