Troisième anniversaire de l’attentat à la mosquée: la loi 21 pointée du doigt

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Les islamistes n'en manquent pas une

Trois ans jour pour jour après l’attentat à la grande mosquée de Québec qui a fait six morts et plusieurs blessés, la communauté musulmane dit vivre encore des moments «extrêmement pénibles» qui sont causés par le gouvernement Legault.


Le président du Centre culturel islamique de Québec (CCIQ), Boufeldja Benabdallah, y est allé d’une sortie en règle contre la loi 21 à la veille de la troisième commémoration de la tuerie, où le premier ministre François Legault est censé prendre la parole.


La loi 21 a été adoptée sous bâillon par le gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ) le 16 juin dernier. Elle interdit le port de signes religieux aux employés de l’État en position d’autorité, y compris les enseignants.


En entrevue à La Presse canadienne, M. Benabdallah a vertement dénoncé cette loi, qui «est venue mettre du trouble» dans la vie des familles musulmanes. Il croit que la loi dont M. Legault est si fier place «une partie de la société au banc des accusés».


«Encore une fois, on se sent minoritaires et visés, surtout la femme musulmane qui se trouve pénalisée», a déclaré M. Benabdallah, en ajoutant y voir un «recul» important. «Ce n’est pas bon pour l’équilibre de la société.»



«Le gouvernement aurait dû faire preuve de grande sagesse. Ce n’est pas juste une question de répondre à la majorité, à une promesse, mais faire en sorte que toutes les franges de la société se retrouvent», a-t-il renchéri.


S’il dit trouver les gens «aimables» pour la plupart («Il y a des sourires, il y a des rencontres»), il s’inquiète des contrecoups de la loi 21. «Il y a du recul et ça pousse aussi des gens à nous dire: “Bien, le gouvernement a raison” et puis ça fait un peu d’éloignement.»


En clair, une femme musulmane qui veut devenir enseignante au Québec doit désormais renoncer à porter le hidjab. L’an dernier, M. Benabdallah avait écrit au premier ministre pour lui dire qu’il se sentait «trahi» par ses propos sur l’islamophobie. M. Legault avait soutenu qu’il n’y avait pas d’islamophobie au Québec.



Dans sa lettre, M. Benabdallah avait énuméré les nombreux gestes qu’il considère islamophobes et dont a été victime sa communauté ces dernières années, comme les dépliants haineux distribués aux abords de la mosquée ou la tête de porc déposée à l’entrée de celle-ci. Selon lui, la communauté musulmane est encore et toujours «mal-aimée».


Boufeldja Benabdallah reproche en outre au gouvernement du Québec de ne pas promouvoir le dialogue, comme il s’y était pourtant engagé après la fusillade. Il serait «salutaire», d’après lui, d’utiliser «nos impôts» pour poser davantage de gestes d’ouverture.


«Le gouvernement devait faire des actions pour amener la société à débattre des sujets. (...) C’est dans le dialogue qu’on va se comprendre», a-t-il dit. M. Benabdallah a aussi souligné que le CCIQ, théâtre du carnage, sera rénové et «sécurisé» à même des dons privés.


Commémoration citoyenne


Le soir du 29 janvier 2017, Mamadou Tanou Barry, Ibrahima Barry, Khaled Belkacemi, Abdelkrim Hassane, Azzeddine Soufiane et Aboubaker Thabti ont perdu la vie lors de l’attentat. Ils ont laissé derrière eux leurs femmes et 17 orphelins.


Le collectif citoyen «29 janvier, je me souviens» organise mercredi un souper commémoratif à l’église Saint-Mathieu dans l’arrondissement de Sainte-Foy. L’événement, qui devrait réunir environ 300 personnes, est gratuit, mais il faudra détenir un billet.


Il sera précédé d’un point de presse et d’une activité portes ouvertes au CCIQ «afin d’échanger, sur le lieu même de l’attentat, autour de toutes les marques et témoignages de solidarité reçus de partout dans le monde», selon les organisateurs.


L’an dernier, la soirée commémorative avait eu lieu à l’Université Laval. En 2018, les activités s’étaient étalées sur quatre jours et avaient culminé par un rassemblement extérieur auquel avaient participé des centaines de personnes, dont tous les chefs des partis politiques fédéraux et provinciaux.


L’auteur de la fusillade, Alexandre Bissonnette, a été condamné le 8 février 2019 à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle pendant 40 ans pour six chefs de meurtre au premier degré et six autres de tentative de meurtre.