Serrer les rangs

Pauline Marois - entre urgence et prudence


Suite aux rumeurs entourant le duo Legault & Facal, la sortie de Jacques Parizeau et la lettre cinglante de 50 jeunes souverainistes s'opposant à la stratégie de Pauline Marois, vous vous posez peut-être quelques questions.
Dont sûrement celle-ci: "Qu'est-ce qu'ils ont donc, ces péquistes, à se crêper encore le chignon en public au moment où le gouvernement Charest se livre à une excellente imitation du Titanic?"
Désolée, mais c'est un peu plus compliqué que ça...
Certes, il y a ici une bonne dose de luttes de pouvoir. Après tout, on parle de politique, pas d'un couvent de sœurs!
N'empêche qu'au-delà de ce premier degré, vous trouverez aussi une question de fond, une vraie: pour le PQ, le pouvoir, qu'ossa donne?
Le pouvoir, qu'ossa donne?
Au-delà du devoir évident de tout parti de gouverner dès qu'il prend le pouvoir, la question est de savoir ce que ferait le PQ cette fois-ci, concrètement, pour tenter de réaliser son objectif - l'indépendance. Ce qui nous ramène aux critiques faites à la stratégie de Mme Marois.
Si ces désaccords sortent maintenant, c'est surtout parce que le congrès d'avril 2011 - le premier au Parti québécois en six ans (!) - approche à grands pas. C'est aussi parce que ce ne sera pas n'importe quel congrès puisqu'il décidera du programme du PQ pour la prochaine élection, laquelle, à son tour, pourrait marquer son retour au pouvoir.
Bref, tout est dans tout.
Et si ce débat se fait sur la place publique, c'est en partie parce que des changements majeurs apportés aux statuts du PQ dans les dernières années, combinés au choc infligé à ce dernier en 2007 par le tsunami Boisclair, ont fini par rendre nettement plus "disciplinés" les débats autrefois houleux tenus dans les instances péquistes. Certains vous diront même qu'ils en seraient devenus aseptisés.
C'est aussi parce que le Plan Marois dit de "gouvernance souverainiste" en laisse plusieurs sur leur faim. À l'intérieur comme à l'extérieur du PQ. C'est d'ailleurs ce qu'exprimait récemment Jacques Parizeau en entrevue avec le journaliste Pierre Duchesne.
Dans les pages du Devoir, le "Groupe des 50", ces jeunes souverainistes qu'on présente comme des "dissidents", reprenait ensuite la terminologie de M. Parizeau en demandant au PQ de "transformer le rêve en projet". Il promettait aussi de tenter de "battre" le Plan Marois au congrès parce qu'il le juge trop autonomiste et trempé dans une sauce adéquiste.
Qu'est-ce que le Plan Marois?
Il met l'accent sur l'identité avec un "i" majuscule en proposant une Constitution et une citoyenneté québécoises au sein du Canada, une loi 101 revampée, une charte de la laïcité, un rapport d'impôt unique et le rapatriement de certains pouvoirs d'Ottawa. S'ajoute la "proposition principale" du PQ: un référendum qui serait tenu "au moment jugé approprié" et dont la préparation demeure pour le moment un mystère.
Or, s'il est vrai que M. Duceppe a bel et bien appuyé ce Plan, le Groupe des 50 avance qu'il semble aussi le contredire du moment où le chef bloquiste qualifie d'"illusion" toute tentative de "dialoguer" et de "s'entendre avec le Canada" sans passer par la souveraineté.
On l'a peut-être oublié, mais dès son adoption en juin 2009, ici et là, le Plan Marois était déjà qualifié d'"autonomiste". Le très populaire Amir Khadir dénonçait même l'"union-nationalisation" du PQ. Quant à l'ex-député péquiste Jean-François Simard, il disait voir son parti entrer dans "une ère d'accommodement économique, social et constitutionnel" avec le Canada.
Le Parti québécois jure que le Plan Marois permettrait au Québec d'"avancer" et donc, l'appétit venant en mangeant, il donnerait le goût aux Québécois d'avoir TOUS les pouvoirs.
Pourtant, les gouvernements Lesage et Lévesque ont amplement démontré qu'il n'y avait aucun lien de causalité entre "faire avancer" le Québec et susciter chez les Québécois le désir de devenir indépendants. Sûrement un autre sujet de débat à venir.
Mais peut-être pas... Enfin, qui sait?
Car, pour le moment, la realpolitik fait que le caucus péquiste craint comme la peste que ces sorties cumulées minent le leadership de Mme Marois face à celui pourtant vacillant d'un Jean Charest.
Résultat: le PQ et le Bloc serrent les rangs.
Et voilà qu'après avoir entendu la présidente du Comité national des jeunes du PQ critiquer le "Groupe des 50" pour être passé par les médias (i.e. Le Devoir) plutôt que les instances du parti, 136 pro-Marois lui répliquent par une lettre ouverte publiée, elle aussi... dans Le Devoir.
Sous pression, Mme Marois fait donc une concession: la "réactualisation" de quelques études sur la souveraineté demandée par M. Parizeau. Mais c'est une bien petite concession en l'absence d'un véritable débat sur la question de fond: à quoi servira le pouvoir pour le PQ?
Maintenant, cela suffira-t-il à faire taire les critiques?
Seul le temps saura le dire.
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@Addendum: Dans cette relance d'une lettre ouverte à l'autre, les voici dans leur version intégrale::
1) La lettre du «Groupe des 50»
2) La réponse des pro-Marois


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