Souverainisme

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Afin d'en dramatiser l'importance, Vigile ne met en ligne aujourd'hui qu'un seul article, consacré à la question de la souveraineté. Ne vous y trompez pas, c'est l'un des plus importants textes que vous lirez jamais sur la question, et il est d'une actualité brûlante, en Europe comme au Québec. Il explore avec clarté et lucidité des thèmes qui nous déchirent, autant idividuellement que collectivement, démocratie, légalité, légitimité, droite, gauche, droits individuels, droits collectifs, identité, laïcité, communautarisme, peuple, nation, État, barbarie, solidarité, dépossession, bien commun, "res publica"... Lisez, savourez, réfléchissez...

Nous vivons un moment souverainiste

Dans l’agora, qu’elle soit électronique ou non, le souverainisme fait débat. C’est une question qui dérange, et à juste titre. Car le souverainisme est ce spectre qui hante notre monde ; il est ce qui à présent fait clivage. On s’oppose parfois à cette notion dans les rangs de la gauche, où, pourtant, on n’hésite pas à parler de souveraineté alimentaire…Ainsi il y aurait un « bon » souverainisme comme un « mauvais ». Cette incohérence rend ceux qui la tiennent illisibles et, par conséquence, inaudibles. Si la notion de souverainisme a pris une telle place dans le débat c’est bien le symptôme que ce terme touche à quelque chose d’essentiel : la liberté. Celle de faire et de décider, en son nom personnel comme de manière collective, et non la simple liberté formelle.

Au-delà des polémiques mesquines, et des approximations politiciennes, par delà des incompréhensions réciproques, et qui ne sont pas toutes de bonne foi, c’est bien la question de notre liberté qui est posée. Mais, parce que la liberté individuelle ne se construit jamais de manière individuelle, parce que nous sommes avant toute chose des animaux politiques et que nous vivons en société, il ne peut y avoir d’individus libres que dans une société libre. La souveraineté définit aussi cette liberté de décider qui caractérise les communautés politiques que sont les peuples à travers le cadre de la Nation et de l’Etat. Cet oubli de la dimension nécessairement sociale et collective de notre liberté caractérise le point de vue « libéral », point de vue qui lui-même transcende les divisions « gauche-droite », et qui, il ne faut pas s’en étonner, s’avère hostile dans certains de ses courants à cette notion de souveraineté.


Cependant, encore faut-il savoir ce qui fait société, encore faut-il comprendre ce qui constitue un « peuple », et faut-il comprendre que quand nous parlons d’un « peuple » nous ne parlons pas d’une communauté ethnique ou religieuse, mais de cette communauté politique d’individus rassemblés qui prend son avenir en mains[1]. Le « peuple » auquel on se réfère est un peuple « pour soi », qui se construit dans l’action et non un peuple « en soi ». Se référer à cette notion de souveraineté, vouloir la défendre et la faire vivre, se définir donc comme souverainiste, implique de comprendre que nous vivons dans des sociétés hétérogènes et que l’unité de ces dernières se construit, et se construit avant tout politiquement. Cette unité n’est jamais donnée ni naturelle[2]. Se référer à la notion de souveraineté implique donc aussi de dépasser l’idée d’un peuple constitué sur des bases ethniques ou par une communauté de croyants et de penser la question de la laïcité. Car la question de l’appartenance religieuse, quand elle se transforme en intégrisme, est contradictoire avec la notion de souveraineté. Il n’est pas sans signification que la Nation et l’Etat se soient construits historiquement en France à la fois dans la lutte contre les féodalités locales et contre les prétentions supranationales de la papauté et de la religion chrétienne. Il n’est pas donc sans importance que le penseur qui a établi le rôle central de la souveraineté, Jean Bodin, ait aussi écrit l’un des livres les plus fondamentaux sur la laïcité parce qu’il avait pris acte de l’hétérogénéité de la société.

Centralité de la Souveraineté


La souveraineté est aujourd’hui mise en cause par la pratique, mais aussi la théorie, issue des institutions de l’Union Européenne. Les déclarations de Jean-Claude Juncker lors de l’élection grecque de janvier 2015 en témoignent[3]. Le comportement de l’UE et celui des institutions de la zone Euro appellent une réaction d’ensemble parce qu’elles contestent cette liberté qu’est la souveraineté[4]. Pourtant, la souveraineté occupe une place centrale et ce pour deux raisons convergentes. D’une part, la souveraineté est nécessaire à l’action politique, à ce passage du « je » au « nous », de l’individu à l’action collective. Si nos décisions sont d’emblée limitées, quelle utilité à ce que nous fassions cause commune ? Ce passage de l’individuel au collectif est une impérieuse nécessité face aux crises, tant économiques et sociales que politiques et culturelles que nous traversons. Mais, la souveraineté est aussi fondamentale à la distinction entre le légitime et le légal. Car, la contrainte inhérente dans chaque acte juridique ne peut se justifier uniquement du point de vue de la légalité, qui par définition est toujours formelle. La prétendue primauté que le positivisme juridique[5] entend conférer à la légalité aboutit, en réalité, à un système total, imperméable à toute contestation. C’est ce qui permet, ou est censé permettre à un politicien de prétendre à la pureté originelle et non pas aux mains sales du Prince d’antan[6]. Ou alors, il nous faudrait considérer les lois des pires tyrannies comme légales. La légalité ne prend sens qu’articulée sur la légitimité, c’est à dire le jugement en justesse et non plus en justice, de ces lois. Mais, seule la souveraineté peut établir qui est habilité à porter ce jugement en justesse, autrement dit qui détient la légitimité.


Nous comprenons, que cette compréhension soit intuitive pour certains ou le fruit de réflexions élaborées pour d’autres, que la liberté de la communauté politique, de ce que l’on nomme le peuple, passe par la liberté de l’ensemble territorial sur lequel ce peuple vit. On ne peut penser de « Peuple » sans penser dans le même mouvement la « Nation ». Et, la liberté du « Peuple » dans le cadre de la « Nation » s’appelle justement la souveraineté. C’est pourquoi elle est essentielle à l’existence de la démocratie. La souveraineté est une, n’en déplaise à d’aucuns, mais ses usages sont multiples. Parler de souveraineté « de gauche » ou « de droite » n’a pas de sens, ou alors ne peut avoir qu’un sens caché, celui d’un refus, de fait, de la souveraineté.


Il y eu, bien entendu, des nations souveraines où le peuple n’était pas libre. Mais jamais on ne vit un peuple libre dans une nation asservie. La formation de l’Etat comme principe indépendant de la propriété du Prince se fit dans un double mouvement de formation de la Nation, comme entité politique, et du Peuple comme acteur collectif.


Les formes de cette constitution peuvent varier, en fonction de facteurs historiques et culturels, mais ils répondent aux mêmes invariants. Ce double mouvement fait émerger des personnes remarquables, dont l’histoire mythifiée ne doit pas remplacer l’histoire réelle. Jeanne d’Arc est l’une de ces personnes, et Daniel Bensaïd, qui fut le penseur de la Ligue Communiste puis du NPA, ne s’y était pas trompé[7]. Dans un entretien, quelque temps avant sa mort, Bensaïd est revenu sur cette question et la précise : « Jeanne d’Arc ébauche l’idée nationale à une époque où la nation n’a pas de réalité dans les traditions dynastiques. Comment germe, aux franges d’un royaume passablement en loques, cette ébauche populaire d’une idée nationale ?[8]». Fort bonne question, en effet. C’est celle du double mouvement de constitution et de la Nation et du Peuple qui est en réalité posée. Et c’est pourquoi la souveraineté est aujourd’hui un concept fondamental et décisif dans les combats politiques de l’heure.


