Québec - Quand l’environnement est pollué par le politique...

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Toute cette joute politique cache des intérêts inavouables

Après la réforme de la vieille Loi sur les mines, la tentative d’imposer un moratoire à l’industrie du gaz de schiste. Ces deux projets de lois péquistes ont été bloqués par l’opposition en une semaine. Et on voit mal comment ces dossiers à résonance environnementale pourraient se régler, puisqu’ils sont les otages d’une joute politique qui empêche tout déblocage depuis des années.


Après le rejet du principe du projet de loi 43 la semaine dernière, la ministre des Ressources naturelles Martine Ouellet s’est dite « surprise » de l’attitude des libéraux et des caquistes, qui ont fait avorter cette troisième tentative de réforme de la Loi sur les mines en quatre ans. Et nul besoin d’être devin pour comprendre que la vieille législation ne sera pas revue avant le prochain scrutin.

Il est aussi difficile de douter du très fort ressentiment des libéraux à l’égard de la ministre. En commission parlementaire, le député libéral Jean D’Amour a répété ad nauseam que Mme Ouellet s’était livrée à un blocage systématique lors de l’étude du précédent projet de loi, présenté celui-là par le gouvernement Charest. « Nous n’avons aucune confiance en cette ministre. Elle est indigne de confiance », a-t-il ajouté la semaine dernière.

Le Parti libéral a encore une fois barré la route aux péquistes cette semaine. Cette fois, les deux partis d’opposition, le PLQ et la CAQ, ont refusé d’adopter le principe du projet de loi 37, qui aurait instauré un moratoire pour l’industrie du gaz de schiste. Et pour le moment, il est difficile d’entrevoir un déblocage de ce côté. Les libéraux souhaitent en fait que les consultations particulières soient menées avant l’adoption du principe du projet de loi 37, alors que les péquistes disent vouloir les mener après l’adoption. Le Parti libéral a même repris à son compte un argument avancé par les groupes environnementaux, à savoir que le moratoire devrait s’étendre au dossier pétrolier. Après tout, a dit le député Gerry Sklavounos, les pétrolières ont déjà annoncé qu’elles auront recours à la fracturation sur l’île d’Anticosti dès 2014.

Logique politique

Le Parti québécois - favorable à l’exploitation pétrolière - pêche par « incohérence » en n’incluant pas le pétrole dans le moratoire, estime elle aussi Annie Chaloux, chargée de cours à l’Université de Sherbrooke et spécialiste des politiques publiques en matière environnementale. Mais elle s’étonne de la soudaine fibre environnementale des libéraux. « Après tout, ils ont tardé énormément à mener une évaluation environnementale pour le gaz de schiste. »

L’Assemblée nationale aurait dû prend acte de la « volonté populaire claire » d’aller vers un moratoire sur l’industrie gazière, insiste Mme Chaloux. Elle estime que le blocage des libéraux et des caquistes représente donc un recul significatif. « Ce genre d’attitude peut accroître le cynisme populaire à l’égard des questions environnementales. En agissant de la sorte, on donne le signal que l’environnement n’est pas une question prioritaire. »

« La joute politique prend rapidement le dessus, ajoute Mme Chaloux. Nous sommes dans une logique de court terme en politique. L’environnement n’entre pas dans une logique de court terme. On parle de transformer notre mode de développement économique. C’est à long terme, et les pour les politiciens qui siègent actuellement, ça n’existe pas. Ils ne seront plus là dans 15 ou 20 ans. » Ce type de blocage sur des enjeux environnementaux comprend aussi un « enjeu générationnel », selon Annie Chaloux. « La classe politique est dominée par les baby boomers. » Or, cette génération est, à certains égards, moins sensibilisée à ces questions que les générations suivantes, souligne-t-elle.

Blocages en série

Visiblement, les péquistes n’ont pas digéré le rejet pur et simple de la réforme minière. Le ministre de l’Environnement Yves-François Blanchet a d’ailleurs dit que l’opposition leur avait refait cette semaine « le coup de la 43 » en refusant le principe du moratoire sur le gaz de schiste. Même sans moratoire, il est peu probable de voir l’industrie revenir au pas de course au Québec au cours des prochains mois. Mais le PQ en avait une promesse électorale.

Le résultat, pour le moment, c’est que très peu de choses ont changé depuis que le dossier a éclaté au grand jour, il y a maintenant plus de trois ans. Les libéraux n’ont jamais caché leur préjugé très favorable envers les gazières. Dès 2009, ils avaient inscrit des mesures budgétaires favorisant l’industrie du gaz de schiste, alors qu’à peu près personne ne connaissait son existence. À l’opposé, les ministres Blanchet et Ouellet ont déjà évoqué leur refus pur et simple de l’industrie. Vu le ton des attaques au cours de la semaine, difficile d’entrevoir un terrain d’entente.

Le même scénario en apparence sans issue vaut pour la Loi sur les mines. Le projet de loi 43 était pourtant similaire « à 80 % » au précédent projet libéral, a souligné Martine Ouellet. À l’instar du dossier du gaz de schiste, Mme Chaloux s’explique mal l’incapacité politique à faire bouger les choses. Entre-temps, on ne cesse de répéter que le régime n’a pas connu de réforme digne de ce nom depuis des décennies. Et à plusieurs reprises, le Vérificateur général a mis en lumière les lacunes majeures dans la gestion de cette industrie.

Allié historique du milieu des affaires, le PLQ a toutefois refusé catégoriquement d’inclure certaines mesures jugées nuisibles pour les minières. En fait, depuis l’élection des péquistes, les libéraux n’ont pas manqué de dénoncer des décisions à caractère environnemental qui nuiraient selon eux à l’économie. Ils ont critiqué la fermeture de la centrale nucléaire Gentilly-2, mais aussi la décision de Québec de retirer le prêt de 60 millions accordé par le gouvernement Charest pour la relance de la mine d’amiante Mine Jeffrey.

Comme il s’agissait de décisions de l’exécutif, l’opposition avait peu de prise, au-delà des sorties publiques. Mais avec les dossiers des mines et du gaz, elle a tout le loisir de barrer la route aux projets péquistes. Et tout indique que les choses évolueront peu d’ici les prochaines élections, dans quelques mois. « Ça nous montre les limites d’un gouvernement minoritaire », a dit la ministre Ouellet la semaine dernière. « Le moratoire sur le gaz de schiste passera par un gouvernement péquiste… majoritaire », a écrit son collègue de l’Environnement jeudi.


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