Lettre à Philippe Couillard
Monsieur le premier ministre du Québec,
Telle une bouteille lancée à la mer, voici ma requête… en espérant qu’elle vous parvienne.
Comme tous le savent, vous vous apprêtez à faire un remaniement ministériel, afin de mieux servir la population. Permettez-moi de vous faire une suggestion inattendue, certes, mais que j’estime légitime : à l’instar de mes concitoyennes et concitoyens, je crois que nous bénéficions d’un bon système de santé public. Je crois bien humblement participer à ses « bons coups » à titre de médecin de famille. Cependant, le capitaine que vous avez choisi pour conduire ce bateau nous mène tout droit vers une tempête qui nous sera fatale. Normalement, le capitaine doit rester à bord jusqu’à ce que tous les passagers soient en sécurité. Mais ici, c’est le capitaine qui nous conduit à la catastrophe : il doit partir. Soyez rassuré, je n’ai pas de visées politiques, et je compte m’occuper de mes patients jusqu’à ma retraite. Il y a certainement plusieurs personnes au Québec qui pourraient mener cette barque à bon port.
Pourquoi cette requête ? Tout d’abord, le changement complet du système de santé avec la loi 10 va à l’encontre de ce qui se fait de mieux dans le monde entier. Plutôt que la centralisation des pouvoirs et de la gestion dans des grands centres (les CISSS), il est prouvé que c’est la décentralisation avec une gestion « de proximité » qui est efficace. Également, cette centralisation vers les CISSS est une façon de tout gérer à partir du ministère. Or, nous voyons présentement que les CISSS ne deviennent que des exécutants du ministère et de son ministre tout-puissant… Un exemple : avant qu’une motion significative du conseil d’administration ne soit votée, il faut qu’elle soit envoyée au ministère, et approuvée. Cette approche favorise le « mur-à-mur » dans les pratiques cliniques. Il ne faut pas confondre efficacité et uniformité.
Consensus
Ensuite, cette réforme vise à économiser des centaines de millions de dollars. Aucun estimé sérieux n’a été fourni par le ministre. Vous n’êtes pas sans savoir que toutes les réformes qui prétendaient conduire à des « économies d’échelle » n’en ont pas produit.
Suis-je contre le changement ? Non, au contraire, je suis d’avis que notre système de santé a besoin d’un sérieux coup de barre, mais pas dans la direction proposée actuellement. En plus d’être une mauvaise réforme, ces changements ont été faits sans consultation réelle. Bien sûr, il faut prendre des décisions — gouverner, c’est choisir —, mais imposer des vues douteuses ne peut que mener à un échec de ces réformes. Une réorganisation s’impose : mais un minimum de consensus aurait assuré sa pérennité et une transition différente du chaos qui se vit actuellement. Le réseau de la santé, c’est un ensemble de personnes dévouées qui veulent prendre soin de leurs concitoyens : tout changement majeur nécessite qu’elles puissent dire leur mot. Un bon capitaine devrait insuffler le désir de continuer d’améliorer les services, plutôt que d’en faire des marionnettes.
Au début du mandat de ce « docteur » à la barre du système de santé, mes patients me demandaient ce que j’en pensais. Je leur répondais : « On jugera l’arbre à ses fruits. » Eh bien, actuellement, j’estime que les fruits sont pourris.
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