Sous un sac brun

De fil en aiguille, les procureurs remonteront inévitablement dans la filière libérale et sur l’influence des gros collecteurs. Ce sera seulement plus long qu’avec le mandat plus large recherché par les oppositions.

L'affaire Bellemare - la crise politique

Jean Charest avait mis le bras dans le tordeur mardi en lançant une commission d’enquête sur les nominations des juges; il est déjà aspiré jusqu’à l’épaule.
Les partis d’opposition hurlent évidemment leur indignation. Ils voulaient une enquête publique sur le financement du Parti libéral du Québec. Le premier ministre a utilisé une manœuvre de diversion pour faire porter plutôt celle-ci sur les seules nominations des juges, en profitant des allégations de l’ex-ministre Marc Bellemare sur du trafic d’influence exercé par un collecteur de fonds du PLQ et l’absence d’écoute de Jean Charest à ses plaintes à ce sujet.
Les premières révélations de Me Bellemare portaient sur des nominations à la Cour du Québec. Or, lui-même n’en avait effectué que quatre nouvelles.
Le mandat de la commission est beaucoup plus large : il inclut la Cour du Québec, les tribunaux administratifs et les cours municipales. De plus, le président de la commission d’enquête, l’ex-juge de la Cour suprême Michel Bastarache, un Nouveau-Brunswickois d’adoption, sera libre de scruter non seulement les nominations faites au cours de la courte année pendant laquelle Me Bellemare était ministre de la Justice, mais sur l’étendue dans le temps qu’il jugera bon. Le mandat prévoit aussi spécifiquement qu’il peut investiguer les allégations d’influence de tierces personnes dans le processus de nomination de tous ces juges.
Le bassin potentiel de témoins vient d’atteindre des centaines sinon des milliers de personnes et les risques que le PLQ soit gravement éclaboussé sont multipliés d’autant. De fil en aiguille, les procureurs remonteront inévitablement dans la filière libérale et sur l’influence des gros collecteurs. Ce sera seulement plus long qu’avec le mandat plus large recherché par les oppositions.
Me Bellemare a par ailleurs décidé hier de s’adresser parallèlement à la Sûreté du Québec pour transmettre des informations à ses enquêteurs. Il transfert ainsi immédiatement ce dossier dans le champ des affaires criminelles, sans attendre les conclusions de la commission dans plusieurs mois. Des informations précises circulent sous le manteau dans le milieu judiciaire à Québec sur des interventions d’un collecteur de fonds en faveur d’un candidat pour au moins un poste en particulier de juge.
Un sac sur la tête
Me Bellemare est actuellement un loose cannon qui fait trembler au Parti libéral du Québec. En plus de la commission d’enquête publique, de l’enquête du Directeur général des élections sur le financement du PLQ, l’ex-ministre ira-t-il porter à la SQ des dossiers documentés, à l’appui de ses sorties publiques?
Il faut ajouter à cela la hantise des élus libéraux d’ouvrir le journal du matin; le mépris affiché par nombre d’électeurs lorsqu’ils circulent dans leur comté. La gêne en amènera sous peu à porter un sac brun sur la tête pour sortir… comme des partisans des Canadiens!
Choisir son juge
Le tandem Jean Charest-Jacques Dupuis a par contre réussi un coup fumant en recrutant l’ex-juge Michel Bastarache. Nous pourrons toujours les accuser d’avoir choisi les accusations sur lesquelles ils seront jugés mais plus personne ne devrait répéter qu’ils ont choisi leur juge. Me Bastarache a l’une des feuilles de route les plus impressionnantes parmi les autorités juridiques du Canada. De plus, si les partis d’opposition veulent jouer un rôle actif devant la commission, ils ont intérêt à être polis.
Le sujet enquêté était si délicat, la crédibilité de la commission passait par le choix d’un intouchable. Il était bien difficile de voir venir celui-là.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé