Raymond Giroux - Les trois participants au Sommet de Montebello ont au moins un sujet commun de discussion : aucun d’entre eux ne contrôle son Parlement et ne peut par conséquent imposer de politiques radicales à son pays. MM. Bush, Harper et Calderon sont condamnés à la modération. Portrait de cet étrange contexte.
Felipe Calderon pressé d’agir
Élu président de justesse du Mexique en juillet 2006, lors d’une élection dont son adversaire a mis du temps à reconnaître les résultats, Felipe Calderon représente le Parti action nationale (PAN), l’équivalent local du Parti conservateur canadien, dont son père était l’un des fondateurs.
Il est opposé à l’avortement, à l’euthanasie et au mariage homosexuel et favorisait l’ouverture aux entreprises étrangères lorsqu’il était ministre de l’Énergie, ce que la Constitution de son pays interdit formellement.
Fort d’un mandat de six ans non renouvelable, M. Calderon se trouve cependant en position minoritaire aux deux chambres de son Parlement.
Le président a jusqu’ici bien tiré son épingle du jeu, jouit d’une bonne cote de popularité et dispose d’un court créneau pour imposer ses politiques avant les législatives de la mi-mandat, en 2009. Le jeu partisan reprendra alors tous ses droits et il se retrouvera paralysé comme son prédécesseur Vicente Fox.
George W. Bush au neutre
C’est un président américain privé de griffes et de pouvoir qui se présente à Montebello, lundi, au beau milieu de ses vacances texanes. Sans majorité au Sénat comme à la Chambre des représentants, au plus bas dans les sondages à cause de la guerre en Irak, George W. Bush combat un fort déficit d’affection de la part des Latino-Américains. Le président avait en effet promis toute son attention à ses voisins du sud lors de la présidentielle de 2000. Habitant le Texas, baragouinant l’espagnol, il avait ou prétendait avoir une sensibilité particulière pour ce dossier.
L’ère de la collaboration et de l’ouverture a été remplacée par le projet de construire un immense mur à la frontière entre le Mexique et les États-Unis et par une chasse aux immigrants illégaux, qui font pourtant rouler l’économie américaine.
M. Bush se trouve en outre en porte-à-faux total, dans son pays : les démocrates remettent théoriquement en question le libre-échange, et encore plus le Partenariat, forcément.
La droite conservatrice s’insurge encore plus fort contre ce qu’elle appelle la fin des États-Unis, les multinationales voulant selon elle créer un nouvel ensemble nord-américain à l’image de l’Union européenne.
À moins de 18 mois de son départ, M. Bush, décidément, ne peut rien gagner à ce Sommet.
Stephen Harper prudent
Le premier ministre canadien ne connaissait pratiquement rien aux affaires internationales, avant son élection, et tente depuis de regagner le temps perdu.
Mais Stephen Harper y met les efforts, pour contrer le simplisme des politiques conservatrices dans ce domaine. Si sa tendance naturelle est de suivre M. Bush, il sait certainement, aujourd’hui, que trop s’acoquiner avec le président des États-Unis ne lui fera gagner aucun vote au pays.
Par ailleurs, reconnaissant en Felipe Calderon un frère d’armes, il s’est rendu à son inauguration, en décembre dernier. M. Calderon n’ayant pas de dossier noir, M. Harper joue gagnant avec lui.
M. Harper ne peut sortir de Montebello en signant des accords qui hérissent les partis d’opposition : il dirigera vraisemblablement le pays pendant encore deux ans parce que le Bloc québécois ne veut pas d’élections, mais la provocation sera mauvaise conseillère, dans son cas.
Qu’il s’engage à ouvrir le processus au débat public, qu’il s’oppose avec vigueur à la commercialisation de l’eau — qui n’est d’ailleurs pas au programme officiel — et défende la souveraineté canadienne, et M. Harper aura accompli sa mission. Et après tout, qui peut prétendre qu’une entente sur la lutte contre les épidémies fait partie d’un complot capitaliste ?
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