Ludovic Langlois-Thérien et Justine Dorion - Étudiants
Alors que le mouvement étudiant se prolonge, la tentation de le comparer aux événements de Mai 68 se fait sentir de plus belle ! Cette comparaison porteuse d’espoir renvoie au rêve d’une société plus juste, moins technocrate et moins capitaliste, et à l’atteinte de cette société par un mouvement non institutionnalisé, ouvert et populaire.
Cependant, n’oublions pas le ressac de l’Histoire - après le soulèvement de Mai 68, Juin 68 fut la consécration du statu quo alors que la France a choisi d’appuyer massivement le conservatisme du gouvernement de Charles de Gaule lors des élections. Dans le contexte actuel, la comparaison avec Mai 68 est inquiétante, alors que la majorité de la population semble appuyer le gouvernement et se distancier du discours du mouvement étudiant.
Ainsi, en tant que membres du mouvement étudiant, nous ne pouvons nous empêcher d’éprouver un malaise en assistant à la dilution de notre discours. Nous sommes de ceux qui descendent joyeusement dans la rue, casserole à la main, mais qui parfois ne peuvent s’empêcher de s’arrêter, penauds, en lisant au hasard quelques tristes slogans minés de fautes d’orthographe.
Nous déplorons les prises de position hypocrites, carburant à l’opinion et aux rumeurs plutôt qu’aux faits et à la raison. Paradoxalement, alors que nous sommes de plus en plus actifs dans l’expression de notre mécontentement, les raisons mêmes de notre insatisfaction nous paraissent de plus en plus volatiles.
Égarées en cours de route
En somme, la pertinence de nos revendications initiales s’est égarée au gré de prises de positions toujours plus radicales, de discours de moins en moins éloquents aux conclusions douteuses et de l’arrogance croissante de nos leaders - tant parmi les étudiants qu’au sein du gouvernement.
Qu’on se le tienne pour dit : cet égarement de notre discours, s’il persiste, nous nuira. Il laisse déjà libre cours à l’opposition pour discréditer le mouvement étudiant alors qu’il existe bel et bien un argumentaire étayé pour une transformation du modèle universitaire québécois. Or cet argumentaire ne fait plus partie d’aucun discours.
Au contraire, nous devrions nous efforcer de mieux articuler nos idéaux, en laissant tomber les comparaisons faciles et les discours hystériques. En réaffirmant notre position, faisons tout pour corriger notre plus grand tort : d’avoir, par ignorance ou maladresse, provoqué l’aliénation de la majorité silencieuse qui, sondage après sondage, se distancie du mouvement étudiant.
Cette majorité, notre mouvement la nie… mais elle ne devrait pas l’oublier. En fait, alors que beaucoup d’étudiants ont terminé leur session, notre intransigeance apparaît dangereusement comme une forme de complaisance devant ce gouvernement qui - aussi détestable qu’il puisse être - est en fin de mandat, et éjectable aux élections prochaines. Ne faisons pas comme la France de Juin 68, n’embrassons pas le statu quo ! Consolidons les acquis récents de notre mouvement et osons une discussion franche, pragmatique et créative qui ralliera cette majorité qui nous échappe !
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Ludovic Langlois-Thérien et Justine Dorion - Étudiants
Conflit étudiant
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