Un authentique patriote

Avant de se réfugier dans l'utopie d'une troisième voie qui ne présente aucun intérêt pour le reste du Canada, sa contribution au débat avait été considérable.

Stéphane Gendron - amuseur public

Durant la campagne électorale, les journalistes qui suivaient la tournée de Mario Dumont ont eu la surprise de voir le maire de Huntingdon, Stéphane Gendron, s'inviter à leur table lors d'un déjeuner public dans un centre communautaire de Saint-Rémi.
Même en connaissant le personnage, ils ne s'attendaient pas à l'entendre casser du sucre sur le dos de M. Dumont avec un pareil sans-gêne. Réclamer ouvertement le départ du chef à une semaine des élections constitue un manque de solidarité indécent.
Il est de notoriété publique que M. Gendron voulait être candidat adéquiste depuis des années, mais M. Dumont avait bien raison de dire qu'aucun chef de parti n'aurait voulu d'un loose cannon comme lui dans son équipe.
Le maire en a remis cette semaine dans une chronique publiée dans Le Journal de Montréal, dont le titre, «Exit Mario Dumont», annonçait le ton. Au moment où les adéquistes se désolaient du départ de leur chef et soulignaient sa contribution, M. Gendron le passait plutôt à la moulinette, tout en offrant ses propres services à mots à peine couverts. D'une rare inélégance.
Le nouveau député de Chauveau, Gérald Deltell, l'a dit le plus délicatement possible hier, mais s'il y a une chose dont l'ADQ n'a pas besoin, c'est bien de tomber sous la coupe d'un amuseur public. Le simple fait que M. Gendron participe à une éventuelle course à la chefferie la couvrirait de ridicule. Le dernier service que M. Dumont pourrait rendre à son parti serait de s'assurer qu'il ne soit pas sur les rangs.
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Le maire de Huntingdon a comparé M. Dumont à l'ancien chef libéral Georges-Émile Lapalme, un intellectuel qui avait fortement contribué à préparer la Révolution tranquille mais qui avait dû laisser Jean Lesage en prendre la direction.
La comparaison est particulièrement mal choisie. M. Dumont est tout le contraire d'un intellectuel. On l'a dit et répété: c'est essentiellement un instinctif, comme l'est également Jean Charest.
C'est ce remarquable instinct qui lui a permis de survivre à toutes les années durant lesquelles il aurait dû être broyé sous le choc de l'affrontement entre fédéralistes et souverainistes. Au moment où tout semblait perdu, ce flair l'a poussé à saisir sans trop réfléchir la perche des accommodements raisonnables. Lui-même a été renversé par l'ampleur de la tempête qu'il a déclenchée.
On ne peut toutefois pas développer une vision de l'avenir d'une société simplement par instinct. La remise en question du modèle québécois qu'il a proposée nécessitait une réflexion en profondeur qu'il n'était pas à même de faire.
M. Gendron n'a pas tort quand il évoque sa peur de s'entourer de gens plus compétents que lui. Après les résultats décevants des élections de 2003, il avait eu raison d'éloigner les gourous qui tentaient de lui imposer leur propre programme, mais l'absence de gens d'expérience et de sagesse a été très coûteuse au cours des 18 derniers mois.
Il n'y avait pas à l'ADQ l'équivalent d'un Louis Bernard, qui a rendu des services inestimables à l'opposition péquiste entre 1970 et 1976. Au lendemain des élections de mars 2007, Jean Allaire et Yvon Picotte avaient proposé à M. Dumont de former un comité de sages, qui aurait pu apporter une aide précieuse, mais il ne voulait pas de belles-mères dans son entourage.
Il aurait pourtant eu besoin d'un mentor. M. Dumont a indéniablement apporté une certaine fraîcheur au débat politique, mais il a aussi conservé un petit côté juvénile, qu'illustre très bien son intention de se transformer en cheerleader et de battre du thunderstick lors du prochain congrès de son parti.
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Il a déclaré que la plus grande déception de sa carrière aura été d'être passé à seulement cinq sièges d'être élu premier ministre du Québec. Avec le recul, on frémit à l'idée des dommages qu'aurait pu causer une équipe aussi mal préparée à gouverner.
Même si la performance de l'ADQ depuis un an et demi a constitué une énorme déception, il serait cependant injuste d'apprécier la contribution de Mario Dumont à la société québécoise sur cette seule base.
Si l'ADQ a indéniablement été utile dans son rôle de «laboratoire d'idées», c'est avant tout le débat sur la question nationale qui, au début des années 1990, a révélé en Mario Dumont le politicien le plus talentueux de sa génération et un authentique patriote.
En réalité, c'est peut-être moins en 2007 qu'en 1995 que le chef de l'ADQ a manqué sa chance de passer à l'histoire. Si le OUI l'avait emporté, il aurait été considéré à juste titre comme un des pères de l'indépendance, aux côtés de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard. D'ailleurs, peu importe ses circonvolutions constitutionnelles, je demeure convaincu que, s'il devait y avoir un autre référendum, il serait encore dans le camp du OUI.
Personnellement, le meilleur souvenir que j'en conserverai est celui du président de la commission jeunesse du PLQ, qui a tenu tête à Robert Bourassa avec un rare courage, malgré les énormes pressions dont il était l'objet.
Quand il a quitté le PEPS de l'Université Laval, en août 1992, en compagnie de Jean Allaire et d'une poignée de dissidents libéraux, pour protester contre l'entente de Charlottetown, dans laquelle M. Bourassa ne croyait pas lui-même, la patrie avait clairement pris le pas sur le parti.
Avant de se réfugier dans l'utopie d'une troisième voie qui ne présente aucun intérêt pour le reste du Canada, sa contribution au débat avait été considérable. Le «partenariat» que lui et Lucien Bouchard ont imposé à Jacques Parizeau était tiré directement du programme adéquiste. C'est également M. Dumont qui a dépoussiéré le vieux projet d'une constitution québécoise, que le PQ a finalement repris à son compte, et proposé l'instauration d'une citoyenneté québécoise.
Merci, Mario, et bonne chance pour la suite.


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