Retard économique: assumer les choix collectifs

En réaction à la lettre de Jean-François Lessard publiée le 7 août et intitulée: À propos du retard économique du Québec -- l'impossible dialogue

Retard économique du Québec


Quand [une des conclusions d'une analyse économique->8045] est que le PIB par personne du Québec est plus faible que celui de certaines autres provinces canadiennes ou de celui des États-Unis, parce que les Québécois travaillent, en moyenne, moins d'heures, cela ne veut pas dire qu'il faut absolument que ces derniers comblent cet écart et qu'ils doivent travailler plus. Cela ne veut pas dire que les économistes qui ont fait cette analyse ont une conception limitée du bien-être collectif des Québécois et qu'ils réduisent la mesure de ce bien-être à celle du PIB ou à une somme de transactions faites dans le marché des biens et services.
Les citoyens d'une collectivité peuvent décider de travailler, en moyenne, moins d'heures que les citoyens d'autres collectivités de façon à avoir plus de temps pour une foule d'autres choses (avoir plus de temps avec leurs enfants, avoir davantage de loisirs, socialiser plus entre eux, avoir moins de stress et se reposer davantage...). La science économique reconnaît qu'il y de nombreux facteurs économiques et non économiques qui affectent le choix des individus entre le nombre d'heures de travail et le nombre d'heures pour leurs autres activités.
Cependant, les individus doivent assumer les conséquences de cette décision. Si on travaille moins, on aura un revenu inférieur et on pourra moins consommer de biens et services vendus dans le marché. Si on travaille plus d'heures, on aura moins de temps pour des activités éducatives, familiales et culturelles. Il faudra payer plus pour des services (ménage, préparation de repas, garderie, rénovations...).
Un niveau plus bas d'heures de travail peut être involontaire et refléter la difficulté des travailleurs à trouver des emplois avec plus d'heures de travail. Dans un tel cas, il est tout à fait souhaitable que les travailleurs et leur gouvernement cherchent des solutions pour accroître les heures de travail.
Par contre, si un niveau plus bas d'heures de travail est volontaire et le résultat de choix individuels et collectifs, la collectivité tout entière doit assumer ce choix. Une collectivité dont la production est moindre qu'une autre devra accepter un taux de taxation plus élevé que cette dernière si elle veut un niveau similaire de services gouvernementaux. Une autre option serait d'avoir, pour un taux de taxation similaire, moins de services gouvernementaux.
Assumer les conséquences de choisir de travailler moins d'heures implique aussi que les citoyens d'une province ne devraient pas s'attendre à recevoir des transferts d'une autre province, où l'on travaille plus et produit plus, afin de réduire l'écart de revenus entre les revenus des deux provinces. Notons cependant que le calcul des transferts fédéraux aux provinces (péréquation, transferts sociaux et transferts en santé) ne fait aucune distinction si un plus faible nombre d'heures de travail est le résultat de mauvaises conditions économiques ou d'un choix des citoyens.
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Jean-Pierre Aubry, Président du Comité des politiques publiques, Association des économistes québécois (ASDEQ).

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Économiste avec plus de 35 ans d’expérience dont 30 ans à la Banque du Canada. Membre du Comité des politiques publiques de l’Association des économistes québécois Fellow associé du CIRANO





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