Cette évidence a été renforcée dans les siècles derniers, parce qu’ils ont vu le processus historique de la colonisation et de la décolonisation[9]. Certains ont prétendu que l’on pouvait apporter la liberté sous les fers de l’esclavage. Que les peuples colonisés, qui avaient perdu la liberté avec la souveraineté, devaient faire cause commune avec leurs colonisateurs au nom d’on ne sait quel principe et d’on ne sait quel internationalisme. La faillite de ce raisonnement n’a eu d’égal que sa vacuité. Un peuple libre, une communauté politique rassemblée et souveraine, doit faire l’expérience de sa liberté, y compris avec ce que cela comporte comme erreurs, et ces dernières on le sait furent nombreuses. Pourtant, ces erreurs n’étaient pas évitables et elles font partie de l’expérience, parfois tragique, qu’un peuple doit faire. Vouloir faire le bonheur des individus sans eux ou contre eux, ce qui est le rêve secret de tous les experts, de tous les technocrates auto-proclamés, n’aboutit qu’à la pire des tyrannies, et aux désordres les plus affreux. Nous en sommes tous les jours les témoins, de l’Irak à la Libye.

Ce moment souverainiste que nous vivons prend un sens particulier en Europe. Il en est ainsi parce que les institutions de l’Union européenne, que l’on confond trop souvent hélas avec le concept d’Europe, ont progressivement violé et la démocratie et la souveraineté. Voilà plus de dix ans maintenant, en 2005 exactement, les peuples français et des Pays-Bas rejetaient par leurs votes le projet de traité constitutionnel élaboré à grand frais par les élites politiques. Ils ne rejetaient pas ce projet pour des raisons conjoncturelles, loin de là. Ce rejet était celui d’un projet ; il traduisait un mouvement de fond[10]. Mais, ce même projet leur fut imposé dans cette parodie de justice que fut le Traité de Lisbonne, traité dont la ratification en France fut commise dans une connivence assumée entre le Parti socialiste et l’UMP (aujourd’hui transformés en “Les républicains” par un tour de passe-passe).


Dès lors, et pas à pas, on a empiété sur les libertés politiques des peuples et cela jusqu’au scandale inouïe que représenta l’affrontement entre un gouvernement démocratiquement élu, celui de la Grèce, et les institutions européennes. Ce ne fut plus un simple vote que l’on a violé alors, car la position du peuple grec exprimée le 25 janvier, élection qui porta SYRIZA au pouvoir, fut renforcée par le résultat du référendum du 5 juillet donnant au « non » au mémorandum près de 62% des voix. Ce qui fut violé, avec l’impudence cynique d’un Jean-Claude Juncker ou d’un Dijsselbloem, ce fut en vérité la souveraineté d’un pays. Pourtant, quand on avait vu après l’élection du 25 janvier 2015 en Grèce le parti de la gauche radicale SYRIZA choisir de s’allier avec un parti de droite certes, mais souverainiste, et non avec le centre-gauche (To Potami) voire avec les socialistes du PASOK, on avait pu penser que cette question de la souveraineté avait bien été pleinement intégrée par la direction de SYRIZA. Le déroulement de la crise a montré qu’au sein même de ce parti il y avait des divergences importantes, et une manque important de clarification. C’est l’existence de ces divergences qui permis aux institutions européennes de trouver le levier où elles devaient appuyer pour contraindre Alexis Tsipras, le premier ministre, à se renier[11]. Il y a là une leçon que tous ceux qui veulent vivre libre doivent apprendre par cœur. Car, ce qui s’est produit en Grèce peut se reproduire en Espagne, en Grande-Bretagne ou même en France.


Rappelons alors cette citation de Monsieur Jean-Claude Juncker, le successeur de l’ineffable Barroso à la tête de la commission européenne : « Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens ». Cette révélatrice déclaration date de l’élection grecque du 25 janvier 2015, qui justement vit la victoire de SYRIZA. En quelques mots, tout est dit. C’est l’affirmation tranquille et satisfaite de la supériorité d’institutions non élues sur le vote des électeurs, de la supériorité du principe technocratique sur le principe démocratique. En cela, Monsieur Juncker et Monsieur Barroso sont largement responsables des drames que la France a connus. Ils reprennent, en le sachant ou non, le discours de l’Union soviétique par rapport aux pays de l’Est en 1968 lors de l’intervention du Pacte de Varsovie à Prague : la fameuse théorie de la souveraineté limitée. Ils affectent de considérer les pays membres de l’Union européenne comme des colonies, ou plus précisément des « dominion », dont la souveraineté était soumise à celle de la métropole (la Grande-Bretagne). Sauf qu’en l’occurrence, il n’y a pas de métropole. L’Union européenne serait donc un système colonial sans métropole. Et, peut-être, n’est-il qu’un colonialisme par procuration. Derrière la figure d’une Europe soi-disant unie, mais qui est aujourd’hui divisée dans les faits par les institutions européennes, on discerne la figure des Etats-Unis, pays auquel Bruxelles ne cesse de céder, comme on le voit sur la question du Traité Transatlantique que l’on nomme TAFTA.


Cela implique donc de penser que la souveraineté est, de tous les biens, le plus précieux, et d’en tirer les conséquences qui logiquement s’imposent. Certains l’on fait, comme Stefano Fassina en Italie[12]. Il faudra en tirer les conséquences, et toutes les conséquences[13].


Souvenons nous toujours de cette phrase prémonitoire de Bossuet : « Mais Dieu se rit des prières qu’on lui fait pour détourner les malheurs publics, quand on ne s’oppose pas à ce qui se fait pour les attirer. Que dis-je? quand on l’approuve et qu’on y souscrit, quoique ce soit avec répugnance »[14].

La souveraineté ne suffit pas


Non que la souveraineté soit le seul des biens qu’il nous faut défendre, bien au contraire. Car, se dire un peuple souverain c’est immédiatement poser la question de ce qu’il convient de faire et des décisions à prendre. La souveraineté ne vaut que par son exercice[15]. Elle ne peut donc remplacer le débat politique naturel sur les choix à faire, sur les conditions mêmes de ces décisions. Et l’on voit bien que sur ce point les controverses seront âpres et nombreuses. Et il est logique qu’elles le soient. Les institutions dans lesquelles nous vivons, institutions ont d’ailleurs changé maintes fois, sont le produit de ces conflits, parfois mis en veilleuse mais jamais éteints[16]. Il n’est pas de démocratie apaisée, selon la formule, hélas malheureuse, d’un ancien Président, M. Jacques Chirac pour le nommer. Il n’est alors que des démocraties mortes.


La démocratie implique le conflit, elle implique la lutte politique, et elle implique après le compromis[17]. Pour que ces conflits se déroulent, pour que les opinions s’affrontent, et pour que l’on puisse faire émerger un compromis temporaire, il faut être libre de la faire. Libre, bien entendu, au sens de la liberté d’expression et de manifestation. Mais, plus fondamentalement, il ne faut pas qu’existent des bornes à l’expression et au déroulement du conflit politique. Toute tentative de borner au préalable le conflit politique, de lui assigner un déroulement prévu à l’avance tout comme on voudrait canaliser un cours d’eau, aboutit, à la fin des fin, à borner les choix et à tuer la démocratie[18]. Car, cette dernière ne se réduit pas au débat, aussi important qu’il puisse être. La démocratie implique que des décisions soient prises, et que ces dernières ne puissent être bornées au préalable. Et l’on doit ici se rappeler que nulle génération n’a le droit d’enchaîner par ses choix les suivantes[19]. C’est cela qui implique l’existence préalable de la souveraineté. C’est pourquoi elle est un principe nécessaire même s’il n’est pas suffisant. Être souverain, c’est avoir la capacité de décider[20], ce que Carl Schmitt exprime aussi dans la forme « Est souverain celui qui décide de la situation exceptionnelle »[21]. Sur cette question de la souveraineté il ne faut pas hésiter à se confronter, et pour cela à lire, à Carl Schmitt[22]. Il faudra pouvoir penser avec Schmitt pour pouvoir penser contre lui et contre ses positions d’ultra-conservateur catholique.

