Scandale des commandites - Jacques Corriveau est accusé de fraude

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Le temps qui sur tout ombre en jette une plus noire... (Encore Victor Hugo)

Le principal architecte du scandale des commandites, Jacques Corriveau, vient d’être rattrapé par la justice… huit ans après la commission Gomery.
M. Corriveau, 80 ans, a été accusé vendredi matin de fraude envers le gouvernement, de fabrication de faux documents et de recyclage des produits de la criminalité. Ses comptes bancaires et sa résidence d’un million de dollars, à Saint-Bruno-de-Montarville, font l’objet d’ordonnances de blocage.

L’ancienne gloire du Parti libéral du Canada section Québec (PLCQ) comparaîtra le 10 janvier prochain. La débâcle de cet ami intime de Jean Chrétien soulève de nombreuses interrogations.

Dès la publication du rapport de la Commission d’enquête sur le programme des commandites et les activités publicitaires, en 2005, il était clair que M. Corriveau était « l’acteur central d’un dispositif bien huilé de pots-de-vin qui lui avait permis de s’enrichir personnellement et de donner de l’argent et des avantages au PLCQ », pour reprendre les mots du juge John H. Gomery.

L’Unité mixte des produits de la criminalité de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a lancé son enquête en 2006. L’année suivante, les policiers ramenaient une cinquantaine de caisses de documents à la suite d’une perquisition au domicile de M. Corriveau.

La GRC a bouclé son enquête en 2010. C’est donc dire que le dossier a traîné sur le bureau de la Couronne fédérale pendant trois ans.

« Aujourd’hui, on est content de dire que M. Corriveau va faire face à la justice. Nos enquêteurs ont fait un travail remarquable », s’est borné à dire Érique Gasse, porte-parole de la GRC.

D’autres accusations pourraient être portées contre de possibles complices de M. Corriveau, a-t-il ajouté.

Qui est Jacques Corriveau ?

Jacques Corriveau est un personnage central du scandale des commandites, un programme dans lequel ont été engloutis 332 millions de dollars (378 millions en dollars constants).

Les publicitaires associés à l’initiative ont pigé à deux mains dans le plat de bonbons, retournant au passage des ristournes au PLCQ afin de financer illégalement les campagnes de 1997 et de 2000.

Dans son rapport final, le juge Gomery a attribué à Jacques Corriveau la paternité du système de ristournes. Le patron de Groupaction, Jean Brault, et deux ex-directeurs généraux du PLCQ, Michel Béliveau et Daniel Dezainde, ont confirmé son statut d’argentier occulte de la formation lors des travaux de la commission.

Ami intime de l’ex-premier ministre Chrétien, le fondateur de PluriDesign (une firme de graphisme) exerçait une grande influence au PLCQ. L’ex-ministre des Travaux publics David Dingwall a déjà dit à la blague que si on retrouvait un jour un homme au lit entre Jean Chrétien et son épouse, ce serait Jacques Corriveau !

Dès 1996, M. Corriveau a été informé de l’existence du programme secret des commandites, alors que les ministres libéraux ont été tenus dans l’ignorance jusqu’en 2001. M. Corriveau se rendait régulièrement au bureau du responsable du programme, Charles Guité, pour lui soutirer des commandites au profit de ses amis de la publicité.

En lien avec le rapport Gomery

C’est précisément pour ses gestes décrits à la commission Gomery que M. Corriveau se retrouve aujourd’hui au banc des accusés.

« M. Corriveau aurait mis en place un système de ristournes dans l’attribution des contrats reliés au programme de commandites », a confirmé M. Gasse, le porte-parole de la GRC. « Notre enquête démontre que M. Corriveau, par son entreprise, PluriDesign, aurait fraudé le gouvernement en fabriquant de faux documents », a-t-il ajouté.

Concrètement, le militant libéral aurait joué de son influence et de son amitié avec Jean Chrétien pour que deux firmes de communication, Groupaction et Polygone/Expour, obtiennent des commandites fédérales. Il aurait obtenu des commissions secrètes en retour.

Il aurait notamment touché une commission de 17,5 % sur des contrats de commandites de 37 millions accordés à Polygone/Expour, ce qui représente une somme de 6,5 millions. Il aurait aussi touché une commission de près d’un demi-million afin que Groupaction puisse obtenir le contrat de gestion des commandites accordées à Polygone/Expour.

L’argent aurait transité par PluriDesign. Une partie des sommes est restée dans les poches de M. Corriveau, et une partie a été déposée dans la caisse occulte du PLCQ.

M. Corriveau aurait justifié les paiements à PluriDesign par des factures pour des services inexistants, voire farfelus. Il se targuait entre autres de travail de consultant pour des salons de plein air aux stades olympiques de Sherbrooke, Rimouski, Chicoutimi et Trois-Rivières.

Sachant qu’il allait le blâmer dans son rapport final, le juge Gomery avait donné à M. Corriveau une deuxième chance de s’expliquer. Le flamboyant designer avait qualifié de « rocambolesques et inimaginables » les accusations lancées contre lui. Il avait admis tout au plus avoir payé le salaire de trois permanents du PLCQ, pour environ 100 000 $, et avoir exercé des activités de lobbyisme non déclarées.

M. Corriveau a été banni à vie du Parti libéral par l’ex-premier ministre Paul Martin, l’instigateur de la commission qui a jeté la honte sur les libéraux.

À Ottawa, le ministre de l’Infrastructure et des Affaires intergouvernementales, Denis Lebel, a profité de l’occasion pour tirer dans les flancs des libéraux. « Cela sert de rappel aux Québécois du rôle joué par le Parti libéral actuellement dirigé par Justin Trudeau dans le scandale des commandites. D’ailleurs, les libéraux doivent toujours 40 millions de dollars aux contribuables canadiens. Quand est-ce qu’ils vont les rembourser ? », a-t-il commenté.

« Mieux vaut tard que jamais », a dit pour sa part le porte-parole du NPD en matière d’éthique, Alexandre Boulerice. « Les hommes et les femmes politiques devraient être là pour le bien commun, le service à la population, non pas pour magouiller comme M. Corriveau semble avoir fait », a-t-il dit à RDI.


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