Brillantissime intervention télévisée de Nicolas Sarkozy. C’est Xavier Bertrand qui le dit.
Et Xavier Bertrand est un homme de goût.
Première information : Sarkozy est mal payé. Côté confort : son existence élyséenne laisse à désirer. C’est ce qu’il nous a confié avec beaucoup de franchise. S’il avait voulu faire du fric, il aurait fait un autre job. D’ailleurs parfois il regrette. Il a du mérite parce que l’argent il aime ça, il le reconnaît, et il ne supporte pas qu’on le diabolise. Etre très riche, ce n’est pas une tare. Liliane appréciera. En écoutant Sarkozy lundi s’exprimer de la sorte — excellemment bien sûr comme toujours — on était presque surpris qu’il ne soit pas sur TF1.
Seconde information : certains vont avoir l’air fin. Ainsi, ls activistes de la secte sarkolâtre nous affirmaient qu’entre Woerth ministre du Budget, Woerth trésorier de l’UMP et Woerth président du club des plus gros donateurs à la campagne électorale de Sarkozy, il n’y avait pas l’ombre d’un conflit d’intérêt.
Eh bien ils ont été récusés, désavoués solennellement et du coup ridiculisés par leur mentor qui a dû admettre — comment faire autrement ! — qu’il y avait là un problème tellement réel et tellement sérieux qu’il convenait de réunir une commission mixte pour éviter qu’une telle aberration ne se reproduise.
Et, en attendant, il conseille à Woerth de renoncer à son poste de trésorier alors que, quelques heures auparavant, tous les leaders de l’UMP expliquaient que cela ne posait aucun problème, qu’il devait donc le conserver. Et voilà les zélateurs une deuxième fois ridiculisés.
Pauvre Frédéric Lefebvre, pauvre Dominique Paillé. Dur métier.
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Ainsi tous ceux qui, à l’occasion de l’affaire Bettencourt (et il faut donc remercier les journalistes « fascistes » qui l’ont révélé) ont pointé le scandale effarant que représentait la triple casquette d’Eric Woerth (tu verses de l’argent à la campagne Sarkozy et on te promet un bouclier fiscal) et l’engagement de sa propre épouse comme co-gestionnaire de fortune de la femme la plus riche, sinon la plus fraudeuse, de France, ceux-là ont eu parfaitement raison. Et c’est le président de la République lui-même, fût-ce contraint et forcé, qui le reconnaît. Quitte à envoyer ainsi dans les cordes les plus fanatiques de ses courtisans.
Pauvre Xavier Bertrand. Dur métier.
Il est vrai qu’après avoir reconnu que pratiquement toutes les accusations portées contre Woerth étaient justes, le président a conclu que toutes ces accusations s’effondraient. Chapeau l’artiste !
Le chef de l’Etat a même donné raison à Mediapart puisqu’il a largement cité le maître d’hôtel de Madame Bettencourt, en fonction de quoi le site d’Edwy Plenel était tout à fait habilité, lui, à citer le majordome, voire la comptable.
Pauvre Nadine Morano. Dur métier.
Il est vrai que Nicolas Sarkozy a aussitôt ajouté — ce qui nous rajeunit puisque, depuis Brejnev, on ne nous avait plus fait le coup — que, derrière Mediapart, il y avait des « officines ». La CIA ? Al Qaeda ? Le Mossad ? Gemey-Maybelline, le concurrent de l’Oréal sur le terrain stratégique du maquillage féminin ? On s’interroge. A suivre, car si c’est prouvé Edwy Plenel finira évidemment en prison.
Dominique de Villepin et François Bayrou avaient reproché à Nicolas Sarkozy de refuser une enquête indépendante pour ne pas dessaisir le procureur Courroye qui est non seulement son copain mais en outre juge et partie. Ils ont raison, a reconnu le chef de l’Etat : effectivement, je refuse une enquête indépendante et je compte sur le procureur Courroye, un type formidable.
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La réforme des retraites ? Même ceux qui ne sont pas hostiles à la remontée à 62 ans de l’âge légal qui donne droit à pension, estimaient qu’elle était injuste. Pas du tout, proclamait par exemple le Figaro : c’est un modèle d’équité.
Eh bien le chef de l’Etat reconnaît l’injustice puisque sur la pénibilité ou les carrières longues il accepte a priori de revoir sa copie.
Pauvre Etienne Mougeotte. Dur métier.
Les manifestations ont donc servi à quelque chose, au point que le président a cru devoir préciser que désormais elles ne servaient plus à rien.
La rigueur ? Vous avez dit rigueur ? Pas question ! Rigoureux simplement. Vous avez dit douleur ? Non, douloureux simplement. Vous avez dit malheur ? Non, malheureux simplement.
Pauvre Fillon. Dur métier.
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Pour le reste, nous voilà tous rassurés, rassérénés, satisfaits, ravis. Puisque le président n’a quasiment pas abordé la situation sociale c’est que ça va bien. De toute façon il tient la barre. Le cap. Rien à se reprocher. Absolument rien. Malheureusement ses prédécesseurs, en l’occurrence l’UMP, étaient nuls et n’ont rien fait. Malheureusement, les régions creusent des déficits que lui s’échine à combler. Malheureusement il est entouré d’incompétents et de filous qui abusent, s’en mettent plein les poches, prennent leur ministère pour le Club Med. Alors que lui s’impose une sobriété spartiate. Il faudra à la rentrée renvoyer tous ces malfaisants dans leur douar natal. L’important c’est que lui reste. 0 la grande satisfaction des Français quasi unanimes.
Lundi 12 Juillet 2010
Jean-François Kahn
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