Cette question du rapport de la décision aux règles et aux normes est bien constitutive du débat sur la souveraineté. Dire que nous vivons aujourd’hui un moment souverainiste revient à dire que le système de règles et de normes qui ont été établies par le passé est considéré aujourd’hui comme un carcan insupportable. Il en fut ainsi dans un débat célèbre, celui qui aux Etats-Unis opposa les tenants de l’esclavage aux abolitionnistes. Les tenants de « l’institution particulière » argumentèrent que des règles avaient été décidées et qu’elles contraignaient la décision politique. On alla même jusqu’à invoquer le principe de propriété pour défendre l’indéfendable. Mais, cela ne fit qu’aiguiser le débat, le rendre encore plus irréconciliable. Vouloir imposer ce qu’un auteur américain a appelé des « règles-baillons », dont l’utilité peut se comprendre en raison des limites cognitives de chaque individu, n’a aboutit qu’à la guerre[23]. Les règles et les normes sont nécessaires, bien entendu, et ne serait-ce que parce que nous ne pouvons au même instant discuter de tout. La notion de saturation des capacités cognitives des individus doit être bien comprise si l’on ne veut tenir sur la démocratie un discours naïf[24]. Cependant, cette même notion implique que l’on ne peut ni ne doit éterniser ces normes et ces règles.


Il faut comprendre que toute règle ne vaut pas seulement par les conditions de stabilité qu’elle permet mais qu’elle vaut aussi par les conditions dans lesquelles elle a été édictée. Au-delà, la règle ne vaut que parce qu’elle peut être contestée. Cela impose de distinguer la légalité, autrement dit les conditions dans lesquelles cette règle est respectée de la légitimité autrement dit les conditions dans lesquelles a été édictée et par qui. Qu’est-ce qui incite des individus à se plier à des règles et à respecter des normes ? Ce n’est jamais la fonctionnalité de ces règles et de ces normes, quand bien même elle est évidente. Le respect des règles implique une instance de force qui rende la rupture coûteuse[25], que ce soit sur un plan monétaire, matériel ou même symbolique. Le respect des règles nécessite donc une autorité, c’est-à-dire la combinaison d’un pouvoir de punir et de sanctionner, et d’une légitimité à le faire. Or, poser la question de la légitimité renvoie immédiatement à la question de la souveraineté car, sans souveraineté il n’y a pas de légitimité.

Sur une digression répétée


Il faut alors reprendre un débat aux frontières de l’économie pour discerner ce qui libère mais aussi ce qui opprime dans la règle. Car, l’économie a eu ce débat, et elle s’est posée la question de savoir ce qui importait le plus, la règle ou la possibilité d’action discrétionnaire. Le balancement entre légitimité et légalité nous renvoie alors aux fondements de la science politique. Ces fondements, on entend les revisiter justement à partir de ce que nous ont appris plus d’un siècle de débat en économie. La vision de l’individu que l’on peut aujourd’hui avoir, un individu dont les capacités cognitives sont limitées, dont les préférences individuelles sont affectées par le contexte tout comme par la position qu’il occupe, cette vision n‘est plus celle, fort naïve, qui domina les débats au XVIIIème et XIXème siècle. Le mythe totalitaire d’une société qui serait entièrement, et complètement, soumise à l’hypothèse probabiliste, mythe que les économistes ont beaucoup fait pour le populariser, a cependant été détruit par d’autres économistes[26]. Nous devons en tenir compte, et penser la question de la décision, et donc de la souveraineté, comme une réponse à l’incertitude radicale.


Il faut donc ici faire une digression, qui sera reprise en de nombreux points, de questions qui relèvent plutôt de la science politique vers l’économie. Cette digression est imposée par le contenu normatif du discours des économistes[27]. Elle se justifie aussi par l’expérience que l’auteur a accumulée de la Russie des années 1990 à l’Union européenne actuelle; les exemples d’irruptions d’économistes déguisés en « experts » et intervenant dans le domaine politique furent fort nombreuses depuis ces trente dernières années[28]. En fait, derrière les atours d’un discours savant et technique, le discours de certains économistes porte sur les conditions de la gouvernance[29]. Et, ce discours technique renvoie toujours à l’image d’un monde régit par les lois d’airains des probabilités[30]. Par cet artifice ces économistes cherchent à naturaliser les décisions politiques qui les arrangent, en les présentant comme des décisions qui correspondent à un ordre « naturel » des choses, et donc non comme des décisions politiques, mais comme des actes imposés par une logique non humaine[31].


Le discours n’est technique qu’en apparence. Certes, il est en général empaqueté dans les langes d’une technicité réelle, ce que l’on appelle l’économétrie[32], mais dont l’objet réel est de masquer la volonté profondément politique de ce dit discours sous les atours de méthodes mathématiques complexes[33]. Ce que ces économistes présentent comme des considérations techniques, et en particulier des considérations d’ordre monétaire, sont en réalité des tentatives pour borner les formes de gouvernance humaines. Ce discours de certains économistes, et l‘on vise ici en particulier ceux que l’on appelle les « néoclassiques » est fondamentalement politique. Mais, il ne se donne que très rarement comme tel. Or, ce discours vise à faire disparaître le principe de souveraineté, ce qui apparaît clairement avec Robert Lucas[34]. Cet auteur est allé jusqu’à affirmer que l’économie cessait d’exister dès qu’apparaissait l’incertitude[35], ce qui est un aveu de la prétention probabiliste d’une certaine économie.


Il est fondamentalement hostile à tout ce qui peut représenter l’irruption du politique, mais cette hostilité provient de motifs qui sont – eux – fondamentalement politiques. On le voit de manière claire dans les réflexions tardives de Hayek[36]. Le philosophe italien Diego Fusaro le dit à propos de l’Euro[37]. Ce n’est pas une monnaie mais une forme de gouvernance, ou plus exactement de pression sur les gouvernements pour en obtenir une conformité politique. Mais, cette pression est d’autant plus redoutable qu’elle s’avance masquée sous la prétention d’une soi-disant rationalité économique. C’est pourquoi il s’avère nécessaire de faire de nombreuses incursions vers l’économie pour démystifier ce discours et dénaturaliser le raisonnement.


Nous vivons dans des régimes et des systèmes politiques où le « comment » a pris la place du « pourquoi »[38]. Le discours économique de certains porte ici une lourde responsabilité[39]. La montée en puissance de la complexité des institutions et des relations entre individus qui en découlent impose naturellement que la dimension technique, celle qui est concernée par le « comment », devienne de plus en plus présente. Mais, la question de la justesse des institutions et des relations, autrement dit la question de leur finalité, se pose de manière tout aussi impérieuse. Il est impossible, et on le voit dans de multiples exemples, de considérer que la question du « comment » a supplanté celle du « pourquoi ». Une partie des crises dont il été fait mention en découle.


Si nous voulons pouvoir reposer la question du « pourquoi », et par cela comprendre qu’il y a une multiplicité de « comment » possibles, qu’il y a toujours des alternatives, n’en déplaise aux libéraux à la Mme Thatcher dont on sait que le slogan était justement « il n’y a pas d’alternative »[40], alors la souveraineté est indispensable. Mais, si légitimité et légalité ne se comprennent qu’à l’aune de la souveraineté, il faut alors admettre que la laïcité, au sens du renvoi des croyances non testables à la sphère du privé, s’avère tout autant nécessaire pour la construction du Bien Commun, ce « Res Publica » dont le mot République est issu.

Centralité du peuple


On l’a dit, il n’est pas de souveraineté sans un souverain. Celui-ci ne peut être que le peuple, conçu comme communauté politique prenant délibérément en charge son destin. Mais qu’est-ce qui constitue un peuple ?


