Recherché: libérateur de peuple

Conflit étudiant - grève illimitée - printemps 2012


Sur la pierre tombale de René Lévesque, ce sont ces mots de Félix Leclerc qu'on peut lire, des mots qui lui allaient si bien: «Libérateur de peuple.» Il n'aura pas réussi à mener sa démarche jusqu'au bout, faute de temps, faute de convaincre tout son monde en même temps, faute de solidarité. Et puis la mort l'a fauché, comme les autres, comme Félix et tous ceux qui croyaient «que les fruits étaient mûrs dans les jardins de ce pays». Le pays est retourné en dormance. Déçus, épuisés, pratiquement privés d'oxygène, les Québécois se sont tus.
Ce sont les étudiants dans la rue qui m'ont menée à cette réflexion. Je me suis demandé ce qu'ils savaient de René Lévesque et j'ai pensé que si c'était comme le reste de notre histoire, ils devaient croire que c'était un boulevard traversant le centre-ville de Montréal. Au même titre qu'Hippolyte Lafontaine est un tunnel et Jacques Cartier, un pont.
Se pourrait-il qu'il y ait parmi eux un libérateur ou une libératrice de peuple en puissance? Se pourrait-il que pour certains d'entre eux, se frotter à la solidarité de la révolte de rue puisse mener à un engagement social qui en fera des leaders de notre société dans les années qui viennent?
Se pourrait-il que ces quelques semaines de grève étudiante leur ouvrent les yeux sur le formidable cul-de-sac dans lequel se trouve ce peuple qui avait l'audace d'aspirer à l'indépendance et qu'ils fassent des comparaisons entre l'expérience qu'ils partagent présentement et ce que ce peuple a vécu depuis si longtemps?
Ils tiennent leur combat à bout de bras. Ils apprennent à évaluer chaque jour où se situent leurs forces, mais aussi leurs faiblesses. Ils vont subir la pression de ceux et celles chez qui on pourrait déjà sentir un vent de panique et qui voudraient bien voir les choses s'arranger rapidement. Il y a toujours un vertige à se mettre en danger et à maintenir le cap malgré les craintes qui s'installent. Et puis... s'il fallait que les parents s'impatientent.
Les étudiants ont droit à notre appui parce que leur cause est juste. L'entêtement du gouvernement du Québec devant leurs revendications a quelque chose de choquant quand on voit avec quelle désinvolture les élus ont gaspillé l'argent collectif depuis des années en payant des sommes colossales pour des services mal rendus et en tolérant des comportements dépourvus de la plus élémentaire éthique sans intervenir pour corriger le tir. Nous n'avons même pas commencé à découvrir l'ampleur du désastre, mais nous savons qu'il y a désastre. Ça se voit pratiquement à l'oeil nu et chaque jour nous apporte son lot de nouvelles pas réjouissantes du tout.
Nous avons toujours, selon les dernières nouvelles, trois ordres de gouvernement. Trois qui nous bûchent dessus tous en même temps. Nous sommes écrasés sous la gouvernance qui ne cesse de se multiplier et de s'agrandir. Je n'insisterai pas sur le Québec qui ferme la porte au nez de ses enfants et leur envoie ses policiers en réponse à leurs revendications.
Pendant ce temps, les conservateurs d'Ottawa semblent s'être donnés pour tâche de finir le travail commencé par lord Durham (mais qui était donc lord Durham?) et faire des Québécois un peuple assimilé et soumis. Lord Durham a dû bien rigoler dans sa tombe quand il a appris que des Québécois trouvaient normal de travailler pour des patrons ne parlant que l'anglais même si ça voulait dire qu'eux devaient être bilingues. Soumis comme des moutons, ainsi qu'il les voulait.
Cet étrange printemps, celui de 2012, nous permettra-t-il de retrouver notre raison de lutter? L'espoir porté jusque dans les rues par des jeunes qui crient à l'injustice en ce qui les concerne nous permettra-t-il de retrouver le goût de l'identité qui fait de nous parfois «quelque chose comme un grand peuple»?
Il serait temps. Car la somme de nos batailles perdues devient lourde à porter et notre capacité d'alimenter l'indifférence ambiante ne nous promet pas des lendemains qui chantent. Nous prenons les gifles d'Ottawa les unes après les autres. Nous avons pratiquement usé tous nos moyens de défense. Même les élus du Québec n'arrivent pas à se faire entendre à Ottawa. Il n'y a plus d'abonné au numéro que nous avons composé... La ligne a été coupée.
Pendant ce temps-là, nos enfants sont dans la rue pour défendre leur droit à l'éducation pour tous. C'est le printemps des mots en «ion». Comme dans collusion, corruption, intimidation, et depuis quelques jours: sollicitation et prostitution. Il serait bien de régler l'éducation d'abord. Ça aiderait à éliminer les autres «ion». Autrement, ça pourrait mener à de l'agitation.


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