Depuis qu’elle a refusé d’entendre la cause d’une femme musulmane, la juge Eliana Marengo, de la Cour du Québec, est devenue la proie des politicologues, des journalistes, voire de tout le fretin avocassier. Selon tout ce beau monde, la juge Marengo aurait fait preuve d’un manque de jugement qui confinerait à l’imbécillité. Est-ce vraiment le cas ?
Permettez-moi de vous raconter cette expérience qui fut la mienne lorsque, pour la première fois, je dus me présenter devant un juge. Je portais alors un béret et je comptais bien me présenter au tribunal avec celui-ci sur la tête. Mon avocat s’y est opposé, me disant : « Tu ne dois pas le faire. Pour quelque raison que ce soit, on ne peut pas se présenter devant un juge en portant un couvre-chef. Ça serait manquer de respect envers la justice, dont le juge est le représentant. »
Le fait est qu’en Occident cette règle s’applique partout. Et cette règle, elle est d’usage courant en Europe depuis toujours, comme le démontre le droit communal en France dans cette version qui fut publiée en 1777. Nos origines françaises nous ont incités à respecter cette règle, qu’on jugea si « normale » qu’on n’éprouva même pas le besoin d’en faire un article de loi. Les recherches que j’ai entreprises sur le sujet, à partir de la fondation de la Nouvelle-France, sont claires là-dessus : on n’y trouve pas un seul cas qui infirmerait cette règle de l’usage commun voulant que, devant un juge, on ne peut pas porter un couvre-chef, quel qu’il soit.
Il me semble donc que, loin d’avoir manqué de jugement, la juge Eliana Marengo a respecté l’usage commun et que celui-ci « a force de loi » même s’il n’est pas inscrit comme tel dans notre code judiciaire.
En portant plainte auprès du Conseil de la magistrature, la musulmane Rani El-Alloul entend faire triompher « l’usage particulier » au détriment de « l’usage commun », une stratégie qui est celle de presque tous ses compatriotes et dont le but est simple : renverser l’ordre des valeurs qui prévaut dans notre société, au profit d’une idéologie obscurantiste, qui, pour se réclamer de la démocratie, en constitue l’envers même.
Imaginons que le Conseil de la magistrature donne raison à Rania El-Alloul. Comment pourrait-on alors ne pas permettre à tout un chacun le port du couvre-chef devant nos tribunaux ? Un motard portant bandeau, un policier portant képi, un Québécois d’origine haïtienne portant tuque, une femme portant chapeau à volettes, un sportif portant casquette commanditée ne pourraient-ils pas à leur tour réclamerque, à « l’usage commun », on substitue « l’usage particulier » ?
Il ne peut pas y avoir d’usage particulier devant la justice. Je crois que c’est ce qu’a exprimé la juge Eliana Marengo et qu’on devrait la féliciter de l’avoir fait, plutôt que de la dénigrer avec hystérie comme le font assez sordidement politicologues, journalistes et fretin avocassier.
Et si la juge Eliana Marengo avait raison?
VLB nous invite à féliciter la juge Marengo
Victor-Lévy Beaulieu84 articles
Victor-Lévy Beaulieu participe de la démesure des personnages qui habitent son œuvre. Autant de livres que d'années vécues, souligne-t-il à la blague, comme pour atténuer l'espèce de vertige que l'on peut éprouver devant une œuvre aussi imposante et singul...
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Victor-Lévy Beaulieu participe de la démesure des personnages qui habitent son œuvre. Autant de livres que d'années vécues, souligne-t-il à la blague, comme pour atténuer l'espèce de vertige que l'on peut éprouver devant une œuvre aussi imposante et singulière. Une bonne trentaine de romans, une douzaine d'essais et autant de pièces de théâtre ; des adaptations pour la télévision
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