Nous, habitants de ce vieux pays qui se nomme France, avons tous été confronté à cette question par les événements tragiques de janvier 2015. Les assassinats du 7 et du 9 janviers 2015 à Paris. Ces assassinat nous ont confronté à cette cruelle vérité : la République peut se défaire. Ce que ces crimes atroces ont révélé, et avec eux le débat provoqué par le slogan « je suis Charlie »[41], c’est bien la montée d’un sentiment communautaire et même communautariste. Or, ce sentiment est contradictoire avec la pensée d’un Bien Commun qui puisse transcender les communautés. De fait, ce sentiment communautaire est aux antipodes de la République. Il met en cause la légitimité de nos institutions et de nos pouvoirs.


Ironie cruelle, ce drame est survenu pratiquement dix ans après le référendum de 2005. Que l’on se souvienne : les Français avaient refusé par une large majorité le projet de traité constitutionnel européen qui leur était proposé[42]. Pourtant, la classe politique, unie sur ce point au-delà de ses divergences, de la droite ex-gaulliste au parti dit socialiste, s’empressa pour concocter un nouveau traité, fort similaire à celui qui avait été refusé. Ce Traité de Lisbonne fut alors adopté par le « congrès », archaïsme de la IIIème et de la IVème République, à la légitimité – justement – bien plus faible que celle d’un référendum. Ce scandale, et il est immense, signe le début d’un délitement de l’Etat que ne saurait masquer les rodomontades des uns, la bonhommie finasse des autres, ou les coups de mentons des troisièmes. Il fut, et reste, une atteinte majeure à la souveraineté de la Nation, c’est à dire à la souveraineté du peuple.


Les crimes de janvier 2015 ont aussi remis en cause l’un des principes fondateurs de la République et de la démocratie. En cherchant à imposer un « délit de blasphème », en tuant des personnes du fait de leur religion (ou de son absence), c’est notre idée de la République, de cette « chose commune » ou Res Publica, que l’on tue. En réalité il y a un lien entre tout cela[43]. Quand on porte atteinte à la souveraineté du peuple, on porte atteinte à la légitimité des institutions. Mais, si les institutions ne sont plus légitimes et si – ainsi – on affaiblit la légalité, c’est-à-dire la force de la loi que reste-t-il si ce n’est l’illusoire recours à une loi divine ? Quand on porte atteinte à la souveraineté du peuple, quand on met à bas ce que des siècles ont construit, il ne faut pas s’étonner si l’on va se replonger dans le passé le plus obscur, celui du fanatisme religieux comme celui de l’ethnie et de la tribu. C’est de cette régression dont portent la responsabilité tous ceux qui combattent ou s’opposent à la notion de souveraineté.

La mise en cause, sournoise ou directe, de la souveraineté du peuple ouvre ainsi toute grande la porte à sa dissolution et à sa reconstitution sous la forme de communautés, que ces dernières soient religieuses ou ethniques. Il ne peut y avoir de peuple, c’est à dire de base à construction politique de la souveraineté populaire, que par la laïcité qui renvoie à la sphère privée des divergences sur lesquelles in ne peut y avoir de discussions. La prise en compte de l’hétérogénéité radicale des individus implique, si l’on veut pouvoir construire une forme d’unité, qui soit reconnue comme séparée et distincte la sphère privée. En cela, la distinction entre sphère privée et sphère publique est fondamentale à l’exercice de la démocratie. Ce principe fondamental est inclut d’ailleurs dans notre Constitution : la République ne reconnaît nulle religion et nulle race. Tel est le sens de l’article premier du préambule de notre Constitution, repris du préambule de la Constitution de 1946, et écrit au sortir de la guerre contre le nazisme[44].


Nous sommes donc confrontés aujourd’hui à un défi absolu : la République ou la guerre civile, la guerre de tous contre tous. Comprendre ce défi, en mesurer l’importance, saisir la signification de ces mots que sont la Souveraineté, la Légitimité, la Légalité et la Laïcité, et percevoir pourquoi ils sont indissolublement liés mais aussi comment ils s’articulent dans une société à la fois dense et soumise à l’économie décentralisée, tel est aussi le but de ce livre.


Revenons à cet événement, hélas tragique, de janvier 2015. On a immédiatement affirmé que les auteurs des crimes de janvier n’étaient que des enfants perdus issus de la désespérance. Soit ; mais tous les enfants en souffrance, tous les enfants perdus, ne prennent pas nécessairement les armes pour tuer leurs prochains. L’existence d’une souffrance sociale est difficilement contestable, mais elle ne justifie ni n’explique le passage à l’acte terroriste. Il y a bien eu, aussi, une idéologie terroriste à l’œuvre, et le fait que cette idéologie ait une base religieuse semble poser problème à certains.

On entend beaucoup le discours « ne faisons pas d’amalgame, ne tombons pas dans « l’islamophobie » ». Mais, qu’entend-on par là ? S’il s’agit de dire que tous les musulmans ne sont pas des terroristes, il s’agit d’une évidence. Il est bon et sain de le répéter, mais cela ne fait guère avancer le débat. S’il s’agit de dire, mais c’est hélas bien plus rare, que des populations de religions musulmanes sont très souvent les premières victimes de l’islamisme, c’est aussi une autre évidence. Et il convient de l’affirmer haut et fort. S’il s’agit, enfin, de dire que la montée de l’islamisme est le fruit de la destruction du nationalisme arabe, et que ce nationalisme arabe fut combattu, de Nasser à Saddam, par les Etats-Unis et les puissances occidentales, voilà qui constitue une vérité qui est largement oubliée[45]. Ces trois affirmations constituent trois éléments essentiels d’un discours non pas tant contre l’islamophobie mais affirmant des vérités qui sont aujourd’hui essentielles à dire dans les pays occidentaux.


Mais, le discours peut aussi avoir un autre sens, bien plus contestable. A vouloir combattre une soi-disant « islamophobie » on peut aussi préparer le terrain à une mise hors débat de l’Islam et des autres religions. Et là, c’est une erreur grave, dont les conséquences pourraient être terribles. Elle signe la capitulation intellectuelle par rapport à nos principes fondateurs. Non que l’Islam soit pire ou meilleur qu’une autre religion. Mais il faut ici affirmer que toute religion relève du monde des idées et des représentations. C’est, au sens premier du terme, une idéologie. A ce titre, toute religion est critiquable et doit pouvoir être soumise à la critique et à l’interprétation. Cette interprétation, de plus, n’a pas à être limitée aux seuls croyants. Le droit de dire du mal (ou du bien) du Coran comme de la Bible, de la Thora comme des Evangiles, est un droit inaliénable sans lequel il ne saurait y avoir de libre débat. Un croyant doit accepter de voir sa foi soumise à la critique s’il veut vivre au sein d’un peuple libre et s’il veut que ce peuple libre l’accepte en son sein.


Ce qui est par contre scandaleux, ce qui est criminel, et ce qui doit être justement réprimé par des lois, c’est de réduire un être humain à sa religion. C’est ce à quoi s’emploient cependant les fanatiques de tout bord et c’est cela qui nous sépare radicalement de leur mode de pensée. Parce que, en descendants de la Révolution française, nous considérons que la République ne doit distinguer que le mérite et non le sexe, ou un appartenance communautaire, il est triste de voir une partie de la gauche suivre en réalité les fondamentalistes religieux sur le chemin de la réduction d’un homme à ses croyances.


On doit ici en comprendre les enjeux. La Res Publica ce principe d’un bien commun qui est à la base de la République, et qui découle de la souveraineté, implique la distinction entre un espace privé et un espace public. Cet espace public est constitué tant par un processus d’exclusion que par un processus d’inclusion. Le processus d’exclusion est constitué par l’existence des frontières. Nul ne pourrait tolérer que dans un espace public on fasse entrer de nouveaux membres juste pour inverser une décision. On comprend bien qu’admettre un tel principe signe la mort de la démocratie. Mais, la contrepartie de cela est qu’il ne doit pas y avoir de nouvelles exclusions entre les membres de la communauté politique. Il s’ensuit que les citoyens ne doivent pas être distingués par une appartenance religieuse, ou une « race », mais par leur appartenance à un corps politique, la Nation.

