La réforme démocratique est une question de plus en plus importante pour les politiciens fédéraux. Depuis une trentaine d'années, la réforme du mode de scrutin, l'équilibre entre les pouvoirs judiciaire et législatif et la sous-représentation des femmes et des minorités visibles à la Chambre des communes font l'objet d'un débat public. Plusieurs observateurs de la scène parlementaire se sont donc posé cette question: quelle est la position du Bloc québécois sur ces questions?
Le Bloc est un tiers parti; il ne présente de candidats que dans les 75 circonscriptions du Québec et n'espère ainsi qu'influencer le processus législatif. Souvent, les tiers partis appuient les réformes démocratiques. Le Bloc est aussi un parti social-démocrate; on est donc porté à conclure qu'il appuierait une réforme basée principalement sur les concepts de l'égalité des chances et d'une représentation plus équitable au Parlement.
D'un autre côté, le Bloc, depuis plus de dix ans, a obtenu un succès considérable pour un tiers parti. Il a remporté 51 des 75 sièges du Québec (68 %) aux dernières élections fédérales et 54 sièges (72 %) en 2004. Le système électoral actuel l'a donc avantagé.
Une comparaison révélatrice
Dans le cadre d'une étude qui vient d'être publiée par l'Institut de recherche en politiques publiques (IRPP), intitulée Strengthening Canadian Democracy : The Views of Parliamentary Candidates, nous avons examiné les positions des candidats du Bloc et de ceux des quatre partis ayant présenté des candidats dans toutes les circonscriptions aux élections fédérales de 2004 (le Parti conservateur, le Parti libéral, le NPD et le Parti vert). Nous avons comparé les points de vue des candidats du Bloc avec ceux des candidats des autres partis et avec ceux des Canadiens.
Alors qu'on aurait pu s'attendre à ce que les positions du Bloc s'opposent à celles des grands partis, notre étude montre plutôt que le Bloc a tendance à avoir, sur la question de la réforme démocratique, un point de vue semblable à celui des libéraux et des conservateurs.
Par exemple, en matière de réforme démocratique, la principale question qui oppose les grands partis aux tiers partis est celle du système électoral. Les règles du système actuel amènent plusieurs candidats à se disputer une circonscription, et la personne qui l'emporte est celle qui récolte le plus de votes, même si elle n'a pas obtenu la majorité des voix.
Au cours de notre enquête, 80 % des candidats du Bloc ont affirmé que ce système est acceptable. En cela, ils se situent entre les libéraux et les conservateurs, qui soutiennent ce système respectivement à 85 % et à 71 %.
Ces chiffres démontrent également la divergence entre le Bloc et le NPD (social-démocrate) et le Parti vert (écologiste). Ces derniers s'opposent au système électoral actuel dans une proportion de 94 % et de 97 %. Ces deux tiers partis appuient aussi fortement (à 69 % et à 84 %) l'introduction d'une forme de représentation proportionnelle dans notre système électoral, ce à quoi s'opposent 76 % des candidats du Bloc.
Au sujet de l'interprétation de la Constitution, quand on demande qui, des juges ou du Parlement, doit ultimement trancher, on note que la répartition des réponses au sein du Bloc est semblable à ce qu'on observe chez les libéraux : 52 % des candidats du Bloc -- et 60 % des candidats libéraux -- choisissent les juges plutôt que le Parlement.
Sur ce sujet, le contraste avec le NPD et les verts apparaît encore une fois clairement puisqu'une majorité écrasante de leurs candidats (78 % au NPD et 81 % au Parti vert) sont d'avis que les juges sont les mieux placés pour interpréter la Constitution.
Il semblerait donc que, sur le plan de la réforme démocratique, le Bloc soit plus un défenseur du statu quo qu'un porteur du changement.
Comme chez les Canadiens
Mais ce qui étonne, c'est que, lorsqu'on évalue le degré de satisfaction globale des Canadiens face à la démocratie, les résultats correspondent à ce qu'on obtient chez les candidats du Bloc : 13 % des Canadiens et 14 % des candidats du Bloc se disent «très satisfaits» de la démocratie au Canada alors qu'un peu plus de 50 % des Canadiens et des candidats du Bloc s'en disent «plutôt satisfaits».
Le fait qu'un parti souverainiste soit à ce point en phase avec l'opinion publique canadienne en ce qui a trait à l'état de la démocratie est pour le moins curieux. Mais ce qui ressort de notre étude sur la question de la réforme démocratique est encore plus ironique puisque, sur ce point, les candidats du Bloc ont plus de choses en commun avec leurs opposants libéraux qu'avec leurs collègues sociaux-démocrates des autres tiers partis.
Le nouveau gouvernement minoritaire conservateur, s'il souhaite faire adopter des réformes démocratiques majeures, a donc du pain sur la planche.
Jerome H. Black, Professeur de science politique à l'université McGill
Bruce M. Hicks, Doctorant à l'Université de Montréal
Réforme démocratique: où se situe le Bloc?
Par Bruce M Hicks et Jérôme H. Black
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