Salam alaikum

Obama... et après

«Que la paix soit avec vous». Ce furent presque les premiers mots prononcés par Barack Hussein Obama devant les invités réunis à l'université du Caire jeudi. On ne refait jamais le monde avec un discours. Le président américain l'a répété plusieurs fois dans son discours. Mais, avouons-le, ce fut un discours historique.
Le président américain n'a annoncé rien de neuf, n'a promis aucune initiative nouvelle, n'a révélé aucun nouveau développement dans les dossiers chauds qui empoisonnent le monde et en particulier le monde arabo-musulman. Ce qui est historique, ce sont le respect, l'ouverture et l'humilité dont il a fait preuve. Ces trois qualités ont rarement fait partie de l'arsenal des États-Unis dans leur conduite des affaires mondiales.
Pour en prendre la mesure, il faut lire le texte intégral du discours, en analyser les détails et le choix des mots. Les États-Unis nous avaient habitués à des textes faits de slogans et de formules creuses; voici que nous sommes devant un véritable texte, nuancé, soucieux des détails et des sensibilités culturelles et religieuses.
Plusieurs présidents américains ont cité le Coran dans leurs appels à la tolérance et à la compréhension. Je suis certain que c'est la première fois que le Coran est cité plus de dix fois dans un discours et qu'un président ne parle pas du Coran, mais du «saint Coran». Mots et symboles, répliqueront les sceptiques. Mais, dans l'islam, mots et symboles sont lourds et parfois explosifs. Rappelons que nous parlons d'un monde où religion et vie et politique se confondent et se réclament du «saint Coran».
Puis, il y a eu cet éloge de la culture arabo-musulmane, ses découvertes scientifiques, sa poésie, sa musique, son architecture, sa calligraphie, la mention de l'Université al-Azhar (plutôt conservatrice maintenant), comme racines de la Renaissance européenne. Le président a dit en termes clairs: «Nous vous devons énormément.» Cela est nouveau et radicalement différent de tout le discours américain sur l'islam.
Le président a fait aussi quelques mea-culpa. La torture en Irak, Guantánamo, cette guerre contre l'Irak qui était une guerre choisie mais non justifiée. Et enfin, dans un geste vers l'Iran, qui votera dans quelques jours, la reconnaissance du fait que les États-Unis ont comploté avec les Britanniques pour renverser en 1953 le régime démocratiquement élu de l'Iran pour y installer le chah. Début de tout le bordel iranien. C'est moi qui le dis, pas Obama.
Sur la Palestine, rien de neuf. Seulement des mots forts pour dire que les Palestiniens vivent une situation insupportable. Des mots suffisamment forts pour que le discours soit très mal accueilli en Israël et considéré comme positif par le Hamas. On le sait, le temps n'est pas venu de lancer une nouvelle initiative de paix.
Avant de passer en Égypte, Obama avait salué son allié qu'est l'Arabie saoudite, monarchie corrompue qui nie les droits démocratiques et en particulier les droits des femmes. Et il se retrouve avec son deuxième grand allié dans la région, Hosni Moubarak, plus libéral sur la question des droits des femmes, mais quand même dictateur sous un déguisement de président élu. Voilà un des problèmes fondamentaux de la diplomatie américaine. Dans cette région, ils n'ont d'alliés démocratiques que les Israéliens. Leur politique de stabilité régionale s'appuie sur la monarchie saoudienne et sur la dynastie Moubarak, et pourtant ils proclament les vertus de la démocratie, de la liberté de pensée et d'expression. Comment proposer la démocratie et l'égalité des droits, alors que nos principaux alliés n'en ont cure? L'exercice est périlleux.
Obama l'a tenté. Il a longuement parlé des droits fondamentaux, mais surtout des droits des femmes, tout en rappelant que, dans son pays, on protégeait le droit des femmes musulmanes qui désirent porter le hidjab. Puis, il a abordé les droits fondamentaux dans un pays où ils sont théoriques. Il a essentiellement dit que, sans système judiciaire indépendant, sans liberté de la presse et d'association, il n'existe pas de démocratie même si on organise périodiquement des élections. À ce moment, un cri de l'audience a été entendu: «Merci.» C'était probablement Ayman Nour, un leader de l'opposition, qui a été emprisonné par Moubarak et qui avait été invité à l'Université du Caire par le gouvernement américain. Voilà un autre signe.
Un discours ne fait pas le printemps, surtout dans cette région. D'autant que des orages et des fronts froids s'annoncent. En Israël, on se demande si Obama ne veut pas faire chuter le gouvernement, car un gel de l'extension des colonies aurait probablement cet effet. Au Liban, on assistera peut-être demain à la victoire du Hezbollah aux élections législatives. Et en Iran, trois candidats se disputent les voix des modérés contre l'illuminé soutenu par les Gardiens de la révolution et le Guide suprême. Imaginons le pire. La Syrie reprend le contrôle du Liban avec l'Iran. Le Hezbollah agite le saint Coran. L'Arabie saoudite décide de continuer à financer le Hamas, etc. Aucun musulman n'oubliera le discours de jeudi, mais tous les gouvernements qui ne sont musulmans que de nom l'oublieront peut-être. Car la seule chose qui manquait dans ce discours, c'est que, dans le monde arabo-musulman, il n'existe pas de relations entre le gouvernement et la population.


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