La bonne affaire!

Retard économique du Québec



L'appel lancé cette semaine par la Fédération des chambres de commerce pour contrer ce qu'elle appelle l'«immobilisme» du Québec a complètement raté sa cible. La raison en est simple: ni la cible en question ni les moyens de l'atteindre n'étaient les bons.
Après les lucides et les producteurs de grands événements, c'était au tour de la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ), cette semaine, de dénoncer l'«immobilisme» du Québec. En donnant les exemples de l'avortement du déménagement du Casino de Montréal et celui de la construction de la centrale du Suroît, la FCCQ constate que «le moindre projet de développement économique bute sur une opposition tous azimuts, voire sur l'hostilité de certains groupes de pression».
Voilà une affirmation fausse. Tous les projets ne suscitent pas d'opposition aussi large que ceux mentionnés ci-dessus, au contraire : la plupart sont bien accueillis. Cela étant, il est normal que les gens les plus touchés soient aussi les plus sensibles et qu'ils manifestent leur opposition, surtout lorsqu'il s'agit de projets publics. Ainsi en est-il des autoroutes, des porcheries, des dépotoirs, des barrages et même des casinos. Qui a pu imaginer un seul instant que la privatisation du mont Orford passerait comme une lettre à la poste ?
Dans son rapport, la FCCQ critique le peu de représentativité des groupes qui crient le plus fort. Elle n'a pas tort : des nombreux comités de citoyens et groupes d'écologistes, très peu peuvent prétendre représenter des milliers de membres en règle. Mais personne n'est dupe de cette réalité, pas plus les politiciens que les journalistes. On pourrait même dire que moins une organisation est représentative, plus elle doit crier fort pour se faire entendre des médias et des autorités. Faut-il pour autant lui demander de se taire, de prouver sa représentativité ou de s'inscrire à un registre national de lobbyistes avant de prendre la parole, comme le suggère la FCCQ ? Mais non !
Dans une société démocratique, n'importe qui peut descendre dans la rue ou se présenter devant un bureau de consultation publique. Affirmer que cela suffit pour influencer la décision, c'est faire preuve d'ignorance ou de mauvaise foi. Si Québec a reculé dans le cas du Suroît, c'est que les opposants ont réussi à convaincre une majorité de Québécois de leur position. Au même moment, Québec autorisait la construction d'une autre usine thermique, à Bécancour, sans que les opposants réussissent à mobiliser les troupes pour s'y opposer.

Jusqu'à preuve du contraire, ce sont les milieux d'affaires et les promoteurs qui ont le plus facilement l'oreille des décideurs. Encore faut-il que leurs projets se tiennent ! Emmenez-en, des usines d'avions, personne ne s'y opposera !
Pour éclairer la population et conseiller le gouvernement dans ses décisions, la FCCQ propose que l'on crée une agence d'analyse économique indépendante. Ce n'est pas la première fois qu'une telle proposition est avancée, et l'idée a toujours reçu l'appui du Devoir. Malheureusement, l'agence suggérée par les chambres de commerce limiterait son travail à se mettre à l'écoute «des pures conditions du marché». Cela n'a aucun sens pour des projets aux retombées sociales ou environnementales considérables.
Un conseil économique et social pour établir des diagnostics et soumettre des pistes de solutions à la réflexion collective, voilà ce dont nous avons besoin. Pas d'un autre groupe de pression déguisé en agence pseudo indépendante du genre de l'Agence des PPP !
Le Québec a besoin de grands projets, cela ne fait aucun doute. Les Québécois sont toujours prêts à appuyer les promoteurs qui leur présentent des idées novatrices et constructives. En revanche, pas plus ici qu'ailleurs, nous laisserons n'importe qui faire n'importe quoi sous l'unique prétexte qu'il s'agit d'une «bonne affaire».
j-rsansfacon@ledevoir.com


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