Tournée d’adieu

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Dernier tour de piste pour les deux précieux ridicules



Dans son magnifique film Les Feux de la rampe (1952), Charles Chaplin joue le rôle de Calvero, un vieux clown qui ne fait plus rire.




C’est ce qui m’est venu en tête en regardant, cette semaine, la performance de Charles Taylor lors des audiences publiques sur le projet de loi sur la laïcité de l’État.




Il n’y a qu’un mot pour qualifier son virage à 180 degrés : pathétique.




C’est d’autant plus triste à la lumière de sa carrière académique vraiment exceptionnelle.




Certains engagements tardifs font penser à des naufrages : comme il serait trop coûteux de renflouer l’épave, on la laisse reposer en paix au fond de l’océan.




Arguments




La prestation de Gérard Bouchard fut moins lamentable, mais la chose la plus charitable qu’on peut en dire est qu’elle soulevait de nombreux problèmes.




Il dit s’inquiéter pour l’image internationale du Québec.




On entend ce poncif éculé chaque fois que les agissements du Québec déplaisent au reste du Canada.




La planète a des chats plus pressants à fouetter que de surveiller ce qui se passe au Québec.




Les gouvernements des États qui ont adopté des mesures beaucoup plus sévères que ce qui est proposé ici ont montré le poids qu’il faut accorder à ce souci de M. Bouchard : aucun.




Il dit trouver « radical » un projet de loi qui exclut 99,9 % des employés de l’État, et qui, dans le cas des enseignants, préserve les acquis de ceux qui portent déjà des signes religieux.




On aurait aimé l’entendre disserter sur la mentalité « radicale » de quelqu’un qui refuse obstinément de faire preuve d’une réserve vestimentaire minimale pendant ses heures de travail.




Cherchant la paille chez autrui, il ne voit pas la poutre dans son propre œil. Le projet de loi est « radical », dit-il, parce qu’il requiert la clause dérogatoire.




Ce qui est radical, c’est un régime juridico-politique canadien qui permet à un enfant d’amener un poignard à l’école et à une femme de prêter le serment de citoyenneté le visage caché, s’ils invoquent leur religion.




Voilà qui justifie puissamment le recours à la clause dérogatoire.




Si on se limitait aux agents coercitifs, dit Gérard Bouchard, on n’aurait pas besoin de cette clause.




Il n’en sait rien.




En 1990, quand la GRC permit à Baltej Dhillon de porter un turban sikh, la Cour suprême refusa d’entendre les plaignants, estimant que si un corps de police l’autorisait, on ne pouvait le lui interdire... à cause de la charte canadienne.




Aboutir




M. Bouchard demande des « preuves » de l’impact des signes religieux d’un enseignant sur les enfants.




Aurait-il demandé des « preuves » à l’époque où les curés qui enseignaient abandonnèrent leurs soutanes ?




A-t-il besoin de « preuves » sur l’efficacité de la publicité ? Pourquoi existe-t-elle alors ?




Demanderait-il des « preuves » si un enseignant affichait ses opinions politiques ?




A-t-il demandé des « preuves » avant de prôner le retrait du crucifix de l’Assemblée nationale au nom du respect de ceux qui ont d’autres croyances ?




C’était heureusement un dernier tour de piste.