Il est souvent reproché au président Nicolas Sarkozy le côté boutefeu de sa personnalité. Mais il sait aussi être, rétrospectivement, diplomate. Le montre cette lettre à Pauline Marois et à Gilles Duceppe en réponse à la leur où ils lui reprochaient ses propos sur le sectarisme des souverainistes québécois. Une lettre apaisante.
Du président français, on ne s'attendait pas à des excuses et il n'en offre pas, ce qui est tout à fait normal. On est ici dans le monde de la diplomatie. D'évidence, il a compris, puisqu'il a pris la peine de répondre à la longue missive des deux chefs souverainistes, que sa diatribe sur l'enfermement souverainiste avait choqué nombre de Québécois, au point de constituer presque un incident. Il ne lit pas la presse québécoise, mais ses services ne pouvaient lui cacher l'écho de son propos et le malaise créé.
Le ton et le texte de cette lettre sont tout ce qu'il y a de réfléchi et de posé. La phrase clé est la suivante: «Les Québécois, dans la diversité de leurs engagements et de leurs opinions, tiennent une place particulière dans le coeur des Français.» Comprenons qu'il entend respecter tous les Québécois, souverainistes comme fédéralistes. Comprenons aussi, puisqu'il ne revient pas sur le fond, que le projet souverainiste demeure à ses yeux inopportun dans un monde qui n'a surtout pas besoin de plus de division, comme il l'a dit lors de sa visite à Québec l'automne dernier et lors de la remise de la Légion d'honneur au premier ministre Jean Charest il y a deux semaines.
L'objet de la lettre est tout simplement de mettre fin à cet incident pour que la relation franco-québécoise retrouve son cours normal et que progressent les projets en cours de discussion, comme la reconnaissance commune des compétences professionnelles. Il insiste toutefois pour que cette relation «s'épanouisse en harmonie avec la relation que la France entretient avec le Canada dans son ensemble».
Décodons. Nicolas Sarkozy ne veut pas de ces guerres de drapeaux et des tensions qui de tout temps ont marqué les rapports au sein du triangle Paris-Ottawa-Québec. Il souhaite une «communauté d'action», qui, rappelle-t-il, est ce qui permit de gagner la bataille de la diversité culturelle. Sait-il toutefois que le Canada n'a pas toujours voulu que le Québec ait une action internationale et qu'il a souvent fallu l'appui de la France pour y parvenir? Voudra-t-il, comme l'ont fait les présidents Mitterrand, Chirac, Giscard d'Estaing, Pompidou et de Gaule, peser de son poids pour que le Québec soit de tous les débats qui le concernent?
La réponse à cette dernière question ne viendra que lorsqu'elle se posera concrètement. On saura alors laquelle des deux relations l'actuel président français privilégie. Pour l'instant, on sait qu'il souhaite développer davantage les liens avec le Canada lors d'une visite prévue en 2009 dans d'autres parties du pays. L'intéressent les échanges économiques. Déjà la France exporte presque deux fois plus de produits au Canada qu'elle n'en importe. Surtout, elle a l'oeil sur de grands projets d'investissements dans le secteur énergétique, dans le pétrole, mais surtout dans le nucléaire. La française Areva est sur les rangs pour la construction de centrales en Ontario. Puis, il y a l'aspect politique de cette relation puisque les deux pays se retrouvent au sein du G8 et de l'OTAN.
Devant des relations triangulaires complexes, les présidents français ont toujours su maintenir l'équilibre des relations avec les Canadiens et les Québécois en invoquant le bien commode principe de «non-ingérence et non-indifférence». Nicolas Sarkozy fait pour sa part le pari qu'il peut afficher clairement à la fois son amitié pour les Canadiens et son amour pour les Québécois, le tout dans un climat d'harmonie. Il vient de se donner lui-même la preuve de combien l'atteinte de cet état peut être difficile.
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