Barack Obama n'est pas un hypocrite

Obama... et après



Dans sa chronique du Devoir publiée le 13 juillet, John R. MacArthur traite le président américain Barack Obama de faux jeton, c'est-à-dire d'hypocrite, et procède à une tentative de démolition de l'image d'un homme dont les actions dans le passé ont démontré hors de tout doute qu'il n'est pas le valet de l'argent ni des puissants. Le texte démagogique de M. MacArthur est d'un cynisme effarant.
Pour une rare fois qu'un politicien démontre par son discours et ses actions, passées et présentes, qu'il est sincèrement du côté des petits, de la paix, de la justice, on s'empresse d'essayer de le peindre de la même couleur que tous les autres politiciens. Eh oui, Barack Obama dérange, on jalouse sa popularité.
Certes, M. Obama est humain: il n'est pas parfait. Il s'est donné comme mission de changer beaucoup de choses pour le mieux dans son pays et dans le monde, et avec le pragmatisme qui le caractérise, il a conclu que seule l'arène politique lui offrait une chance de vraiment modifier les choses en profondeur. En politique, on ne peut pas survivre sans stratégie et sans faire de compromis, et Barack Obama ne peut améliorer la situation sans mettre d'eau dans son vin parfois ou sans faire de concessions au Congrès américain. C'est là la nature même de la démocratie dans les sociétés humaines.
Ajuster les stratégies et recentrer le tir de façon réaliste sans mettre de côté ses principes, voilà l'art de la politique. Barack Obama est un président aux idées de centre gauche qui gouverne pour l'instant au centre afin de maintenir un maximum d'appuis politiques. Cela s'appelle faire de la politique de façon intelligente afin d'en arriver à des résultats concrets.
Reprenons maintenant un à un les grands points soulevés par M. MacArthur. D'abord, la question des guerres. M. Obama avait dit qu'il mettrait fin à la présence américaine en Irak, et il le fait. On ne peut pas se retirer instantanément d'un tel bourbier sans mettre à risque les populations déjà si éprouvées. Il avait aussi promis de mettre l'accent sur l'Afghanistan et la zone frontalière du Pakistan, et il le fait. C'était sa position (décevante pour certains comme moi) dès le départ, et il la maintient. Hypocrite, M. Obama? Tout le contraire. Il avait aussi promis de fermer Guantánamo, et il le fait. Laborieusement peut-être, mais seulement parce que le Congrès américain lui met sans cesse, de façon fort hypocrite d'ailleurs, des bâtons dans les roues.
Second point: la corruption. Barack Obama a longtemps travaillé à Chicago à petit salaire avec la population défavorisée contre la corruption et la misère humaine. Peut-on maintenant le traiter de corrompu parce qu'il a vécu à Chicago? Quant aux sommes colossales recueillies par l'organisation Obama durant les primaires et l'élection présidentielle américaine de 2008, elles sont venues en très grande majorité d'Américains ordinaires qui ont donné de petits montants.
Le président Obama est-il corrompu parce que quelques-uns auraient donné des sommes plus importantes à sa campagne? Pourquoi alors ne pas mettre en parallèle les sommes reçues par George W. Bush ou même Hillary Clinton en campagne électorale, ainsi que leur provenance? M. Obama sortira toujours vainqueur d'une telle comparaison. Sans argent, M. Obama n'aurait pas pu accéder à la présidence pour ensuite pouvoir travailler à améliorer le monde. Pourquoi lui reprocher son efficacité?
Troisième point: l'Arabie saoudite. Oui, M. Obama parle aux dirigeants de ce pays, comme il a toujours dit durant sa campagne qu'il parlerait à tous les joueurs importants de l'échiquier politique, même aux ennemis des États-Unis, afin de régler les problèmes. C'est là son approche: dialoguer d'abord plutôt que commencer en faisant tonner les canons. S'il y a des relations indécentes à critiquer entre les États-Unis et les Saoudiens et leur pétrole, c'est bien du côté de la dernière administration Bush qu'il faut aller les chercher; pas du côté d'un président qui enfin est capable de parler franchement à la fois aux Israéliens et aux musulmans, et qui a répété clairement à plusieurs reprises vouloir débarrasser les États-Unis de leur dépendance au pétrole provenant de pays au régime politique douteux. Le discours du Caire du président Obama a été bien reçu à travers le monde, n'en déplaise à M. MacArthur, et c'est là déjà plus que ce dont les prédécesseurs de M. Obama à la Maison-Blanche peuvent se targuer.
Quatrième point: la classe ouvrière et l'ALENA. Durant sa campagne, Barack Obama a promis d'aider les travailleurs du Michigan, de l'Ohio, de l'Indiana et des autres États, et il l'a fait en forçant la restructuration de Chrysler et de GM et en prenant des mesures draconiennes, souvent impopulaires, pour redresser l'économie. Il ne s'est pas gêné non plus pour semoncer Wall Street et pour critiquer un système financier à la dérive qui prive aujourd'hui tant de travailleurs d'un emploi.
Oui, M. Obama a répété en campagne électorale que les emplois devraient rester aux États-Unis et qu'il favoriserait fiscalement les compagnies qui donneraient du travail aux Américains d'abord. Il l'a dit et il le fait, même si la réalité du commerce mondial le force à ajuster le tir. L'important est qu'il fait tout ce qui est en son pouvoir pour aider les travailleurs de l'automobile et les autres, comme il l'avait promis. Ici encore, M. Obama fait ce qu'il avait promis. M. MacArthur s'offusque même du fait que M. Obama a un ami banquier... Mais combien les Bush, Ronald Reagan ou Bill Clinton en avaient-ils, des amis banquiers? Qu'on le veuille ou non, les banquiers font partie du paysage et Barack Obama parlera à tous ceux qui peuvent faire avancer les dossiers qui lui tiennent à coeur.
Soit M. MacArthur est de mauvaise foi, soit il est d'un cynisme à donner froid dans le dos. Reprochera-t-il maintenant au président Obama de vouloir mettre en place un système pour donner une couverture médicale à 50 millions d'Américains qui n'en ont aucune? J'avoue que c'est bien d'avoir des éditeurs qui parlent clairement, avec un verbe acéré. Mais on est loin d'une critique équilibrée constructive dans cette chronique de M. MacArthur.
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Jean Piuze, Québec


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