Sexe, race et rock’n’roll électoral

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Primaires américaines 2008


Hillary Clinton. (Photo AFP)

Richard Hétu - La première chose que nous devons dire en tant que politologues est : voilà une situation où nous ne savons rien sur l’issue possible. »


Pourtant, si une personne est bien placée pour parler de la course entre Hillary Clinton et Barack Obama, c’est bien Paula McClain, qui a bâti sa carrière universitaire sur l’étude des rapports entre les sexes et les races aux États-Unis.
« Il n’y a aucun précédent historique pour ce qui arrive. Nous ne savons pas ce qui se passe », affirme la codirectrice du Centre d’études sur la race, le sexe et l’ethnicité de l’Université Duke, en Caroline-du-Nord.
Ce constat s’applique sans doute aux journalistes et aux sondeurs, qui ont prédit une victoire convaincante de Barack Obama au New Hampshire. Une victoire par 10 points et plus qui allait mettre fin aux ambitions présidentielles de Hillary Clinton. Tu parles !
Que s’est-il passé au New Hampshire ? Les explications ne se résument pas à une larme ravalée. Que se passera-t-il en Caroline-du-Sud, dont la primaire démocrate, le 29 janvier, ajoutera un autre élément combustible à la course à l’investiture démocrate, celui de la race ? Ça risque d’être rock’n’roll.
« L’effet Bradley »
Son sexe a clairement joué en faveur de Hillary Clinton au New Hampshire. Sa couleur a-t-elle nui à Barack Obama ? Au lendemain de la primaire démocrate, des commentateurs ont parlé de « l’effet Bradley » pour expliquer l’écart considérable entre les sondages et les résultats du scrutin. L’expression fait référence à l’ancien maire noir de Los Angeles, Tom Bradley, qui avait perdu la course pour le poste de gouverneur de Californie en 1982 alors que les sondages lui prédisaient une victoire décisive.
On a conclu que des électeurs avaient menti aux sondeurs de peur de passer pour des racistes. « L’effet Bradley » aurait eu un impact sur d’autres courses, dont celle de David Dinkins à la mairie de New York en 1990, qui avait pris fin sur une victoire beaucoup plus courte que prévue.
John Judis, chercheur et journaliste, a démontré de façon convaincante que « l’effet Bradley » n’explique probablement pas le résultat du New Hampshire. Au cours des 48 dernières heures de la course, 4 % de l’électorat masculin est passé de Barack Obama à Hillary Clinton, contre 12 % de l’électorat féminin, selon les sondages effectués à la sortie des bureaux de vote.
Or, la grande majorité des femmes ayant passé d’Obama à Clinton dans les dernières heures de la course sont des diplômées universitaires. « S’il y a un groupe dans la société américaine où le racisme n’est guère présent, c’est bien celui-là », écrit John Judis sur le site internet de la revue The New Republic.
Les femmes, rappelons-le, ont composé 57 % de l’électorat lors de la primaire démocrate du New Hampshire, un taux qui a dépassé les prévisions des sondeurs.
Mais la question raciale aura peut-être autant d’impact en Caroline-du-Sud que celle du sexe en a eu au New Hampshire. Des Noirs ont déjà critiqué une déclaration de Hillary Clinton sur Martin Luther King. À la veille de la primaire du New Hampshire, dans une entrevue sur Fox News, la sénatrice de New York a en effet affirmé que le rêve du leader des droits civiques n’aurait pas vu le jour sans l’action du président Lyndon Baines Johnson. Elle répondait à une question sur Barack Obama, qui avait évoqué le rêve du pasteur noir dans un discours.
James Clyburn, le plus important élu démocrate de la Caroline-du-Sud au Congrès, est l’un des Noirs qui a exprimé sa déception après le commentaire de Hillary Clinton. Celle-ci a nié avoir voulu diminuer le rôle de Martin Luther King, figure révérée chez les Noirs, dans le combat contre la ségrégation raciale.
Bill Clinton a lui-même dû expliquer une de ses déclarations sur Barack Obama. Vendredi, dans une entrevue à l’émission radiophonique d’Al Sharpton, l’ancien président a nié avoir qualifié la campagne du sénateur de l’Illinois de « conte de fées ». Cette expression, a-t-il dit, faisait référence à l’idée que Barack Obama n’a jamais dérogé de son opposition à la guerre en Irak.
« La campagne Barack Obama n’est pas un conte de fées, il pourrait gagner », a affirmé Bill Clinton.
De toute évidence, la course à l’investiture démocrate entre dans un territoire miné. Mais une autre inconnue attend Hillary Clinton et Barack Obama au Nevada, où des caucus auront lieu le 19 janvier. Pour la première fois de la campagne présidentielle, l’électorat hispanique fera sentir son poids. Que se passera-t-il ? Franchement, nous n’en savons rien.
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