Qui veut la peau de Martine Ouellet?

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Ne laissons pas faire ça !

Rarement aura-t-on vu telle campagne. Le Parti libéral réclame son départ avec véhémence, et avec la complicité de François Legault. Les entreprises minières veulent sa peau. Plusieurs chroniqueurs économiques participent à ce lobby, la décrivant comme une dangereuse écologiste opposée à l’industrie, à la croissance, au développement économique, aux emplois, même. Martine Ouellet serait celle dont vient tout le mal.
La campagne, maintenant en plein envol, sourde depuis un an car elle trouve des points d’appui et des relais à l’intérieur de la haute administration publique québécoise dont plusieurs membres, survivants de l’ère Charest, minent activement son action.
Pourquoi ? Est-ce parce que Martine Ouellet fut pendant deux ans présidente de l’ONG Eau secours, ce qui en ferait assurément une écervelée qui n’a pas la moindre idée de ce qu’est l’économie ? Non. Elle est crainte pour la raison exactement inverse.
Martine Ouellet est dangereuse parce qu’elle a transigé pendant 20 ans, pour Hydro-Québec, avec la grande industrie québécoise et qu’elle est, au sein du Conseil des ministres, une des seules personnes qui connait suffisamment le monde économique pour parler le langage des industriels et savoir précisément jusqu’où peut aller le bien commun québécois sans mettre en cause la croissance et l’investissement. Voici d’où elle tire ce périlleux savoir, selon le récit exact que l’on retrouve sur sa fiche de Wikipédia :
Elle entreprend en 1992 une carrière d’ingénieure de réseau de distribution au service d’Hydro-Québec. Elle occupe ensuite différents postes au sein de la division Distribution de l’entreprise, dont un passage à titre de responsable des ventes – Mines, métallurgie et fabrication, un secteur qui regroupe une centaine d’entreprises dont les ventes annuelles de 36,5 terawatts-heures représentent 20 % de l’électricité vendue par le distributeur québécois.
À titre de chef, Efficacité énergétique Grandes entreprises, elle est responsable de l’élaboration, de la mise en œuvre, du marketing et du suivi des programmes d’efficacité énergétique mis en place par Hydro-Québec dans le marché industriel. Elle intervient en outre auprès de la Régie de l’énergie du Québec dans le cadre des dossiers reliés au Plan global en efficacité énergétique (PGEÉ) entre 2004 et 2006.
En 2006, elle est mutée à la division Production de l’entreprise, à titre de chef des projets spéciaux. Elle y a notamment participé à l’élaboration du plan stratégique 2010-2020, en plus de coordonner la « revue diligente » menée par Hydro-Québec dans le cadre de l’acquisition avortée de la plupart des actifs d’Énergie NB en 2009 et 2010. Cette revue diligente a été évoquée par le premier ministre libéral Jean Charest le 24 mars 2010 comme motif de l’abandon de la transaction, d’abord chiffrée à 4,75 milliards de dollars.
Pendant deux décennies, l’ingénieure Martine Ouellet devenue négociatrice fut en contact permanent avec tous les grands industriels québécois pour obtenir, pour Hydro-Québec, le meilleur deal possible, sans perdre un seul client. Une expérience qui lui donne ce dont aucun autre ministre ne dispose : savoir distinguer, dans le discours des industriels, le vrai du faux, le besoin réel de l’esbroufe et de la menace.

Dans l’équipe économique gouvernementale, Nicolas Marceau est un économiste brillant, sachant élaborer des politiques économiques – mais il n’est pas un négociateur. À l’industrie, Élaine Zakaïb a une longue expérience du développement des PMEs – mais ne s’est jamais mesurée aux géants de l’industrie. Au Commerce extérieur, Jean-François Lisée comprend les marchés – mais il n’a jamais fait plier une transnationale dans une négociation sur un tarif. Martine Ouellet, oui.
Et c’est pourquoi les lobbies souhaitent la faire tomber. Parce qu’elle tente de les empêcher d’avoir le beurre, qui leur revient légitimement, et l’argent du beurre, qu’elle tient à diriger vers les goussets des Québécois. Les lobbies n’ont pas l’habitude d’être confrontée à un ministre, femme de surcroît, qui a la connaissance technique et pratique de leurs coûts et de leurs marges de manœuvre réelle.
Dans le dossier des redevances, n’eut été de son entêtement chiffré et documenté, contre les alliés des mines dans la haute administration publique, rien n’aurait été fait et les minières auraient obtenu que rien ne bouge. Si on l’avait écoutée jusqu’au bout, c’eut été encore mieux.
Dans le projet de loi sur les mines, contrairement à la propagande libérale, un accord était à portée de main entre la ministre Ouellet et l’Association minière québécoise pour établir un vrai mécanisme de développement de la seconde et troisième transformation au Québec. C’eut été un point tournant dans l’histoire du développement minier et régional, point tournant qu’on aurait dû à Martine Ouellet – soutenue par la Première ministre contre le lobby minier.
Mais le PLQ a convaincu les minières qu’il était politiquement préférable de tuer le projet, de blâmer Martine Ouellet, de la diaboliser et de faire campagne contre elle dans les circonscriptions minières que les Libéraux rêvent de reprendre (comme pour l’ex-ministre libéral des mines Serge Simard, candidat dans Dubuc, célèbre pour avoir affirmé que la transformation « appauvrirait » le Québec,.) Même le ministre de l’Agriculture François Gendron, généralement plus proche de l’industrie minière que de sa collègue, est scandalisé par le processus et fait cause commune avec Mme Ouellet.
Dans les dossiers des hydrocarbures, Martine Ouellet tient à ce que ne soit brulée aucune étape d’étude et de consultation indispensable à l’acceptabilité environnementale et sociale de l’exploitation du pétrole québécois. Sans son admirable entêtement, le lobby pétrolier pourrait réussir à pousser le gouvernement Marois à commettre la même erreur que le gouvernement Charest dans le dossier (vraiment pourri celui-là) des gaz de schiste : l’empressement conduisant à l’échec.
Dans le dossier Enbridge, elle n’est pas seule au cabinet Marois à douter que des garanties environnementales suffisantes puissent être au rendez-vous. Cependant elle semble être bien seule à percevoir l’énorme rapport de force que détient le Québec face à Enbridge en cas d’approbation du projet, donc seule à proposer de maximiser les revenus que Québec pourrait en tirer, contre un lobby pro-pétrolier prêt à autoriser le projet sans réclamer la moindre contrepartie financière.
Si cette coalition des lobbies miniers et pétroliers, des libéraux et caquistes, des Alain Dubuc, Jean Lapierre et Pierre Duhamel, des hauts-fonctionnaires pro-patronaux réussissent à avoir la peau de Martine Ouellet, le gouvernement perdra son ministre le plus capable de tenir tête, puis de faire entendre raison, aux grands industriels. Il perdra la femme qui, plus que toute autre autour de Pauline Marois, tient la boussole du bien commun dans des dossiers essentiels du développement des ressources naturelles.
On sait qui veut la peau de Martine Ouellet. Que parlent maintenant, haut, fort et en grand nombre, ceux qui veulent un Québec Pour Tous, ceux qui appuient Martine Ouellet.


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