Commission scolaire de Montréal

Un agenda fédéraliste banni des écoles

Disparues du petit écran, les Minutes du Patrimoine ont refait leur apparition dans du matériel scolaire, au grand dam de certains parents

Loi 101 - 30e anniversaire - Adoption de la loi 101



Sitôt remis aux marmots, sitôt retiré de la circulation: un agenda scolaire pointé par des parents comme outil de propagande canadienne a soulevé les passions dans deux commissions scolaires de la région de Montréal. Neutralité demandée, a exigé une des organisations, rappelant ses écoles à l'ordre.

La Commission scolaire de Montréal (CSDM) a décidé hier de retirer des écoles un agenda d'écolier qui faisait la promotion de l'histoire canadienne. Conçu par le fournisseur Premier, cet agenda, qui fait aussi l'objet d'un examen à une autre commission scolaire, invite les enfants à honorer le drapeau canadien, promeut l'hymne national et renvoie aux controversées Minutes du Patrimoine.
Des parents interloqués ont contacté Le Devoir pour dénoncer la présence d'une forme de «propagande» dans l'agenda d'un marmot du primaire, inscrit à l'école FACE. Informée hier matin de la distribution de cet agenda Premier Historica dans un de ses établissements, la CSDM n'a fait ni une ni deux et a décidé en début d'après-midi de retirer le document litigieux, jugeant qu'il ne respectait pas la «neutralité» exigée dans le matériel scolaire.
«Il y a dans l'agenda un contenu historique qui n'a pas sa place, et il contenait aussi de la publicité», a indiqué Sylvain Arsenault, porte-parole de la CSDM. «Si d'autres écoles ont aussi choisi cet agenda, il sera également retiré», a-t-il affirmé, ajoutant qu'une note sera distribuée à toutes les écoles pour rappeler «l'importance de la neutralité dans les documents distribués à l'école». Soulignons que les dirigeants de l'école FACE n'ont pas rappelé Le Devoir.
Impossible, donc, de connaître l'ampleur des sommes versées -- et perdues --, mais «on va le payer, et ce sera peu cher payé pour avoir la neutralité», a précisé M. Arsenault.

Selon nos informations, d'autres établissements québécois auraient aussi décidé d'acheter cet outil, mais il a été impossible de savoir combien, les responsables de la filiale québécoise de ce fournisseur canadien ayant refusé de divulguer toute information liée à ce produit.
«On est en train de faire une tempête dans un verre d'eau», a commenté hier le directeur régional de Premier, François Lupien, repoussant toute question sur la popularité du produit au Québec, son coût et les liens à établir avec la Fondation Historica, qui se décrit «partenaire» de Premier pour la conception de cet agenda en particulier.
Fondée en 1982 au Manitoba, Premier est une entreprise spécialisée dans la vente de matériel scolaire. Des agendas mais aussi des programmes éducatifs à caractère social figurent dans son catalogue. L'agenda Historica est un des six produits de ce type offerts par l'entreprise, qui s'est étendue aux États-Unis depuis sa fondation. Une filiale québécoise est établie à Lachine. L'entreprise affirme sur son site Internet qu'elle fait désormais affaire avec plus de 50 000 écoles.
Distribué cette semaine à l'école FACE aux enfants de la maternelle jusqu'à la troisième année du primaire, l'agenda Historica a fait bondir certains parents. Comme l'évoquait Le Journal de Montréal la semaine dernière dans une chronique, le même cahier a choqué des parents à la Commission scolaire des Hautes-Rivières. L'organisation, située sur la rive sud de Montréal, a décidé de le retirer temporairement des écoles, le temps d'en analyser le contenu.
Très coloré et rempli d'images alléchantes pour des tout-petits, l'agenda Historica débute par une section produite par l'école elle-même, agrémentée de renseignements sur la vie scolaire. Le corps commun de l'outil, basé sur l'histoire du Canada, allie de petits trucs d'usage, des thématiques mensuelles «renforcées par les Minutes Historica»
-- anciennement les Minutes du Patrimoine -- et «un guide interactif aidant les étudiants à développer des aptitudes en recherche» en puisant dans l'Encyclopédie canadienne, comme nous l'apprend le site Internet de Premier à sa section sur les agendas.
Des exemples
Sur le thème de la communication, on y apprend l'importance de la chanson pour dire ce que «nous pensons ou ressentons». «Ô Canada est une chanson, mais elle nous apprend aussi ce qu'est le Canada !», indique l'agenda. «Il est important de bien traiter son pays, comme il est tout aussi important de bien traiter les gens autour de nous ! Nous vivons dans un merveilleux pays, qui est habité par des gens fantastiques ! Une bonne façon de démontrer du respect aux gens est de les traiter comme nous aimerions être traités. Lorsque nous honorons notre drapeau, c'est tout le Canada que nous respectons !», peut-on encore y lire sous l'image d'un huard muni d'un drapeau canadien déambulant avec un écureuil agrippé à son drapeau québécois.
Sur la page suivante, où défilent tous les jours du mois de juin, un encadré expose l'importance du drapeau canadien comme «symbole [témoignant] de notre respect pour notre merveilleux pays». Une invitation est faite à l'enfant d'approfondir la question en écoutant la Minute Historica intitulée «Les Drapeaux». Il s'agit en réalité des Minutes du Patrimoine, renommées par la Fondation Historica. Il a été impossible d'obtenir des explications de la part de cette fondation hier.
À la Commission scolaire des Hautes-Rivières, on a décidé la semaine dernière de retirer temporairement cet agenda, «le temps que des comités de lecture se penchent sur son contenu», a expliqué hier le directeur général Pierre Buisson. Les recommandations des comités seront analysées par le conseil des commissaires mardi soir.
«Nous devrons juger si c'est de la propagande fédéraliste», a expliqué M. Buisson, dont neuf écoles sur 38 avaient opté pour cet agenda, qui coûte environ 5 $ l'unité, «ce qui équivaut au prix du marché».
«Force est d'admettre qu'au Québec, la politique est un dossier très chatouilleux, chaud, qui soulève les passions», a affirmé M. Buisson, expliquant que la commission scolaire n'a reçu aucune plainte des parents. Au ministère de l'Éducation, l'attachée de presse du ministre Jean-Marc Fournier a réitéré que la propagande n'a pas sa place à l'école, «que ce soit le primaire ou le collégial», comme l'a fait valoir Marie-Claude Lavigne. Elle ne pouvait pas commenter le contenu de l'agenda, ne l'ayant pas vu.


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