Même si l’achat d’énergie éolienne se fait à perte pour le Québec et dans un contexte d’importants surplus d’électricité, les libéraux entendent bien poursuivre le développement de la filière. Ils comptent d’ailleurs mandater un groupe de travail formé des « principaux acteurs de l’industrie » pour les conseiller sur la suite des choses.
« Afin de maintenir l’activité générée par cette industrie et les emplois qui y sont associés, il faut soigneusement réfléchir à la meilleure façon d’assurer le développement, la compétitivité et la pérennité de cette industrie », a fait valoir jeudi le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Pierre Arcand.
Les libéraux ont donc décidé de mettre sur pied un groupe de travail qui devra « bien documenter la situation actuelle » et « dégager une vision d’avenir », a dit M. Arcand au cours d’un point de presse tenu dans les locaux montréalais de GE Capital, une entreprise impliquée dans le secteur éolien.
Ce groupe sera composé uniquement de représentants du gouvernement et de joueurs de l’industrie : turbiniers, développeurs de projets et manufacturiers de pièces. Il devra présenter des « recommandations » à Québec en septembre, en vue de l’élaboration de la future politique énergétique que le ministre Arcand souhaite présenter en 2015.
Pas de remise en question
Il n’est pas question d’étudier la pertinence de poursuivre le développement de la filière, comme le recommandait le rapport produit par la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec à la demande du précédent gouvernement. Selon cette commission, « il ne fait aucun doute que le gouvernement du Québec doit immédiatement cesser les nouveaux appels d’offres pour la production d’électricité et qu’il doit annuler les contrats en cours de renouvellement ou alors les renégocier ».
« Dans l’éolien, il n’y a pas présentement de modèle viable, a réitéré jeudi Normand Mousseau, coprésident de cette commission. Nous vendons l’électricité sous le prix coûtant. On la vend à perte, donc tout ce qu’on va ajouter va s’ajouter aux pertes. » Hydro-Québec achète cette énergie à un prix variant de 8,5 ¢à 13 ¢le kilowattheure et la revend au mieux à la moitié de ce prix.
En fait, a poursuivi M. Mousseau, la filière éolienne est actuellement « un outil de développement économique régional basé sur des subventions d’une durée de 20 ans financées par les consommateurs. Il faut que ce soit clair ». Une partie de la hausse des tarifs d’électricité des consommateurs québécois est d’ailleurs attribuable aux achats d’énergie éolienne. Au total, les pertes dues à tous les moyens de production d’électricité mis en service depuis 2008 s’élèvent à 1,2 milliard de dollars par année, selon la Commission sur les enjeux énergétiques. Elles doivent atteindre 2 milliards en 2025.
Pour l’analyste Jean-François Blain, spécialiste des questions énergétiques, « le gouvernement est résolu à poursuivre le fiasco du développement de la filière éolienne ». Selon lui, le groupe de travail annoncé par le ministre Arcand « est en conflit d’intérêts » et il évacuera toutes les « problématiques » liées au développement de l’éolien. « Il faudrait se demander si nous avons besoin de cette énergie. En fait, ce sont des engagements d’achats inutiles, puisque nous sommes pris avec des surplus pour au moins 12 à 15 ans. »
Attrait électrique
Pierre Arcand ne voit évidemment pas les choses du même oeil. « Les surplus énergétiques ne sont pas un problème. Ils peuvent devenir une opportunité », a-t-il dit jeudi. Soulignant que « le domaine énergétique évolue constamment », il a affirmé que le Québec pourrait utiliser les surplus pour attirer des entreprises dans la province. Le ministre responsable du Plan Nord étudie également la possibilité de développer des projets pour alimenter les mines en territoire nordique.
Selon lui, le marché américain pourrait aussi offrir des occasions. Mais depuis une décennie, la demande pour l’électricité québécoise a plafonné, voire baissé. Et elle se vend aujourd’hui beaucoup moins cher qu’il y a dix ans, notamment en raison de l’exploitation du gaz de schiste aux États-Unis.
« Les surplus, oui, sont une bonne chose. Mais nous en avons déjà amplement, a répliqué Normand Mousseau. Nous ne sommes pas non plus dans une situation où on pourrait se dire que dans quelques années nous aurons besoin d’énergie. En fait, on ne voit pas qui pourrait consommer cette électricité. Et pour les prochaines années, les prix de l’électricité vont demeurer faibles. »
130 lobbyistes
Les entreprises actives dans le secteur de l’éolien au Québec ont évidemment applaudi au plaidoyer du gouvernement en faveur de la filière jeudi. Selon une recension non exhaustive effectuée par Le Devoir, au moins 130 lobbyistes inscrits au registre du Québec ont des mandats liés à la promotion du développement de l’industrie éolienne. Ce nombre est similaire à ce qu’on retrouve du côté du lobby des énergies fossiles.
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