Souveraineté et laïcité


Ainsi le principe de laïcité découle de la souveraineté. La laïcité n’est pas un supplément d’âme à la République : elle en est le ciment[46]. Il n’est pas anodin que l’un des grand penseur de la souveraineté, Jean Bodin, qui écrivit au XVIème siècle dans l’horreur des guerres de religion, ait écrit à la fois un traité sur la souveraineté[47] et un traité sur la laïcité[48].


Il convient de bien comprendre ce lien étroit qui unit la notion de souveraineté à celle de laïcité. La souveraineté implique la définition d’un souverain. Une fois établie que la « chose publique » ou la Res Publica est le fondement réel de ce souverain, comme nous y invite Jean Bodin, il nous faut définir le « peuple » qui exercera, soit directement soit par l’entremise de formes de délégation, cette souveraineté. C’est bien pourquoi la question de la souveraineté est aussi centrale, car elle implique la définition de la communauté politique qui l’exerce.


Dès lors, nous obliger à nous définir selon des croyances religieuses, des signes d’appartenances, aboutit en réalité à briser le « peuple ». Et c’est très précisément le piège que nous tendent les terroristes qui veulent nous ramener au temps des communautés religieuses se combattant et s’entre-tuant. D’autres alors y ajouterons des communautés ethniques. Si nous cédons sur ce point nous nous engageons vers un chemin conduisant à la pire des barbaries. La confusion dans laquelle se complet une grande partie de l’élite politique française, est ici tragique et lourde de conséquences. Les attaques contre les musulmans (comme celles contre les juifs, les chrétiens, les bouddhistes, etc…) sont inqualifiables et insupportables. Mais, on a le droit de critiquer, de rire, de tourner en dérision, et même de détester TOUTES les religions. Et si l’on est choqué par des caricatures, on n’achète pas le journal dans lesquelles elles sont publiées, un point c’est tout.


Ces dérives sectaires, certes très minoritaires mais qui existent néanmoins dans une partie de la jeunesse française, révèlent le sentiment d’anomie de cette jeunesse. Les jeunes issus de l’immigration ne peuvent pas s’intégrer car ils ne savent pas à quoi s’intégrer. En se tournant vers la religion et pour certains vers le fanatisme ils révèlent une montée des affirmations identitaires et narcissiques. Au « nous » qui était proposé par la République, mais qui perd progressivement de sa crédibilité car la République n’est plus souveraine, se substitue tout d’abord le « je ». Mais, devant la vacuité de ce « je », devant aussi son impuissance, on cherche à reconstruire un « nous », mais un « nous » particulier, excluant les autres. L’affirmation identitaire et narcissique fait ici le lit du fondamentalisme.


Pourquoi donc ce retour en arrière dans le religieux ? Pourquoi y-a-t-il des voix qui, face aux victimes des crimes de janvier 2015, s’élèvent pour dire « ils ne l’ont pas volé », et qui de fait demandent implicitement le rétablissement de l’ignoble délit de blasphème ? La raison en est simple : parce que l’on récuse cette idée fondamentale de la souveraineté comme base de la démocratie. On a en effet oublié que la contrepartie de cette égalité politique à l’intérieur des frontières était le respect de ces dites frontières. L’existence et le respect des frontières constituent un élément déterminant de la démocratie. C’est l’existence de frontières, de la séparation entre un national et un étranger, qui fonde d’ailleurs l’article 4 du Préambule de la Constitution, celui qui établit le droit d’Asile[49]. Or, si une communauté politique n’est plus maîtresse de son destin, il ne peut y avoir de démocratie en son sein. Et, en conséquence, on ne peut y déterminer un « bien commun ». On est alors immanquablement conduit à rechercher un autre ciment à cette communauté, et c’est ici que l’on retrouve la religion. On peut constater que le développement actuel du fondamentalisme religieux n’est que la traduction des effets de la mondialisation. Mais constater un phénomène ne signifie pas l’accepter, et encore moins s’en réjouir. Que tous ceux qui entonnent des discours béats sur les prétendues beautés d’une mondialisation qu’ils voudraient heureuse sachent que c’est cette dernière qui produit, de manière naturelle et permanente, la montée des fondamentalismes religieux. Vouloir combattre le fondamentalisme implique de penser une démondialisation.

La France, les français et la barbarie


Dans le même temps, on ne peut qu’être frappé par la combinaison des diverses crises qui frappent la France. Cette dernière traverse donc aujourd’hui une crise généralisée. Les français le ressentent et le traduisent dans un grand pessimisme[50]. Nous savons ce qu’est une crise économique, et nous mesurons tous les jours ce que peut être une crise sociale. Ces crises engendrent un profond sentiment d’insécurité[51]. Mais il y a dans la situation actuelle quelque chose de plus, tant quantitativement que qualitativement. Nous découvrons désormais ce que peut être une crise de la Nation, ce moment particulier où l’on sent le sol qui se dérobe sous nos pieds, où ce que l’on pensait être garanti est brutalement remis en cause, une chose qui nous avait été épargné depuis la fin de la IVème République. De ce sentiment découle celui de l’insécurité culturelle qui, se combinant à l’insécurité sociale, produit ce qu’un auteur appelle le « malaise identitaire »[52]. Derrière le symptôme, il y a bien une réalité, et c’est cette réalité qu’il nous faut tenter de comprendre.


Une des causes de ce pessimisme est le fait que les français ont le sentiment d’être confronté à une barbarie aux formes multiples. Nous sommes tout à la fois horrifiés et fascinés par la montée de la barbarie. Des régions entières du monde ont basculé dans une sauvagerie profonde. Des millions de personnes en sont les victimes. Nous avons voulu l’ignorer et nous avons eu, jusqu’à présent, le sentiment de vivre dans un espace protégé, une bulle, où rien de réellement affreux ne pouvait survenir. Assurément, la conscience des massacres à l’extérieur, de la somme d’injustice et de misère qui s’accumulait loin de nos frontières était une réalité pour certains. Mais, pour une large part de la population, cela restait des mots ; le sentiment de vivre dans une zone protégée, l’Union européenne, l’emportait. C’est ce sentiment, justifié ou non, qui est en train de voler en éclats. Les français ressentent que non seulement ils ne sont pas protégés par l’Union européenne, mais que cette dernière, involontairement ou à dessein, approfondit chaque jour la crise qu’ils ressentent.


Au plus proche de nous une forme de barbarie économique s’est abattue sur la Grèce depuis 2010. La misère, le désespoir, mais aussi la violence politique et le sentiment d’une profonde et totale expropriation, tant économique que politique et sociale sont désormais à nouveau présents en plein cœur de l’Europe. Le phénomène touche désormais une partie de l’Espagne et du Portugal. Cette barbarie économique dépasse, et de loin, ce que l’on attend d’une simple crise. Mise en œuvre par les institutions européennes alors que ces dernières devaient théoriquement nous en protéger, elle porte en elle la condamnation du système qui la produit et la met en œuvre.


La société française se défait donc sous nos yeux. De ce constat terrible on peut tirer l’origine de la multiplication des revendications identitaires qui nous fait régresser du « nous » au « je ». Ce processus n’est possible que parce que l’Etat-Nation, cette vieille construction sociale, se défait elle aussi. La Nation, c’est ce qui nous protège de la « guerre de tous contre tous » pour reprendre la formule de Hobbes, ou de l’anomie pour citer Durkheim. Il arrive assurément que la loi opprime. Mais, la pire oppression découle toujours de l’absence de lois. Or, ces lois sont prises dans le cadre de la Nation, et la révolution de 1789 a institué le peuple souverain comme juge suprême de ces lois. La démocratie découle alors nécessairement de la souveraineté. Certes, il est des Nations souveraines qui ne sont pas démocratiques, mais nulle démocratie n’a pu naître là ou l’on est privé de souveraineté. Toute tentative pour constituer un espace de démocratie institue en réalité un espace de souveraineté. Ces deux notions sont ici indissolublement liées.


