Si j’ai attendu deux jours avant de publier un billet sur les réfugiés syriens incarnés par cette image insoutenable d’un bambin noyé, échoué sur une plage, c’est par pudeur. Je devais prendre le temps de digérer l’émotion, d’y penser plus longuement.
Les politiciens en campagne n’ont pas ce luxe. Ils sont appelés à réagir sur-le-champ, ce qui permet de mesurer leurs réflexes. Les heures et les jours suivants permettent de mesurer leur hauteur de vue, leur capacité à s’élever dans de tels moments. Les chefs politiques, en particulier, ont la responsabilité de mener des débats et de prendre des décisions sur des enjeux aussi graves que les interventions militaires ou les crises humanitaires.
Sur le coup, Stephen Harper a eu le mauvais réflexe de défendre son bilan. Il a vite corrigé le tir en montrant de l’empathie et, pour une rare fois, de l’émotion. Il s’est ensuite replié sur sa position habituelle, en insistant lourdement sur la nécessité de faire la guerre à l’État islamique. Et surtout, en refusant de faire quoi que ce soit de plus pour accueillir davantage de réfugiés. Ça sent le sondage à plein nez. Un sondage qui lui dit que sa base électorale ne veut pas que le Canada ouvre ses portes aux damnés de la terre.
S’il devait y avoir une attitude, une seule, qui coule définitivement Stephen Harper, c’est ce refus total, systématique de l’homme à s’élever au-dessus de la politique partisane, même dans les moments les plus graves.
Justin Trudeau a eu un mauvais réflexe au départ en blâmant le gouvernement Harper pour la mort du petit. Ce n’était pas le temps de sauter à pieds joints dans la partisanerie, comme l’explique ici Mario Asselin. Même chose pour cette idée de lancer le chiffre de 25 000 réfugiés. Pourquoi pas 50 000 ou 100 000? Et ce mot lancé à la télé, quand Justin a affirmé avec force que Stephen Harper n’a pas été «compassioné». Malgré ses maladresses et son manque flagrant de stature, on peut au moins accorder à Justin Trudeau sa sincérité. Mais nous demeurons si loin de l’homme d’État...
Le premier réflexe du NPD a été de sauter à la gorge des conservateurs, ce qui manquait singulièrement d’élégance et de retenue. Mais Thomas Mulcair s’est repris dès le lendemain matin en refusant de lancer des blâmes, en s’élevant au-dessus de la joute partisane, justement. Ça n’a pas duré longtemps. Dès le lendemain, le chef du NPD a visé la jugulaire avec une ligne tranchante adressée à Harper: «Aucune intervention armée n’aurait pu sauver le petit Aylan.» Ouf! Le NPD a été jusqu’à utiliser la photo qui a bouleversé le monde dans une publicité pour marquer des points rapides et faciles, tellement faciles. Trop facile, justement.
Car si les calculs froidement partisans de Stephen Harper provoquent notre indignation, la petitesse opportuniste de Thomas Mulcair devrait en faire autant. L’impératif humanitaire nous commande d’en faire plus pour les réfugiés, certainement. Il nous commande aussi de combattre l’État islamique, ces barbares qui mettent des femmes en esclavage, qui violent, qui pillent, qui assassinent femmes, enfants, vieillards et qui détruisent absolument tout ce qui fait la beauté de la vie. Or, Thomas Mulcair s’y refuse, préférant se cantonner dans la populaire posture du pacifiste.
Refuser, comme Stephen Harper, que le Canada prenne sa part de notre fardeau humanitaire est inexcusable. Refuser, comme Thomas Mulcair, que le Canada fasse sa part pour combattre les barbares de l’État islamique est tout aussi inexcusable.
Entendre la porte-parole du NPD, Hélène Laverdière, nous dire que nous allons venir à bout de ses barbares par le dialogue est stupéfiant de bêtise. C’est comme si à l’aube de la guerre contre les nazis, on nous disait qu’il fallait dialoguer. Pourquoi pas l’apaisement, tant qu’à y être? Il faut mettre en contraste son intervention avec celle du candidat du Bloc dans Québec, Charles Mordret, pour mesurer la profonde insignifiance de la porte-parole néo-démocrate.
Je comprends que les électeurs n’aiment ni la guerre ni les interventions militaires. Mais comment le chef du NPD peut-il prétendre remplacer Stephen Harper s’il est incapable de s’élever et de prendre des décisions difficiles?
Je suis partisan, bien sûr. Avec moi, il n’y a pas de faux-semblants et ça tombe bien, parce que le seul chef de parti qui s’est élevé sans faillir dans cette affaire, c’est Gilles Duceppe. Non seulement a-t-il rejeté le jeu partisan, mais il a également pris position comme doit le faire un homme d’État. Oui, nous devons assumer notre devoir humanitaire. Et oui, nous devons assumer notre responsabilité de combattre les barbares de l’État islamique.
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