Rompre avec la démission identitaire

Il aura fallu une catastrophe pour que le PQ se rappelle que le projet souverainiste n'a pas de sens s'il n'est pas également nationaliste.

"Cessons donc d'avoir peur d'opposer notre nationalisme républicain aux ghettos du multiculturalisme canadien."

Le malaise dure depuis longtemps. Il s'est incarné davantage avec le référendum de 1995. Ce n'est qu'aujourd'hui que le Parti québécois comprend ce qu'il lui en aura coûté d'avoir érigé un tabou autour des enjeux de la langue et de l'identité.
Vider le projet souverainiste de son aspect identitaire: c'est là une des plus grandes victoires fédéralistes. Paralysés par la peur d'être qualifiés de xénophobes ou de racistes, les leaders indépendantistes ont adopté une vision trudeauiste du projet souverainiste, pleine de vertus mais totalement déconnectée du Québec réel.
C'est ce que nous ont dit les Québécois le 26 mars dernier. Il aura fallu une catastrophe pour que le PQ se rappelle que le projet souverainiste n'a pas de sens s'il n'est pas également nationaliste.
Langue et immigration, des enjeux indissociables
En adoptant la Charte de la langue française, le Parti québécois a créé un modèle qui rejette la ghettoïsation des individus et des groupes. Paradoxalement, les échecs référendaires qu'il a connus l'ont rendu frileux sur ce point. Afin de ne pas nuire à l'option, il aurait fallu éviter d'agiter les questions de la langue et de l'immigration, ce qui a desservi autant le Québec que le PQ lui-même.
Les développements juridiques récents et la commémoration du trentième anniversaire de la loi 101 auront au moins servi à nous réapprendre à dire que s'il n'est pas nécessaire d'être né ici pour se dire québécois, il est illusoire de penser que la citoyenneté québécoise peut s'exercer sans la maîtrise de la langue française. La question de la langue n'est pas une lutte folklorique: elle est un fondement de la cohésion sociale et du pluralisme.
Ainsi, il y a des combats que le Parti québécois doit reprendre après les avoir abandonnés par rectitude politique. Par exemple, l'école anglaise subventionnée est accessible à tous ceux qui ont été instruits en anglais au Canada plutôt que d'être réservée à la communauté anglophone historique du Québec. Voilà une situation qui doit être corrigée par un parti qui gouverne en souverainiste plutôt qu'en provincialiste.
L'immigration au-delà des lieux communs
La politique d'immigration du Québec a également besoin d'une révision. Si le rapatriement de tous les pouvoirs en la matière nous apparaît nécessaire, il serait inutile si nous ne réfléchissons pas d'abord à ce qui pourrait être amélioré et à ce que nous contrôlons déjà.
Il faut abandonner une vision utilitaire qui voit l'immigration comme une solution aux défis démographiques et économiques. En effet, aucune étude sérieuse ne démontre qu'elle peut contrer le vieillissement de la population ou encore régler les problèmes économiques. Cette conception bancale stipulerait également qu'un pays doit fermer ses frontières dès lors qu'il n'a pas de problèmes démographiques ou économiques.
Par ailleurs, les pays qui ont fondé leurs politiques migratoires uniquement sur l'asile politique et le regroupement familial ont tous connu de graves problèmes d'intégration, notamment la montée de l'intégrisme au sein des communautés migrantes et du racisme au sein de la population d'accueil.
En fait, plutôt que de tenter de lui trouver des vertus surnaturelles et caricaturales, il est temps de considérer l'immigration comme un phénomène naturel. Les sociétés d'aujourd'hui sont toutes les fruits de métissages lointains ou récents. Or le succès du métissage a toujours été de trouver un maximum de raisons communes qui pouvaient souder les nouveaux arrivants et les habitants locaux.
Ainsi, si le Québec doit rejeter toute forme de racisme ou de discrimination afin de permettre aux immigrants et aux membres des minorités de se fondre dans le reste de la nation, il ne doit absolument pas hésiter à établir clairement les conditions minimales d'intégration en matière de langue, de valeurs sociales et d'insertion socioéconomique.