Au fondement de cette barbarie, se trouve la destruction du principe de l’Etat. Cela n’étonnera que ceux qui ignorent tout de la tradition du discours sur l’Etat et le Droit qui court dans le monde occidental depuis maintenant plus de deux millénaires. L’Etat, c’est ce qui protège les individus, qui garanti un corps de règles admises par tous. Mais l’Etat est fondamentalement deux choses. Il peut être la propriété d’un prince, auquel cas, en réalité, il se défait rapidement. Ou bien il peut être l’expression d’une intérêt collectif : tel est le sens de la Res Publica qui a donné notre République mais qui est une réalité plus profonde et plus complexe. Le principe républicain existe y compris dans des formes d’organisation politique qui ne sont pas des « républiques ». Il faut donc retracer précisément l’origine du terme si nous voulons comprendre ce qu’il recouvre.


Car, cette Res Publica est aussi territorialisée. C’est un point essentiel. Les solidarités qui naissent de la compréhension de choses en commun s’enracinent en fait dans l’espace. L’Etat ici se confond avec la Nation. Le lien entre l’Etat et la Nation prend une nouvelle dimension avec l’existence de la démocratie. Cette dernière implique la définition préalable de la souveraineté. En effet, la démocratie moderne, c’est à dire dans le cadre d’un espace territorial qui n’est pas réduit à une Cité-Etat, implique la souveraineté populaire. C’est le leg des révolutions de la fin du XVIIIème siècle. Mais, cette souveraineté populaire implique en amont l’existence de la souveraineté nationale. Sans souveraineté nationale, il ne peut y avoir de souveraineté populaire. L’expression qui symbolise le mieux la Révolution française « du peuple, pour le peuple, par le peuple », ne prend sens que si ce peuple est souverain, ce qui veut aussi dire qu’il ne soit pas soumis à un pouvoir étranger.


Dès lors, l’antériorité logique de la souveraineté nationale sur la souveraineté populaire interdit d’opposer ces deux concepts. C’est ce que ne comprennent pas certains à gauche, et l’on peut se demander s’il s’agit véritablement d’une incompréhension ou si l’opposition qu’ils inventent entre ces deux formes de la souveraineté ne trahit pas plutôt une réticence fondamentale quant à la notion de souveraineté. Si la souveraineté nationale ne conduit pas nécessairement à la souveraineté populaire, et il y a eu nombre d’Etats souverains qui n’étaient pas démocratiques, on n’a jamais vu une démocratie dans un Etat qui n’était pas souverain. Opposer souveraineté nationale et souveraineté populaire est une absurdité. Mais, l’importance du principe de souveraineté en général a un autre fondement. Il faut comprendre que de la souveraineté découle la légitimité qui, à son tour, fonde la légalité. L’existence de la souveraineté est nécessaire à l’existence d’une autorité légitime, source d’une autorité légale.


Par ailleurs, c’est cette souveraineté qui rend audible l’injonction de solidarité, entre les personnes et les régions sur un territoire donné. Que l’on abdique cette souveraineté et cette solidarité se défait[53]. En affirmant que le peuple est le seul détenteur de la souveraineté, la Révolution de 1789 a achevé la construction politico-juridique qui fut commencée sous le moyen-âge. Mais, il faut se souvenir qu’elle ne l’a pas créé. La notion de souveraineté est bien antérieure à la Révolution. C’est pourquoi il faut aussi revenir aux sources de cette tradition intellectuelle du monde occidentale, et tenter de voir ce qui, en elle, est contingent à une époque ou à une culture et ce qui est réellement universel. Ce mouvement de retour doit aussi permettre de distinguer le véritable internationalisme, autrement dit une pensée qui se situe « entre les nations » car elle en reconnaît l’importance et cherche à dégager des causes communes et à organiser des compromis, et une pensée qui nie les nations, et en réalité nie aussi la démocratie et qui contribue alors à ce principe de destruction des Etats qui engendre la barbarie.


La crise de la Nation, est aussi une crise de l’Etat. Elle laisse les citoyens démunis et sans pouvoir pour peser sur la situation. Il en est ainsi car ils sont privés du pouvoir de faire et de modifier les lois et par là même ils sont privés du pouvoir d’organiser collectivement leur propre futur. « Il n’y a d’irrémédiable que la perte de l’Etat » a dit un roi de France[54] en des temps anciens, mais qui semblent aujourd’hui étrangement, et tragiquement, proches. Le contexte était celui de la fin des guerres de Religions. Sous le couvert d’un affrontement confessionnel, entre Catholiques et Protestants, une puissance, l’Espagne, cherchait à dominer l’Europe. Seul le pays a changé car aujourd’hui c’est aussi de cela dont il est question. Or, de toutes les guerres civiles, le conflit inter-religieux est le plus inexpiable car il met en jeu des fins qui dépassent l’échelle humaine. Quand ce qui est en cause est la vie éternelle – pour qui y croit – alors tout devient possible et justifié dans ce que l’on considère alors comme la « vie terrestre » pour atteindre cette « vie éternelle ». Une finalité extrême peut engendrer une barbarie extrême. La guerre de religions est aussi le conflit qui déstructure le plus en profondeur une société, qui dresse les enfants contre les parents, les frères contre les frères. Aussi, quand Henri IV fit cette déclaration devant les juges de Rouen, car un Parlement à l’époque était une assemblée de juges, il voulait faire comprendre qu’un intérêt supérieur s’imposait aux intérêts particuliers et que la poursuite par les individus de leurs buts légitimes ne devait pas se faire au détriment du but commun de la vie en société. En redonnant le sens de la Nation, il mit fin à la guerre civile.


On mesure alors ce qu’il y a d’actuel dans des mots prononcés à la fin du XVIème siècle. Une crise économique peut nous appauvrir, des injustices sociales peuvent contribuer à dresser des barrières entre nous. Mais, la confiscation de la souveraineté nationale touche aux fondements mêmes de ce qui nous permet de vivre ensemble.

Les formes modernes de confiscation du pouvoir


Les Français ressentent aux plus profond d’eux-mêmes le sentiment d’une confiscation du pouvoir, et de sa substitution par des hochets que les politiques, du moins certains d’entre eux, font sonner à leurs oreilles. Cette confiscation est désormais bien réelle. Elle prend la forme des divers traités qui nous lient à l’Union européenne et qui soumettent la représentation démocratique à un pouvoir non élu. Cette confiscation est aussi le fait des firmes multinationales, qui imposent, avec l’assentiment tacite de nos gouvernements et des institutions européennes des règles leur permettant de dire le droit. Tel est, en effet, l’enjeu du projet de traité de libre-échange entre l’Amérique du Nord et l’Union Européenne, le TAFTA ou Partenariat. Transatlantique de Commerce et d’Investissement[55]. Cette confiscation empêche le peuple, seul détenteur de la souveraineté nationale, de reconstruire l’Etat et de se doter des institutions qui lui conviennent, c’est à dire de l’Etat, pour porter remède à ses maux. Ceci est une cause plus subtile mais en fait plus importante que la seule crise économique, du pessimisme des français dont on a parlé plus haut. Ce sentiment de dépossession et d’impuissance, aggravé lui aussi par un pouvoir faible, et parfois il faut bien le dire indigne, un pouvoir qui théorise par ailleurs son impuissance, contribue à détruire au plus profond ce qui constitue le lien social.


On discerne alors les contours de cette crise totale dans laquelle nous sommes plongés. Avec le retour de la figure de l’élite apatride et anti-démocratique s’opposant au peuple, c’est l’imaginaire de la révolution de 1789 qui est inconsciemment, mais aussi parfois très consciemment, convoqué. Il y a des symboles dont la force est telle qu’ils ne se laissent ni contrôler ni instrumentaliser. Le fait que ces symboles soient mobilisés aujourd’hui, ou en passe de l’être, est un symptôme de la nature de cette crise totale. Ce divorce entre élite et peuple trouve une de ses justifications dans le délitement de la souveraineté nationale qui marche de concert avec le délitement de la démocratie.


