Le gouvernement Legault reprendra le traitement des demandes d’immigration jusqu’à l’adoption de son projet de loi, comme l’y oblige la Cour supérieure du Québec, mais refuse d’ajouter des ressources pour régler l’ensemble des 18 000 dossiers en attente.
«On continue comme c’était le cas auparavant, a commenté mardi le ministre de l’Immigration, Simon Jolin-Barrette, à son arrivée à la commission parlementaire qui étudie le projet de loi 9. Ce sont les mêmes ressources qui vont être affectées au traitement des dossiers qu’il y avait auparavant.»
La veille, la Cour supérieure du Québec a accordé une injonction interlocutoire provisoire de 10 jours qui force le gouvernement Legault à poursuivre le traitement des 18 000 demandes de Certificat de sélection du Québec – un préalable à l’obtention de la résidence permanente – qui avaient été annulées par le dépôt de son projet de loi. Québec poursuivra donc le traitement des dossiers, mais uniquement jusqu’à l’adoption de sa réforme de l’immigration.
Le ministre refuse d’évaluer le nombre de dossiers qui pourront être traités d’ici là. Dans son jugement sur l’injonction interlocutoire, le juge Frédéric Bachand affirmait que le ministère de l’Immigration peut traiter entre 1000 et 2000 demandes par mois dans le cadre du Programme régulier des travailleurs qualifiés.
Urgence
Malgré ce camouflet juridique, le premier ministre François Legault refuse d’y voir une erreur de son gouvernement. «On savait qu’il y avait un risque de se faire dire : tant que le projet de loi n’est pas adopté, [il] faut garder le vieux système», a-t-il reconnu.
Mais son gouvernement a voulu accélérer la transition vers le nouveau système Arrima, plaide-t-il. «Je pense qu’il y a une urgence au Québec de prendre le nouveau système et de choisir les nouveaux arrivants en fonction des besoins des entreprises, plutôt qu’en fonction du premier arrivé, premier servi», dit François Legault.
Poursuite des démarches
De son côté, l’Association québécoise des avocats et avocates en droit de l’immigration (AQAADI), qui avait déposé la demande d’injonction, a évité de crier victoire mardi. D’abord parce que l’association veut des assurances écrites que le ministère traitera les dossiers jusqu’à l’adoption du projet de loi. Le ministre Jolin-Barrette a d’ailleurs souligné que le processus judiciaire «va suivre son cours».
De plus, l’AQAADI souhaite que le gouvernement traite l’ensemble des demandes pendantes. «Nous, on a vraiment l’intention d’aller chercher les 18 000 [dossiers]», souligne le président de l’AQAADI, Me Guillaume Cliche-Rivard.
«On ne veut pas abandonner les gens qui sont à l’étranger ou qui sont ici», ajoute-t-il.
Anticonstitutionnel ?
Par ailleurs, le président de l’AQAADI a critiqué l’article 9 du projet de loi, qui prévoit l’imposition de conditions liées au maintien de la résidence permanente. L’association craint que le ministre utilise cette clause pour imposer aux nouveaux arrivants de s’installer dans une région déterminée pour une période de temps donnée. «Les conditions de localisation et d’établissement, ça on est d’avis que c’est inconstitutionnel et que ça viole la Charte, dit Me Guillaume Cliche-Rivard. Alors, effectivement il y a peut-être un recours qui va se dessiner là-dessus, si ce n’est pas modifié.»
Le ministre Jolin-Barrette rejette cette lecture de la clause, mais reconnaît qu’elle pourrait servir à imposer des conditions de maîtrise de la langue française, par exemple.