La loi sur les langues officielles aime les équidistances, la symétrie. Anglais et français : deux idiomes à la fois majoritaire et minoritaire dans notre Dominion. L’un, minoritaire dans le ROC ; et l’autre minoritaire au Québec. Il s’agit de les traiter en parfaite égalité et tout ira bien. Telle est la logique aveuglante à l’oeuvre dans la loi fédérale, comme nous le rappelle le dernier rapport du Commissaire aux langues officielles (CLO).
Pour le CLO, peu importe la réalité ; l’important, c’est la symétrie. « Les difficultés que connaissent les communautés anglophones du Québec en matière d’immigration sont similaires à celles que doivent surmonter les communautés francophones du pays », écrit Graham Fraser dans son rapport annuel 2014-2015.
Similaires, vraiment ? Sur quels plans ? Les communautés anglophones parlent l’anglais, langue massive du continent nord-américain, mais aussi langue internationale, de la technologie, du commerce. Le français est aussi international, mais ne compte en ce continent qu’un seul foyer principal, le Québec. Il a donc besoin d’un coup de pouce. Pas de se faire mettre sur un pied d’égalité factice avec une langue mammouth. Le français, en ce continent, a besoin de « discrimination positive » ; comme les minorités, les vraies, en ont parfois besoin pour rétablir un certain équilibre : les femmes notamment.
C’est l’esprit, empirique (et non idéaliste), de la loi libérale de 1974 qui la proclama langue officielle du Québec. Esprit développé, par la suite, dans la Charte de la langue française de 1977. Esprit combattu de manière acharnée par l’égalitarisme trudeauiste, friand de symétrie, codifié dans la Charte des droits et libertés fédérale, laquelle servit à miner la loi 101, depuis 33 ans maintenant.
Malgré tout, nos gouvernements ont tenté de constituer le français comme un creuset québécois, grâce à la loi 101 et à l’entente Cullen-Couture. Il y a maintenant des « enfants de la loi 101 » ; les Québécois anglophones, plus bilingues que jamais. Preuve que les accusations de racisme, voire de nazisme, que certains démagogues ont proférées à son endroit n’étaient que pures calomnies. Camille Laurin et Gérald Godin voulurent que le français soit partagé, non pas réservé aux « de souche ». Ce faisant, paradoxalement, ils ont peut-être davantage contribué à réaliser vraiment l’utopie du « Canada bilingue » que la géométrique loi sur les langues officielles ! Mercredi, on installa un buste à la mémoire de Laurin à Québec. « Great Canadian, Bill 101 saved Canada », ironisa justement, sur Twitter, le chroniqueur de The Gazette Don Macpherson.
Les immigrants anglophones au Québec ont du mal à s’intégrer ? C’est que l’État québécois n’aide pas assez les communautés anglophones, soutient Graham Fraser. Culpabilisant, il ajoute : « la contribution des Québécois d’expression anglaise et des immigrants anglophones n’est pas toujours perçue à sa juste valeur au Québec ».
Pourtant, des universitaires comme Guy Rocher faisaient remarquer encore récemment que les établissements anglophones au Québec reçoivent « 29 % de l’ensemble des revenus qui sont alloués aux universités. En comparaison, au Canada anglais, les établissements francophones sont financés en deçà du poids démographique des francophones ». De plus, le plus grand cégep au Québec n’est-il pas le Dawson College, qui accueille nombre de jeunes de l’immigration ? Peut-on en dire autant d’un seul établissement francophone dans le ROC ?
Le NPD de Mulcair a déjà promis de déposer une loi qui soumettrait les entreprises à charte fédérale à la loi 101. Il pourrait s’inspirer d’un projet de loi du Bloc de 2007 et ajouter que le Commissaire aux langues officielles doit reconnaître que le français est langue officielle et commune au Québec. Ça sortirait peut-être ce dernier de quelques symétries aveuglantes.
RAPPORT DU COMMISSAIRE AUX LANGUES
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