Ce délitement de la souveraineté nationale s’est mis en place avec le traité de Maastricht. Il s’est amplifié par petit pas. Victor Hugo le disait déjà[56], et comme en son temps on peut écrire que l’on «nous retire petit à petit tout ce que nos quarante ans de révolution nous avaient acquis de droits et de franchises.(…) Le lion n’a pas les mœurs du renard [57] ».


De fait, ce délitement de la souveraineté nationale, cette dissolution à laquelle on assiste avec l’Union européenne, pourrait avoir pour but de faire naître une autre Nation. Si tel était le cas, on pourrait comprendre, sans toutefois nécessairement approuver le projet qui fait fi de la profondeur historique nécessaire à la construction des institutions et de leur légitimité. Mais tel n’est même pas le cas. En affirmant péremptoirement que l’UE est un projet « sui generis »[58], les dirigeants européens s’exonèrent de tout contrôle démocratique, veulent supprimer la possibilité d’une contestation en légitimité, et enterrent ainsi le principe de souveraineté nationale, mais sans le remplacer par un autre principe. C’est le fait du Prince dans toute sa nudité, certes caché dans une formule dont Jean de La Fontaine[59] apprécierait l’hommage (involontaire) à sa fable de la Chauve Souris et des Deux Belettes : « Je suis Oiseau : voyez mes ailes;
Vive la gent qui fend les airs !…. Je suis Souris : vivent les Rats;
Jupiter confonde les Chats ».


Cette volonté farouche de faire disparaître du champ politique le principe de la souveraineté ne peut se justifier que par une volonté de faire disparaître aussi le principe de démocratie. Mais, ce faisant, on détruit aussi un lien social de la plus grande importance. Dès lors, il ne faut plus s’étonner de ce que la société glisse vers l’anomie, et la guerre de « tous contre tous ». Il n’est donc pas étonnant que l’on se réveille, comme en cet été 2014, avec des fragments de notre société qui ne se pensent plus comme Français avant tout, mais comme musulmans ou juifs, comme « noirs » ou « blancs », bref, cette montée du communautarisme qui ronge aujourd’hui le « vivre ensemble ». Mais, il y a surtout une dimension profondément française qui est un mélange de haine de la Nation, de culpabilité rentrée, et de ce passé rance qui nous vient de 1940. Fuyons donc la France disent-ils tous ces beaux esprits, et allons nous perdre dans cette masse informe qu’est aujourd’hui l’Union européenne, fusse au prix d’un abandon de la démocratie et de la souveraineté.


Le Droit Constitutionnel, autrement dit les normes par lesquels nous nous donnons des règles afin d’organiser notre vie en communauté, se concentre sur la question de la Souveraineté. On a bien vu le schéma mis au point, consciemment ou inconsciemment, à Bruxelles, et que révèle le discours de Barroso, afin d’exclure la souveraineté.

Retour à la souveraineté


La question de la souveraineté est donc fondamentale. De la souveraineté découle non seulement une forme d’organisation politique que l’on appellera « l’ordre démocratique » mais aussi les principes permettant de comprendre comment se construisent et s’articulent les institutions, soit la légitimité et la légalité. Tel est l’objet de ce livre. La souveraineté permet de penser comme des notions distinctes, mais liées, les principes de légalité et de légitimité, ce que l’on appelle aussi la Potestas et l’Auctoritas. Elle et elle seule permet en réalité de comprendre comment on passe du « je » au « nous », comment ce construit cette chose évidente et pourtant mystérieuse qu’est la « chose publique », la Res Publica .


Elle, et elle seule, permet de comprendre pourquoi la question de la laïcité n’est pas un supplément d’âme mais une question fondamentale au projet de la République. Souveraineté et laïcité forment un couple fondateur dans notre pensée politique. Tels seront donc les thèmes que l’on abordera dans cet ouvrage. Il se veut grille de lecture et d’interprétation des enjeux théoriques et pratiques que l’on découvre tant avec la notion de souveraineté qu’avec celles de légitimité, de légalité et de laïcité. Il se veut aussi, et même surtout, un précis qui devrait aujourd’hui guider dans sa réflexion toute personne acquise à l’idée d’un bien commun, d’une Res Publica.


Penser la souveraineté est au contraire le premier pas indispensable si nous voulons pouvoir penser la société, et reconstruire le lien social. Elle est d’autant plus nécessaire que l’on veut que ce lien social soit compatible avec une forme démocratique d’organisation de la société. L’articulation entre souveraineté et démocratie, mais aussi entre légalité et légitimité telles qu’elles découlent de la souveraineté, et entre la formation d’une Res Publica et le principe de laïcité est donc au cœur de notre crise et de nos problèmes.


Notes


[1] Et l’on avoue ici plus qu’une influence de Lukacs G., Histoire et conscience de classe. Essais de dialectique marxiste. Paris, Les Éditions de Minuit, 1960, 383 pages. Collection « Arguments »


[2] Cette question est largement traitée dans le livre écrit pour le Haut Collège d’Economie de Moscou, Sapir J., K Ekonomitcheskoj teorii neodnorodnyh sistem – opyt issledovanija decentralizovannoj ekonomiki (Théorie économique des systèmes hétérogènes – Essai sur l’étude des économies décentralisées) – traduction de E.V. Vinogradova et A.A. Katchanov, Presses du Haut Collège d’Économie, Moscou, 2001. Une partie de l’argumentation est reprise sous une forme différente dans Sapir J., Les trous noirs de la science économique – Essai sur l’impossibilité de penser le temps et l’argent, Albin Michel, Paris, 2000.


[3] Jean-Jacques Mevel in Le Figaro, le 29 janvier 2015, Jean-Claude Juncker : « la Grèce doit respecter l’Europe ». http://www.lefigaro.fr/international/2015/01/28/01003-20150128ARTFIG00490-jean-claude-juncker-la-grece-doit-respecter-l-europe.php Ses déclarations sont largement reprises dans l’hebdomadaire Politis, consultable en ligne : http://www.politis.fr/Juncker-dit-non-a-la-Grece-et,29890.html


[4] Evans-Pritchards A., « European ‘alliance of national liberation fronts’ emerges to avenge Greek defeat », The Telegraph, 29 juillet 2015, http://www.telegraph.co.uk/finance/economics/11768134/European-allince-of-national-liberation-fronts-emerges-to-avenge-Greek-defeat.html


[5] Dont le représentant le plus éminent fut Hans Kelsen, Kelsen H., Théorie générale des normes, Paris, PUF, 1996.


[6] R. Bellamy (1999), Liberalism and Pluralism: Towards a Politics of Compromise, Londres, Routledge,


[7] Bensaïd D., Jeanne de guerre lasse, Paris, Gallimard, « Au vif du sujet », 1991.


[8] http://www.danielbensaid.org/Il-y-a-un-mystere-Jeanne-d-Arc


[9] Voir sur les débats du XIXe et du début du XXè siècle Georges Haupt, Michaël Löwy, Claudie Weill (eds), Les Marxistes et la Question Nationale 1848-1914, Paris, L’Harmattan, 1997, 396 p.


[10] Sapir J., La fin de l’eurolibéralisme, Paris, Le Seuil, 2006.


[11] Sapir J., « Capitulation », note postée sur le carnet RussEurope, le 13 juillet 2015, http://russeurope.hypotheses.org/?p=4102


[12] Voir « Le texte de Fassina », note postée sur le carnet Russeurope le 24 août 2015, http://russeurope.hypotheses.org/4235


[13] Sapir J., « Sur la logique des Fronts », note postée sur le carnet RussEurope, le 23 août 2015, http://russeurope.hypotheses.org/4232


[14] Bossuet J.B., Œuvres complètes de Bossuet, vol XIV, éd. L. Vivès (Paris), 1862-1875, p. 145. Cette citation est connue dans sa forme courte « Dieu se rit des hommes qui se plaignent des conséquences alors qu’ils en chérissent les causes ».


