Tollé contre une franchise en santé

La franchise, «c'est plus tu es malade, plus tu paies», dit le PQ. «C'est une décision qui est prise», confirme le premier ministre.

Santé - ticket modérateur et taxe santé




Robert Dutrisac , Louise-Maude Rioux Soucy - Les partis d'opposition à Québec se préparent à une bataille en règle pour contrer l'imposition d'une franchise pour les visites médicales, qu'ils assimilent à un ticket modérateur.
Le Parti québécois, l'Action démocratique du Québec et Québec solidaire ont dénoncé tout aussi vertement la contribution santé de 200 $ par adulte contenue dans le dernier budget Bachand, une mesure inéquitable qui est un poids pour les gagne-petit, mais qui est sans douleur pour les riches.
Dans le milieu de la santé, on saluait la création d'un fonds consacré à la santé dans lequel seront versées les nouvelles contributions santé. Mais on s'opposait à l'introduction d'une franchise pour chacune des visites médicales.
La position du PQ est claire, a soutenu Bernard Drainville, le député de Marie-Victorin et porte-parole de l'opposition officielle pour la santé, lors d'un point de presse où il était accompagné du député de Rousseau et critique en matière de finances publiques, Nicolas Marceau. «On est contre toute taxe sur la santé et on est contre tout ticket modérateur, a dit M. Drainville. La taxe santé doit entrer en vigueur le 1er juillet 2010. On va se battre pour l'arrêter.»
Bernard Drainville a comparé cette taxe santé à la poll tax qu'a tentée d'imposer au début de 1990 Margaret Thatcher. Riche ou pauvre, tout adulte devait payer la même taxe locative. La controverse a fini par avoir raison de la «Dame de fer», qui avait démissionné. C'est l'ensemble des taxes et des impôts que paient les contribuables qui doit financer le système de santé, a affirmé M. Drainville.
À l'Assemblée nationale, même le chef de l'ADQ, Gérard Deltell, s'est insurgé contre «l'invention de l'impôt santé», un des «éléments les plus inéquitables qui soient». Hier, Claude Castonguay, qui a présidé le groupe de travail sur le financement de la santé en 2008, s'est opposé lui aussi, sur les ondes de RDI, à cette contribution santé dont le montant est le même pour tous, quels que soient les revenus des ménages.
La franchise visant les visites médicales, que le rapport de M. Castonguay recommandait, «c'est plus tu es malade, plus tu paies», estime Bernard Drainville, qui a volé l'expression au leader parlementaire du gouvernement, Jacques Dupuis. Ce dernier l'a utilisé, hier, pour décrire le programme adéquiste en matière de santé.
Il y a deux ans, Jean Charest était contre la franchise recommandée par M. Castonguay. Il n'était pas question de demander aux contribuables de payer davantage, les gains en efficacité à venir suffiraient, avançait-il.
«C'est une décision qui est prise, et on va procéder à une discussion sur les modalités», a confirmé, hier, le premier ministre après l'allocution qu'il a prononcée pour vanter le dernier budget devant la Chambre de commerce de Québec. La question de savoir si la Loi canadienne sur la santé permet l'imposition d'une telle franchise ne se pose pas encore, et selon lui, des discussions «chez nous, entre Québécois» doivent avoir lieu avant.
Pour le député de Mercier, Amir Khadir, de Québec solidaire, la franchise, c'est un ticket modérateur qui est «un obstacle à l'accès gratuit et universel» aux soins de santé. Le député est en pourparlers avec certains groupes comme les Médecins pour le régime public et son pendant canadien, ainsi que certains syndicats, en vue d'une possible contestation devant les tribunaux, a-t-il indiqué.
Si le milieu de la santé s'est massivement rangé derrière l'idée d'un fonds dédié à la santé, il n'en a pas moins émis plusieurs doutes quant à la façon dont Québec entend le financer. «Nous sommes favorables au message lancé dans ce budget, mais nous avons des réserves sur les moyens retenus pour y donner suite», a expliqué hier le secrétaire du Collège des médecins, le Dr Yves Robert, en soulignant l'urgence de trouver de nouveaux modes de financement.
Pour l'Association des établissements de santé et de services sociaux du Québec (AQESSS), c'est une épine de moins dans le pied. «Je crois que nous sommes sur la bonne voie», a dit sa directrice générale, Lise Denis. «Le principe d'avoir un fonds consacré au développement des pratiques les plus innovantes est un excellent alignement», a renchéri la présidente de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, Gyslaine Desrosiers.
Comme plusieurs autres, cette dernière a toutefois insisté sur l'importance de doter ce fonds d'une bonne reddition de comptes. Un message repris par l'Association médicale du Québec, qui craint que «que les sommes supplémentaires recueillies par le ministère ne reviennent jamais vers les soins et les patients».
Le Dr Robert va plus loin encore. Le fonds devra financer des soins médicalement requis, point. Autrement, il ratera sa cible. «L'État nous a donné un son de cloche contradictoire en décidant de financer la procréation assistée. On avait autant besoin de ça qu'un chat a besoin de deux queues. Si ça sert à ça, un fonds de santé, on a un problème.»
La contribution santé, qui passera à 200 $ en 2012, est généralement bien accueillie, même si la majorité a déploré son caractère inéquitable. Pas la franchise santé, qui a soulevé une levée unanime de boucliers. «Le ticket orienteur est un ticket modérateur qui ne fait pas que réduire l'usage inadéquat, a fait valoir le Dr Robert. Toutes les études le prouvent, c'est l'équivalent d'une taxe à la maladie, qui freine aussi le recours adéquat aux soins et à la prévention.»
Ces changements sont loin d'être anodins, a ajouté le Dr Gaétan Barrette, président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ). «On embarque ici dans un nouveau concept qui s'approche de l'utilisateur-payeur et s'approcher de l'utilisateur-payeur, c'est aller vers le ticket modérateur et peut-être même une forme de privatisation.»
Le coup de barre ne pourra en effet que rebondir à Ottawa, la Loi canadienne sur la santé interdisant tous «frais modérateurs». Le bureau de la ministre de la Santé, Leona Agukkaq, a choisi, hier, de ne pas sauter dans l'arène en se bornant à répondre que le fédéral s'attend à ce que les provinces et les territoires respectent la loi.


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