Au lieu de simplement pointer les immigrants et les minorités comme source de leur inconfort et de leurs problèmes, les Québécois doivent s'interroger sur ce qu'ils sont et ce qu'ils veulent comme société. C'est l'exercice fort exigeant mais essentiel que leur proposent Gérard Bouchard et Charles Taylor, les coprésidents de la Commission de consultation sur les pratiques d'accommodement reliées aux différences culturelles.
Appelés à la rescousse en février dernier par le gouvernement libéral pour atténuer l'incompréhension et le mécontentement entourant les accommodements raisonnables, les deux hommes refusent d'être de simples poseurs de balises. C'est heureux qu'ils ne choisissent pas la voie de la facilité. Le Québec ne pourra que mieux s'en porter.
Pour eux, les Québécois d'origine canadienne-française vivent un sérieux problème identitaire. Minoritaire en Amérique du Nord, la majorité francophone du Québec craint les minorités et les voit comme une menace à ses valeurs, à sa culture, à sa religion. Selon Gérard Bouchard, les Québécois ont l'impression que leur culture vit une sorte de vide alors que celle des autres est très consistante, très forte.
La Commission leur donne l'occasion de faire le point, de se définir, de réitérer leurs valeurs, de préciser la place qu'ils accordent à la religion dans l'espace public. C'est un préalable justifié avant de déterminer la manière dont nous voulons intégrer les immigrants. C'est une étape à franchir avant de revoir, si nécessaire, les façons d'accommoder les citoyens d'autres origines et d'autres religions.
Usant de pédagogie plutôt que de démagogie comme certains politiciens, MM. Bouchard et Taylor font appel à l'intelligence et à l'objectivité des citoyens, du "vrai monde". Dans le document de consultation qu'ils présentent à la population (www.accommo dements.qc.ca), les coprésidents précisent le contexte social, politique, juridique, démographique, culturel, historique qui prévaut au Québec. Ils rappellent aussi l'évolution et la diversification de l'immigration dans la province.
Si tous les citoyens prenaient la peine de lire ce document d'une quarantaine de pages, plusieurs craintes et fausses perceptions s'estomperaient tant chez les Québécois de souche que chez ceux qui ont choisi de s'établir ici. La cohabitation serait plus aisée, plus harmonieuse.
La xénophobie a en effet moins d'emprise lorsque les gens connaissent les faits, les chartes et les lois. Ils saisissent également qu'être majoritaires ne signifie pas que les minorités peuvent être ignorées ou brimées.
D'ailleurs, la Commission a eu la brillante idée de faire appel au jugement des individus. Elle soumet une vingtaine de situations où les participants doivent déterminer si un accommodement est raisonnable ou non.
L'approche retenue jusqu'à maintenant par MM. Bouchard et Taylor prouve que le gouvernement Charest a eu raison de confier à une commission le contesté dossier des accommodements raisonnables, comme l'avait suggéré le péquiste Louis Bernard.
Le récent débat sur la capacité d'accueil du Québec en matière d'immigration démontre bien qu'il est nécessaire pour un sujet aussi complexe et délicat de discuter et d'échanger hors des tribunes partisanes.
Le choix des deux intellectuels pour présider la Commission s'avère aussi judicieux. Ils s'expriment franchement et clairement et semblent réellement intéressés à entendre le point de vue de la population. Celle-ci doit profiter de l'occasion qui lui est offerte. Lorsque la Commission remettra son rapport le printemps prochain, elle doit se reconnaître et se retrouver dans les recommandations soumises au gouvernement.
La Commission fait place à la pédagogie plutôt qu'à la démagogie.
Se définir d'abord
La Commission fait place à la pédagogie plutôt qu'à la démagogie
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