Vous souvenez-vous des inondations qui ont frappé Montréal le 14 juillet 1987 ? Le boulevard Décarie avait été transformé en bassin.
Des opérations de sauvetage ont dû être effectuées pour secourir des automobilistes dont les véhicules étaient submergés.
Un octogénaire est même mort noyé dans sa voiture.
Vous imaginez ? Mort noyé sur le boulevard Décarie !
La portée symbolique
Le maire de l’époque était Jean Doré.
Il était en vacances à l’extérieur du pays et avait refusé de revenir à Montréal, sous prétexte que la situation était sous contrôle et que de toute façon, ça ne changerait strictement rien s’il se pointait avec un seau sur les lieux du drame.
Objectivement, le maire avait raison.
Deux bras de plus, deux bras de moins, qu’est-ce que ça change ?
Mais monsieur Doré sous-estimait la portée symbolique de son rôle.
Regardez Rudolph Giuliani, le maire de New York.
C’est lui qui était en poste le 11 septembre 2001. Il n’a pas pu empêcher les tours du World Trade Center de tomber, mais il était là, sur place.
Il pleurait comme tous les New-Yorkais, il rageait, il donnait des ordres, il encourageait les pompiers...
Sa présence a tellement réconforté les Américains que les républicains ont commencé à le voir dans leur soupe et à souhaiter qu’il les représente aux prochaines élections présidentielles.
On est en contrôle !
Pensez aussi à la tempête de neige qui a paralysé l’autoroute 13 il y a deux ans.
Le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, et le ministre des Transports, Laurent Lessard, n’avaient pas l’air de saisir l’urgence de la situation.
L’un était au resto, l’autre dormait. Comme si c’était une tempête ordinaire...
Pas étonnant que François Bonnardel se soit précipité en pleine nuit au centre de gestion de la circulation du ministère des Transports le 13 février dernier. Il avait vu le prix politique que messieurs Coiteux et Lessard avaient payé pour leur inaction.
Bref, aujourd’hui, plus de tataouinage.
La nature pète un plomb et pique une crise ? T’enlèves ton veston, tu roules tes manches de chemise et tu te fais photographier une pelle à la main ou fixant avec inquiétude une centaine d’écrans vidéo.
C’est ce que Justin Trudeau a fait avant-hier et jeudi dernier.
Samedi, il est allé aider les inondés de Constance Bay avec ses deux fils.
Sauf que...
Le PM a pris son temps. Vous savez comment ça se passe : il faut attendre les caméras, prendre la pose...
Pour un citoyen, c’était trop.
« Vous savez depuis combien de temps vous retardez les gens qui veulent prendre des sacs de sable ? J’attends depuis 30 minutes pendant que vous êtes ici en train de vous la couler douce », lui a lancé un bénévole, visiblement irrité par cette opération pas très subtile de relations publiques.
Question de sincérité
Faudrait choisir : vous voulez que les politiciens se pointent sur les lieux de sinistres, ou pas ?
Cela dit, trop, c’est peut-être comme pas assez.
L’art d’être politicien est de faire des relations publiques sans avoir l’air de faire des relations publiques.
Faut avoir l’air sincèrement préoccupé.
Sinon, tu as juste l’air d’endiguer la crise qui est en train de couler ta carrière...