Pour la somme de ses cafouillages au sujet de la mission canadienne en Afghanistan, le ministre de la Défense, Gordon O'Connor, est assis sur un siège éjectable. Le premier ministre Stephen Harper remédiera plausiblement au problème que son ministre représente pour son gouvernement minoritaire à la faveur d'un prochain remaniement ministériel. Et après? Sur le fond, la mission demeurera politiquement invendable.
La maladresse avec laquelle le ministre O'Connor a tenté d'édulcorer la présence de notre armée en Afghanistan n'aura finalement servi qu'à creuser le malaise qu'éprouve l'électorat canadien en général, et québécois en particulier, devant une mission dont le coeur balance entre la guerre aux talibans et l'idéal, louable mais non moins discutable, d'une reconstruction démocratique à l'occidentale.
M. O'Connor dirige son portefeuille depuis 18 mois avec incompétence, de l'avis d'à peu près tout le monde sauf M. Harper. D'abord, il a mis les pieds dans les plats deux fois plutôt qu'une en tentant, l'hiver dernier, de minimiser la controverse autour du traitement des détenus afghans.
Ensuite, il a fait comme le président George W. Bush au sujet de l'Irak et tracé un portrait exagérément optimiste de la situation afghane en déclarant, il y a une dizaine de jours, que les militaires canadiens pourraient être en mesure, aussi tôt qu'à la fin de l'année, de laisser l'armée afghane prendre leur relais au chapitre des opérations plus dangereuses menées sur la ligne de front.
Cette optimisme a eu deux conséquences immédiates. En réaction, le sonore général Rick Hillier, chef d'état-major de la Défense canadienne, a publiquement contredit le ministre en affirmant que la préparation de l'armée afghane allait prendre encore «beaucoup de temps» et que «nous n'en sommes qu'au début du processus de formation».
L'affirmation du ministre a par ailleurs créé le sentiment au Canada anglais que le gouvernement Harper cherchait, à des fins destinées à calmer l'opposition de l'électorat québécois, à mettre à l'abri des combats les soldats francophones du Royal 22e Régiment de Valcartier qui ont commencé à débarquer à Kandahar. Le brigadier-général Guy Laroche a d'ailleurs eu à s'en défendre hier alors qu'il prenait officiellement le commandement des troupes canadiennes en Afghanistan. Non, a-t-il dit, le Royal 22e ne bénéficiera pas d'un traitement de faveur: de toute façon, les troupes afghanes, ainsi que l'a affirmé le général Hillier, sont encore trop peu nombreuses et trop mal équipées pour prendre la relève.
L'inefficacité de M. O'Connor, dont l'opposition aux Communes réclame la tête, a au moins le mérite, occasion rare, de faire réfléchir les Canadiens sur le rôle et la place du militaire au sein de leur système politique. Il est dans ces conditions presque dommage, pourrions-nous ironiser, que le ministre soit apparemment sur le point d'être poussé vers la sortie. Voici le général Hillier, qui n'en est pas à son premier duel rhétorique avec M. O'Connor, devenu porte-parole de facto de la Défense nationale. Qu'en fera M. Harper? Sous quelque angle qu'on le regarde, il s'empêtre. Drôle de développement pour un gouvernement dont l'une des orientations principales passe par le renforcement du militaire.
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