La dernière tempête linguistique semble s'être apaisée. Il est temps maintenant de revoir les questions de la langue maternelle et de la langue des cégépiens, questions qui n'ont pas reçu le traitement mérité.
Les chercheurs et les recenseurs nous ont appris que les Montréalais de langue maternelle française formaient moins de 50% de la population. On parle ici de langue maternelle, c'est-à-dire de la première langue, transmise d'habitude par la mère.
Rien d'étonnant à cela puisque les Québécois de vieille souche s'en vont en banlieue tandis que les nouveaux arrivants, rarement de langue maternelle française, se concentrent à Montréal.
Le fait est simple et clair. Sa signification l'est moins. Certains y ont vu un désastre et d'autres ont dit qu'il n'y avait rien là d'inquiétant. La réalité est ailleurs. Pour la comprendre, il ne faut pas perdre de vue le portrait d'ensemble.
Le projet de faire du Québec une société française dans un continent massivement anglophone, peu ouvert aux variantes du modèle dominant, est audacieux et périlleux. Ce sont les descendants des Canadiens français, plus quelques Européens de souche française, qui ont porté ce projet. Ce sont eux qui ont forcé l'adoption des lois 22 et 101, alors que les leaders des minorités ethniques (juifs, italiens, grecs...) se rangeaient avec les trudeauistes pour combattre ces lois, jugées contraires aux valeurs canadiennes.
Il s'agit d'une constatation et non de la volonté d'exclure quiconque voudra bien s'intégrer, à sa manière bien sûr, à ce Québec français.
L'épaule à la roue
Advenant la nécessité d'une autre loi 101, ce seront d'abord les Québécois de langue maternelle française qui mettront l'épaule à la roue. Il n'est pas question de critiquer qui que ce soit, mais seulement d'analyser les comportements des diverses composantes de la société, comme on le fait partout, notamment aux primaires des États-Unis.
L'aménagement de la langue et des langues est un dossier complexe qui ne peut être abordé avec des cris du coeur et des excommunications.
Devant le recul du français langue maternelle, on ne sait pas exactement que faire. Les pyromanes s'emparent du dossier pour le réduire et le dénaturer. Comme aurait dit Louis Martin, un vrai journaliste qui vient de nous quitter: «Il ne faut pas les laisser faire.»
On pourrait soulever les mêmes considérations devant le fait que la moitié des enfants d'immigrés fréquentent le cégep anglophone. Ils feront probablement ensuite leur université en anglais, qui sera leur langue professionnelle.
On ne pourra s'attendre à les voir s'indigner parce que les manuels, venus de Toronto ou des États-Unis, sont unilingues anglais ou parce que la langue de travail n'est pas le français.
Les immigrés sont venus en Amérique pour des raisons de sécurité et de mieux-être économique, pas pour soutenir le difficile projet du Québec français. On ne peut s'attendre à les voir se battre pour ce projet à moins que la majorité ne l'impose.
On devrait pouvoir tenir ce genre de propos sans s'exposer à une flambée d'invectives du genre «intégriste linguistique», «zélote de la langue» ou même «xénophobe» et «raciste». On pourrait sauter un tour d'auto-flagellation, sachant fort bien que les pharisiens de Toronto compenseront amplement.
Sur la question du français, on devrait pouvoir s'unir au-dessus des partis politiques. Après tout, c'est Robert Bourassa qui a fait du français la langue officielle du Québec et c'est René Lévesque qui a fait en sorte que les enfants d'immigrés fréquentent aujourd'hui les écoles françaises.
(Photo André Tremblay, La Presse)
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Gérald Le Blanc
L'auteur est un journaliste de La Presse à la retraite.
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