Sauver la face...

Souhaitons que M. Dumont mette au rancart ce projet qui ne mène qu'à l'impasse et aux désillusions.

ADQ - De l'identité à l'autonomisme - La souveraineté confuse



Se pourrait-il que le projet "autonomiste" de l'ADQ ait constitué, pour nombre d'électeurs francophones, une façon courtoise de mettre la souveraineté au rancart? La porte de sortie qui leur permet de s'échapper avec dignité de l'équation empoisonnée que leur imposaient les souverainistes?
On le sait, la plupart des Québécois, sans pour autant être souverainistes, ne veulent pas avoir à voter contre la souveraineté. C'est justement pourquoi ils ne veulent pas entendre parler d'un référendum. Ils ne veulent pas non plus souscrire inconditionnellement à l'option fédéraliste. Dans les deux cas, ils auraient l'impression de battre en retraite, de se livrer pieds et poings liés à la merci du "Canada anglais". Ce serait une reddition humiliante... Que cette perception soit justifiée ou non (personnellement, je crois qu'elle ne l'est pas) a peu d'importance; ce qui compte, c'est qu'elle existe chez nombre de francophones.
Même si, dans les faits, on s'accommode fort bien du statu quo (que l'on préfère aux bouleversements qu'entraînerait la sécession), on ne veut pas le proclamer tout net. Il faut un rêve de rechange, de quoi sortir la tête haute de l'impasse actuelle. De quoi sauver la face...
C'est le même réflexe - la recherche d'une voie de sortie - qui a poussé une bonne partie des électeurs bloquistes à voter pour les conservateurs en 2006. Ces électeurs n'auraient pas pu voter pour les libéraux, mais dès qu'une solution de rechange honorable s'est présentée, ils se sont empressés de la saisir.
En un sens, peu importe que le projet mi-chair, mi-poisson de Mario Dumont soit un leurre. Pour l'instant, c'est le mirage qui remplace un rêve auquel on a renoncé sans vouloir l'avouer tout haut. Cette version "soft", édulcorée de la souveraineté, qui est d'autant plus rassurante qu'elle se pare d'un vieux mot à connotation duplessiste (l'autonomie!), a l'avantage de maintenir une atmosphère de revendication sans risquer la rupture.
Mais il y aura problème si l'ADQ décide de militer sérieusement en faveur de cette démarche chimérique, qui ne tiendra pas la route et qui se heurtera à une fin de non-recevoir catégorique de la part du reste du Canada. Ce qui d'ailleurs serait une réponse parfaitement méritée, car il y a une limite à l'illogisme.
La souveraineté est une solution digne, logique et réaliste. Le fédéralisme, renouvelé ou pas, l'est également. Mais la mixture autonomiste héritée du rapport Allaire - l'un des documents les plus farfelus de notre histoire politique - est un projet mort-né parce qu'il repose sur l'idée fumeuse que le Québec pourrait avoir le beurre et l'argent du beurre, les avantages de l'indépendance sans ses inconvénients, et les avantages du fédéralisme sans les responsabilités qui incombent aux partenaires d'une fédération.
Le rapport Allaire, que M. Dumont n'a jamais répudié, proposait un gigantesque transfert de compétences vers le Québec - la liste d'épicerie était interminable. On ne laissait au fédéral que les tâches dures et ingrates (douanes, défense, sécurité...). Comble d'indignité, tout en réclamant presque tous les pouvoirs, on voulait maintenir la péréquation! Le Québec serait un petit État dans l'État, mi-autonome, mi-quêteux, qui continuerait à vivre aux crochets des provinces riches!
Depuis, l'ADQ a mis la pédale douce sur ces revendications infantiles. Mais le programme constitutionnel du parti reste incohérent.
Ce parti qui prétend mettre fin aux chicanes propose les deux démarches les plus "divisives" et les plus explosives qui soient: la rédaction d'une constitution québécoise (la recette idéale pour faire resurgir tous les désaccords imaginables) et la reprise des discussions constitutionnelles (discussions dont les autres ne veulent pas et qui de toutes façons ne pourraient aboutir qu'à une série de trocs dont le Québec sortirait affaibli).
En prime, l'ADQ veut abolir le Conseil de la fédération, une organisation qui marche bien et qui a permis au Québec de jouer un rôle moteur, sous le prétexte que toutes les provinces y sont "égales". Encore un faux problème! La deuxième plus grosse province du Canada pèse toujours très lourd, ne serait-ce qu'à cause de son poids politique; dans les faits, elle n'est pas du tout "égale" aux autres.
Ce projet "autonomiste" de l'ADQ répond à des aspirations populaires, soit. Mais il est totalement irresponsable de faire croire aux gens qu'on peut s'asseoir entre deux chaises sans tomber par terre. Souhaitons que M. Dumont mette au rancart ce projet qui ne mène qu'à l'impasse et aux désillusions.


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