Stratégie de banalisation

Le soutien actif de la France a permis au Québec de mener une diplomatie directe, innovante et ouverte sur le monde aux services des Québécois et des Québécoises.

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France-Québec : fin du "ni-ni"?


Texte publié dans Le Devoir du 10 mai 2008 sous le titre "Que le premier ministre du Québec se tienne enfin debout!"
Cette semaine, dans le cadre du lancement des festivités entourant le 400e anniversaire de notre capitale nationale, Québec, la gouverneure générale du Canada a entrepris un voyage en France avec comme mission de relativiser le fait français que symbolise le Québec en Amérique du Nord.

Cette visite d'une représentante non élue du Canada, qui n'est en fait que la voix du gouvernement Harper, devrait inquiéter au plus haut point le gouvernement du Québec. D'abord elle se déroule quelques semaines seulement après que l'ancien premier ministre de la République française, Jean-Pierre Raffarin, eut indiqué publiquement la volonté du président de la République de reformuler la politique française envers le Québec et le Canada.
Certes, la France a tout le loisir de vouloir maintenir de bonnes relations avec le Canada, les provinces anglophones et ses communautés francophones et acadienne, mais pourquoi remettre aujourd'hui en question sa relation avec le Québec? Cela m'inquiète.
Le soutien actif de la France a permis au Québec de mener une diplomatie directe, innovante et ouverte sur le monde aux services des Québécois et des Québécoises.
Louise Beaudoin, qui a été ministre des Relations internationales, peut témoigner vigoureusement de l'appui stratégique et essentiel de la France lorsque vint le temps de faire la promotion de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles à l'UNESCO. Cette action a été possible avec l'appui de la France et l'on peut convenir aisément que le Canada n'aurait pas laissé naturellement le Québec jouer son rôle à l'UNESCO.
La constance de l'appui de la France à de nombreuses occasions a permis au Québec d'éviter des reculs au plan international, notamment lors du Sommet de la francophonie à Moncton en 1999, lorsque le gouvernement du Canada tentait d'empêcher le Québec de siéger dans des comités de la francophonie dont les recommandations devaient être relayées ensuite dans d'autres organisations internationales.
N'eut été de l'appui indéfectible des autorités françaises, de droite comme de gauche, de rester nos alliées, au risque de froisser ponctuellement le Canada, le Québec n'aurait pu jouer un rôle majeur au sein de l'Organisation internationale de la francophonie.
S'il fallait qu'une reformulation de la position française signifie une neutralité nouvelle de la France sur cette question, il ne fait aucun doute que la diplomatie canadienne, ayant désormais le champ libre, ne veuille faire reculer durablement le Québec.
Québec et Paris bien servis
Les formules utilisées par les autorités françaises au cours des dernières décennies pour illustrer la politique de la France en regard du Québec, notamment la «non-ingérence, non-indifférence» ou «l'accompagnement» du Québec dans ses choix, ont bien servi Québec et Paris. Cette formule a permis le développement d'une intense coopération bilatérale franco-québécoise, qui est la plus importante après la coopération franco-allemande, dont les avantages sont mutuellement bénéfiques pour les Québécois et les Français.
Toutefois, les signaux émis par la récente déclaration de l'ancien premier ministre Raffarin, confirmés par la suite par le délégué général du Québec à Paris, laissant entendre que la France pourrait revoir sa politique envers le Québec et le Canada, sont des signaux ambigus. À l'instar d'un grand nombre de Québécois et de Québécoises, cette situation ne peut que m'inquiéter pour l'avenir des relations internationales du Québec.
L'orientation que veut donner la gouverneure générale du Canada à sa visite en France s'inscrit encore une fois dans la stratégie de banalisation du Québec par le gouvernement fédéral canadien, stratégie que l'à-plat-ventrisme du gouvernement Charest conforte.
J'appelle donc le gouvernement du Québec à assumer ses responsabilités et à se mobiliser afin de faire en sorte que la France maintienne son ouverture et sa volonté d'accompagner le Québec dans ses choix politiques d'aujourd'hui et de demain.
Il y a pertinence et urgence de faire une mise au point et de réaffirmer toute l'importance qu'accorde le Québec au maintien de sa relation directe et privilégiée avec la France. Militer pour une autre politique consisterait pratiquement à faire en sorte que la France neutralise ainsi son appui au développement de l'État du Québec sur la scène internationale.
Le gouvernement libéral de Jean Charest doit sortir de son immobilisme et ne doit pas accepter une redéfinition des relations entre la France et le Canada qui provoquerait indéniablement un recul de la position du Québec dans le monde.
Photo AFP
Pauline Marois


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