Recapitaliser les banques, oui, mais pas à n'importe quel prix

DEXIA - faut-il recapitaliser les banques?




Ne répétons pas les mêmes erreurs qu'après la crise de 2008 en n'imposant pas au système bancaire des changements importants, notamment dans son mode de fonctionnement, en échange du soutien de l'Etat. Faute de quoi, cette opération se fera à fonds perdus et les ennuis reviendront très vite.
Le débat sur la recapitalisation des banques est le type même de "self-fulfilling prophecy". A force de ne pas résoudre la crise grecque, les gouvernements de l'Eurozone ont créé un environnement de crise qui a accru la vulnérabilité intrinsèque des banques européennes. Leur inaction a rendu le problème quasi insoluble. De plus, ils ont menti sur l'état de santé des banques lors des fameux "stress tests" d'août dernier : le manque de fonds propres était estimé à 2,5 milliards d'euros pour une vingtaine de petites banques. Cette perte de crédibilité a aggravé la méfiance.
L'Europe n'a pas non plus pris les mesures réglementaires nécessaires pour assurer un assainissement à la suite de la crise de Lehman Brothers. Là où les États-Unis ont réduit les possibilités de trading sur fonds propres, les banques européennes ont réussi à museler leurs autorités de contrôle et continué à développer cette activité. La perte de 2,5 milliards de dollars par l'UBS participe de cette absence de remise en ordre du système bancaire. De même, elles continuent à être les financiers et souvent les promoteurs de hedge funds qui sont essentiellement spéculatifs.
L'affaire Dexia est d'une autre nature : quoi qu'aient écrit et dit les responsables de cette banque et les médias, elle n'a rien à voir avec les problèmes de l'Eurozone. Il s'agit encore de risques dont Dexia a hérité à la suite de la vente d'une filiale américaine dans la crise de 2008. Si elle n'était pas la banque des municipalités, on pourrait purement et simplement la laisser tomber en faillite tout en indemnisant les petits porteurs. Son éclatement entre les filiales française et belge est une question de jours, voire d'heures.
Toute recapitalisation par le contribuable se fera à fonds perdus, comme celle de 2009, si les conditions suivantes ne sont pas imposées aux banques soutenues :

1. Les banques recapitalisées ne peuvent plus utiliser leurs fonds propres pour des opérations de trading pour compte propre. Les fonds propres additionnels qui seront injectés ne peuvent en aucun cas être utilisés à autre chose qu'à consolider l'activité bancaire.
2. Les banques recapitalisées ne peuvent plus exercer de financement des hedge funds et doivent mettre fin à leurs propres activités dans ce domaine.
3. Le mode de recapitalisation doit être réversible : il n'est pas nécessaire de donner des fonds propres permanents pour résoudre une solution dont la gravité est provisoire et due à des facteurs auxquels il est possible de porter remède. On pense ici à des quasi-fonds propres tels que des obligations convertibles, assorties d'un taux d'intérêt, d'une échéance et de conditions pénalisantes si, la banque ne faisant pas son devoir, les obligations devaient être converties en actions.
4. Les banques recapitalisées doivent dans les six mois mettre en place une série de mesures visant à diminuer leur taille et leurs besoins de fonds propres de manière à permettre le remboursement des contribuables dans un délai de trois ans. Ces mesures ne peuvent pas affecter l'activité de crédit aux particuliers et aux petites et moyennes entreprises.
5. La Banque centrale européenne limitera ses interventions à des soutiens de liquidité et non à la prise en charge du risque ultime de crédit. Il est normal d'assortir ses interventions de garanties, mais le débiteur doit rester la banque. Il serait trop facile de la libérer entièrement du risque.

Si ces cinq conditions sont réunies, nous allons voir se produire un phénomène d'assainissement du système bancaire européen :

> La taille des bilans bancaires va être réduite à un niveau où la banque a les moyens de se financer par dépôts et diminue sa dépendance par rapport aux marchés de capitaux.
> Les crédits essentiels à l'économie seront maintenus : le contribuable aide les banques à soutenir l'économie, pas à spéculer sur les marchés de capitaux.
> Les banques abandonneront leurs activités les plus risquées.
> Les capitaux prêtés seront remboursés dans les trois à cinq ans.

Ce sont de telles mesures qui rétabliront la confiance et assureront que les interventions des contribuables ne se feront pas à fonds perdus.
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(*) Ancien dirigeant du Nyse, président de Galileo Global Advisors, une banque d'affaires spécialisée dans les relations avec les pays émergents, Georges Ugeux a créé son blog un mois après la faillite de Lehman Brothers. Son propos est sans ambiguïté : décrypter l'information financière et bancaire et offrir le point de vue souvent décalé d'un professionnel par rapport aux positions volontairement hermétiques du monde de la finance. C'est tout l'intérêt de ce blog, celui d'un "insider" indépendant [www.finance.blog.lemonde.fr->www.finance.blog.lemonde.fr]).
Georges Ugeux - 10/10/2011, 11:24


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