[15] Schmitt C., Théologie politique, Paris, Gallimard, 1988.


[16] Voire la présentation écrite par Pierre Rosenvallon à François Guizot, Histoire de la civilisation en Europe, rééd. du texte de 1828, Paris, Hachette, coll. « Pluriel », 1985.


[17] A. Bentley, The Process of Government (1908), Evanston, Principia Press,1949.


[18] Elster J. et R. Slagstad, Constitutionalism and Democracy, Cambridge University Press, Cambridge, 1993


[19] Jefferson T., “Notes on the State of Virginia”, in, Writngs – edited by M. Peterson, Library of America, New York, 1984.


[20] Schmitt C., Légalité, Légitimité, traduit de l’allemand par W. Gueydan de Roussel, Librairie générale de Droit et Jurisprudence, Paris, 1936; édition allemande, 1932.


[21] Schmitt C., Théologie politique, op.cit., p. 16.


[22] Balakrishnan G., The Ennemy: An intellectual portait of Carl Schmitt, Verso, 2002.


[23] Holmes S., “Gag-Rules or the politics of omission”, in J. Elster & R. Slagstad, Constitutionalism and Democracy, op.cit., pp. 19-58.


[24] Sapir J., Quelle économie pour le XXIè siècle?, Odile Jacob, Paris, 2005


[25] Spinoza B., Traité Theologico-Politique, traduction de P-F. Moreau et F. Lagrée, PUF, Paris, coll. Epithémée, 1999, XVI, 7.


[26] Voir Sapir J., Quelle économie pour le XXIè siècle?, Odile Jacob, Paris, 2005, chapitres 1, 2 et 3.


[27] Sapir J., “Realism vs Axiomatics” in Ed. Fullbrook (ed.), The Crisis in economics, Routledge, Londres et New York, 2003, pp. 58-61.


[28] Sapir J., Les économistes contre la démocratie, Paris, Albin Michel, 2002.


[29] Voir la thèse de Yael Dosquet, La Gouvernementalité de l’économie Néoclassique, EHESS, Paris, 2013.


[30] Le Gall P., « Les représentations du monde et les pensées analogiques des économètres : un siècle de modélisation en perspective », Revue d’histoire des sciences humaines, 1, N° 6, 2002, p. 39-64


[31] Foucault M., Naissance de la biopolitique, Paris, Gallimard/Seuil, 2004.


[32] Haavelmo T., « The Probability Approach in Economics », Econometrica, 12, 1944, pp.1-118.


[33] Guerrien B., L’illusion économique, Omniprésence, 2007.


[34] . Lucas R.E. Jr., « Expectations and the neutrality of money », Journal of Economic Theory, vol. 4, 1972, p 103-124.


[35] Lucas R.E. Jr., Studies in Business-Cycle Theory, Cambridge, MIT Press, 1981, p.224.


[36] Bellamy R., (1994). ‘Dethroning Politics’: Liberalism, Constitutionalism and Democracy in the Thought of F. A. Hayek. British Journal of Political Science, 24, pp 419-441.


[37] Fusaro D., Il Futuro è nostro. Filosofia dell’azione, Bompiani, Milano 2014.


[38] Sapir J., “Calculer, comparer, discuter: apologie pour une méthodologie ouverte en économie”, in Économies et Sociétés, série F, n°36, 1/1998, numéro spécial, Pour aborder le XXIème siècle avec le développement durable, édité par S. Passaris et K. Vinaver en l’honneur du professeur Ignacy Sachs, pp. 77-89.


[39] Keen S., Debunking Economics : The Naked Emperor Dethroned?, Zed Books Ltd,‎ 2001, 352 p.


[40] Ou TINA, « There is No Alternative ».


[41] Todd E., Qui est Charlie ? Sociologie d’une crise religieuse, Paris, Le Seuil, 2015.


[42] Sapir J., La fin de l’euro-libéralisme, Le Seuil, Paris, 2006.


[43] « La genèse de la laïcité » in Blandine Kriegel, La politique de la raison, Paris, Payot, 1994.


[44] Le texte est le suivant : « Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. Il réaffirme solennellement les droits et libertés de l’homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ». http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/la-constitution/la-constitution-du-4-octobre-1958/preambule-de-la-constitution-du-27-octobre-1946.5077.html


[45] Voir Sapir J., « Le tragique et l’obscène », note publiée sur le carnet RussEurope le 25 septembre 2014, http://russeurope.hypotheses.org/2841


[46] Poulat E. Notre Laïcité, ou les religions dans l’espace public, Bruxelles, Desclées de Bouwer, 2014.


[47] Bodin J., Les Six Livres de la République, (1575), Librairie générale française, Paris, Le livre de poche, LP17, n° 4619. Classiques de la philosophie, 1993.


[48] Bodin J., Colloque entre sept sçavants qui sont de différents sentiments des secrets cachés des choses relevées, traduction anonyme du Colloquium Heptaplomeres de Jean Bodin, texte présenté et établi par François Berriot, avec la collaboration de K. Davies, J. Larmat et J. Roger, Genève, Droz, 1984, LXVIII-591, désormais Heptaplomeres.


[49] Cet article 4 énonce : « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République ». http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/la-constitution/la-constitution-du-4-octobre-1958/preambule-de-la-constitution-du-27-octobre-1946.5077.html


[50] http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2015/01/15/20002-20150115ARTFIG00279-les-francais-champions-du-monde-du-pessimisme-economique.php ou encore, http://www.lepoint.fr/societe/exclusif-les-francais-se-noient-dans-le-pessimisme-30-12-2014-1893114_23.php


[51] Castel R., L’insécurité sociale. Qu’est-ce qu’être protégé ?, Paris, Le Seuil et La République des Idées, 2003.


[52] Bouvet L., L’insécurité culturelle. Sortir du malaise identitaire français, Paris, Fayard, 2015.


[53] Guilluy C., La France périphérique. Comment on sacrifie les classes populaires, Paris, Flammarion, 2014.


[54] Discours de Henri IV au Parlement de Rouen en 1597.


[55] R. Cherenti et B. Poncelet Le Grand marché transatlantique : Les multinationales contre la démocratie,. Éditeur Bruno Leprince, mai 2011.


[56] Voir sa plaidoirie devant le Tribunal de commerce, lors du « Procès de Monsieur Victor Hugo Contre le THEÂTRE-FRANCAIS, et Action en Garantie du THEÂTRE-FRANCAIS Contre le Ministre des Travaux Publics» en 1832. http://librairie.immateriel.fr/fr/read_book/9782824701387/chap_0035


[57] http://librairie.immateriel.fr/fr/read_book/9782824701387/chap_0035


[58] Comme Manuel Barroso, Barroso J-M., Speech by President Barroso: “Global Europe, from the Atlantic to the Pacific”, Speech 14/352, discours prononcé à l’université de Stanford, 1er mai 2014


[59] Et avant lui Esope, mais ceci est une autre histoire….






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Jacques Sapir142 articles

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Jacques Sapir est un économiste français, il enseigne à l'EHESS-Paris et au Collège d'économie de Moscou (MSE-MGU). Spécialiste des problèmes de la transition en Russie, il est aussi un expert reconnu des problèmes financiers et commerciaux internationaux.

Il est l'auteur de nombreux livres dont le plus récent est La Démondialisation (Paris, Le Seuil, 2011).

_ Zone Euro : une crise sans fin ?
_ Zone Euro : le bateau coule…
_ Marine le Pen, arbitre de la vie politique française
_ L’Euro, un fantôme dans la campagne présidentielle française
_ Euro : la fin de la récréation
_ Zone Euro : un optimisme en trompe l’œil?
_ La restructuration de la dette grecque et ses conséquences
_ À quel jeu joue l’Allemagne ?
_ La Russie face à la crise de l’euro
_ Le temps n’attend pas





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