La névrose budgétaire

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Le dogmatisme néo-libéral a pris la place de l'intelligence pratique et du gros bon sens





À entendre Stephen Harper et maintenant Thomas Mulcair, on a parfois l’impression d’assister à un débat entre les partisans du Tea Party aux États-Unis. À une surenchère à savoir lequel est le plus authentique faucon budgétaire. Le mot «déficit», diabolique, fait frémir.


Pourtant, sauf l’Allemagne d’Angela Merkel, tous les pays du G7 sont en déficit cette année. Le déficit du gouvernement fédéral canadien à 0,3% du PIB en 2014, est minuscule. Pour ce qui est de la dette, celle du Canada (fédéral, provinces, villes tous ensemble) est la moins élevée de tous les pays du G7. 


Les dépenses fédérales ont toutes été réduites: péréquation, pensions de vieillesse, assurance-emploi, etc. Les transferts en santé destinés au Québec et aux provinces ont été charcutés. Tellement que le Directeur parlementaire du budget (DPB) prévoit que si rien ne change, la dette du gouvernement fédéral sera entièrement effacée dans 35 ans. Pendant ce temps-là, la dette des provinces explosera à cause des dépenses de santé liées au vieillissement de la population.


Lisez bien cette citation du DPB:






« Le gouvernement fédéral pourrait donc réduire les impôts ou augmenter les dépenses de 28 milliards de dollars en 2015 tout en revenant à un ratio de la dette nette au PIB de 34,1%. »








À court terme, le Canada entrant en récession, il serait absurde d’effectuer encore des compressions dans les dépenses, qui étoufferaient encore un peu plus l’économie. Et si les transferts en santé ne sont pas rétablis rapidement, le Québec et les provinces continueront aussi à pratiquer l’austérité volontaire (Québec) ou involontaire (Ontario).


Faire une fixation sur l’équilibre budgétaire à court terme confine à la névrose.


Que Stephen Harper en soit atteint n’a rien d’étonnant, mais venant du chef du NPD, c’est capoté. On comprend que Thomas Mulcair veuille rassurer les banquiers de Toronto, mais dans le contexte actuel, c’est plutôt épeurant. Le chef du NPD a même été obligé de dire que le rétablissement des transferts en santé allait devoir attendre!


On comprend la sortie cinglante de Régine Laurent, la boss du syndicat des infirmières québécoises. Elles se font couper leur salaire, les primes de nuit. Elles rament, elles rament et on leur inflige l’austérité à Québec. Et là, de voir le parti des syndicats canadiens embrasser la même névrose...


Est-ce que le chantre du thatchérisme va aller jusqu’à piger des milliards dans la caisse d’assurance-emploi pour atteindre son sacro-saint déficit zéro? J’ai hâte de regarder de près le cadre financier du NPD...


Le même jour, Justin Trudeau et Gilles Duceppe ont plutôt proposé d’investir davantage dans les infrastructures pour relancer l’économie. Rien d’étonnant à cela, puisque c’est une évidence. Trudeau plaide pour des investissements de 60 milliards en 10 ans. Ça peut sembler gros, mais c’est en fait très modeste quand on considère que c’est pour tout le Canada. Au Québec seulement, le gouvernement Couillard prévoit investir 88 milliards en 10 ans!


Le chef du Bloc a lui aussi plaidé pour une augmentation importante des investissements fédéraux en infrastructures. De passage sur la Côte-Nord, il a souligné le fait que les investissements fédéraux dans cette région étaient neuf fois moins élevés que ceux du Québec. Neuf fois moins! Et c’est la même chose dans toutes les régions du Québec.


En appuyant le projet d’oléoduc Énergie Est, ceux de transport du pétrole par train et une hausse importante de l’exploitation des sables bitumineux, Thomas Mulcair fait plaisir à l’industrie pétrolière. 






En embrassant la névrose budgétaire de Stephen Harper avec sa promesse de déficit zéro dès le premier budget, Mulcair veut rassurer les banquiers de Toronto.








Ce faisant, il ne manquera pas d’inquiéter les Canadiens ordinaires, qui veulent des services de santé et pour une majorité, approuvent l’idée de déficits à court terme pour relancer l’économie.


Le NPD du côté de Bay Street plutôt que de Main Street, c’est tout un retournement.




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