Les critères et les modalités des tests de sélection devraient être revus afin de tenir compte de la capacité véritable des candidats à apprendre le français et à intégrer le marché du travail. Ainsi, tous les candidats aux programmes d'immigration économique devraient réussir un test uniforme de français avant d'être sélectionnés. Dans tous les cas, les candidats devraient signer un contrat de citoyenneté dans lequel seraient énumérés non seulement leurs droits mais également leurs responsabilités, notamment leur adhésion aux valeurs fondamentales du Québec comme l'égalité des hommes et des femmes ainsi que le caractère laïque de l'espace public.
Des institutions qui reflètent nos valeurs
Il y a eu des dérapages autour de la question des accommodements raisonnables parce que les politiciens québécois se sont limités à traiter l'affaire comme une question juridique.
Or nous avons le droit d'utiliser la clause dérogatoire pour invalider une décision inacceptable de la Cour suprême du Canada qui contreviendrait à nos valeurs: cessons d'inféoder la distinction québécoise à des textes qui ont été conçus expressément pour la briser. Le Québec réel attend de ses politiciens qu'ils apportent des solutions aux questions délicates, pas qu'ils s'en remettent aux tribunaux ou à des commissions pour masquer leur couardise.
L'adoption d'une charte de la laïcité permettrait d'établir définitivement la primauté des lois et des valeurs civiles sur les pratiques et les coutumes religieuses. À ce sujet, il semble évident qu'au sein des institutions publiques, les pratiques et les signes religieux ostensibles doivent être proscrits. Ici, il faut savoir faire la différence entre ce qui a toujours eu une fonction religieuse, comme la prière avant les conseils municipaux, et les témoignages historiques comme la croix sur le mont Royal ou la présence à Montréal d'un hôpital général «juif».
Cette loi pourrait être intégrée à une constitution nationale comprenant la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, la Charte de la langue française et la Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec. Dans cette foulée, il serait pertinent d'aborder les thèmes de la création d'une citoyenneté québécoise et de la réforme des institutions démocratiques. Le Québec doit établir qu'il est maître de son destin en rendant ses institutions conformes à son caractère distinct.
Cessons d'avoir peur
Le Parti québécois se définit comme étant souverainiste et social-démocrate. Ses récentes difficultés ne sont pas étrangères à l'abandon de son identification nationaliste.
Il a fallu beaucoup de courage à Camille Laurin et à René Lévesque pour adopter la loi 101, que certains qualifiaient de décision autoritaire ou même raciste. Trente ans plus tard, cette politique représente un consensus québécois fort et est partagé par la plupart des Québécois non francophones. Cessons donc d'avoir peur d'opposer notre nationalisme républicain aux ghettos du multiculturalisme canadien.
Rompre avec la démission identitaire, c'est rompre avec la peur de la controverse. C'est ainsi que le Québec d'aujourd'hui s'est construit: en prouvant qu'il pouvait gagner ses combats, en faisant des gestes audacieux. C'est là l'essence d'une vraie gouvernance souverainiste.
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Les auteurs, militants du Parti québécois, s'expriment en leur nom personnel:
Mario Aguirre, Martin Barabé, Caroline Bonin, Sébastien Cloutier, Alexandre Thériault-Marois, Simon Domingue, Jennifer Drouin, Marie-Michèle Dubeau, Benoît Dubreuil, Alexis Gagné-Lebrun, Marc-André Gosselin, François Lemay, Guillaume Paradis, Joëlle Quérin, David Tardif, Mathieu Traversy, Yannick Vaillancourt et Claude Villeneuve.

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Claude Villeneuve137 articles

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L’auteur est blogueur au Journal de Montréal et au Journal de Québec. Il a été président du Comité national des jeunes du Parti Québécois de 2005 à 2006 et rédacteur des discours de la première ministre Pauline Marois de 2008 à 2014.





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