L’ex-président de la FTQ, Michel Arsenault, entretenait d’étranges relations de copinage avec l’entrepreneur Tony Accurso au plus fort de la tourmente sur l’existence d’un système de ristournes au Fonds de solidarité.
M. Arsenault semble en avoir su pas mal plus qu’il ne l’avouera jamais sur l’infiltration du crime organisé au sein du Fonds et sur le problème du traitement préférentiel (le fast track) accordé à certains promoteurs.
Des conversations d’écoute électronique présentées mercredi à la commission Charbonneau révèlent la grande familiarité entre le syndicaliste de carrière et l’un des principaux entrepreneurs en construction du Québec. Les liens d’amitié entre MM. Arsenault et Accurso étaient déjà connus. Les bénéfices intangibles que tirait l’entrepreneur controversé de cette relation l’étaient moins.
En mars 2009, au plus fort de la tempête médiatique sur l’influence d’une relation des Hells Angels, Denis Vincent, dans les décisions d’affaires du bras immobilier du Fonds, la SOLIM, Michel Arsenault a appelé Tony Accurso à deux reprises.
Le président de la centrale a demandé à l’entrepreneur controversé s’il connaissait les relations de Denis Vincent au sein du crime organisé, tout en lui conseillant de rester sur ses gardes. « Il y a une taupe au Fonds de solidarité, confie Michel Arsenault. Faut pas paniquer. Faut pas que tu parles aux journalistes. »
Tony Accurso l’a rassuré en lui disant qu’il n’avait jamais brassé des affaires avec Denis Vincent. « Il travaille sur des petits, j’ai pas le temps pour des p’tits deals, je veux des gros deals, moi », dit Tony Accurso, qui traite Denis Vincent de « sangsue à commissions ».
Le principal intéressé donnera une version contraire sur les écoutes. Denis Vincent mentionne à plus d’une reprise qu’il est en contact avec Tony Accurso.
La fin de Lavallée
Les deux comparses s’entendent sur un point. Le règne de Jean Lavallée à la FTQ-Construction (FTQ-C) est terminé. Denis Vincent, le courtier informel qui percevait des ristournes en son nom, a fait trop de dommages. « Johnny, son chien est mort, Tony », dit Michel Arsenault.
Encore une fois, l’entrepreneur rassure son ami, qu’il appelle « Mike ». Jean Lavallée « va juste prendre sa retraite, pis c’est tout. C’est pas le genre de gars pour démolir [ce qu’il a] lui-même construit », observe-t-il.
Les travaux de la commission complètent le portrait déjà brossé par les journalistes d’enquête au sujet de Denis Vincent. Le pilote d’hélicoptère lié aux Hells Angels percevait des ristournes pour Jean Lavallée, l’ex-président de la FTQ-C et du conseil de la SOLIM.
Denis Vincent n’avait aucun lien d’emploi avec le Fonds de solidarité. Il était pourtant mêlé à de nombreuses conversations décisionnelles avec Guy Gionet, le p.-d.g. de la SOLIM.
L’enquêteur de la commission, Michel Comeau, n’en revient tout simplement pas de l’influence de cet électron libre. « Je reste surpris de voir comment M. Vincent peut se mettre à égalité avec ces hauts gestionnaires alors qu’il n’a pas de poste. Il agit comme un décideur », a-t-il dit lors de son témoignage.
Jean Lavallée, Guy Gionet, Denis Vincent et Tony Accurso formaient « une gang tissée serrée », a enchaîné l’enquêteur Comeau. Ils réglaient de nombreuses affaires en dehors des heures de travail, le week-end, comme l’atteste l’écoute électronique.
Une série de bombes
Le Fonds de solidarité a été forcé de se départir des « dossiers toxiques » impliquant Denis Vincent en raison de la pression médiatique. La révision des règles de gouvernance au Fonds découle de l’intérêt des médias, en particulier de La Presse et Enquête.
À partir de l’hiver 2009, des conversations au sommet ont eu lieu entre Michel Arsenault, le p.-d.g. du Fonds Yvon Bolduc, et le p.-d.g. de la SOLIM Guy Gionet. Ils cherchaient à écarter Denis Vincent, tout en préservant la viabilité des projets qu’il avait amenés au Fonds.
Le rôle de Jean Lavallée n’échappe pas à Michel Arsenault et à son conseiller politique, Gilles Audette. Dès 2004, ils avaient été informés du fait que Denis Vincent avait possiblement perçu des ristournes lors de la vente de Fortier Transfert à Grues Guay.
« Johnny, quand un dossier arrivait au Fonds, il contactait l’entrepreneur pour qu’il fasse affaire avec Denis Vincent », explique-t-il à M. Arsenault, en vilipendant au passage « toute l’ostie de scheme à Johnny ».
Dans cette histoire, Guy Gionet joue un double rôle. Il prend part aux discussions stratégiques entre Michel Arsenault et Yvon Bolduc, tout en essayant de préserver ses relations avec Denis Vincent et les entrées de celui-ci à la SOLIM. Selon l’enquêteur Comeau, M. Gionet était « dirigé » par Jean Lavallée.
Jean Lavallée, Denis Vincent et Guy Gionet seront tous écartés du giron syndical à la suite de la crise de mars 2009. Avec la démission récente de Michel Arsenault, seul Yvon Bolduc reste toujours en poste à titre de p.-d.g. du Fonds de solidarité.
M. Bolduc a ménagé la chèvre et le chou lorsque « les bombes » de Denis Vincent ont explosé au visage des gestionnaires du Fonds. Il était très inquiet du « risque réputationnel » quant au Fonds, une variable qui n’a jamais intéressé Guy Gionet.
« C’est une notion que je ne connais pas et que je ne veux pas connaître », a d’ailleurs dit M. Gionet à Denis Vincent. Pour MM. Vincent et Gionet, la rentabilité des investissements l’emportait sur toute autre considération.
Lors de son renvoi de la SOLIM, en mai 2009, Guy Gionet s’est plaint d’avoir servi de bouc émissaire.
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