Lettre aux militants d’Option nationale :

Que ferons-nous lorsque nous prendrons le pouvoir?

Chroniques


Le but d’un programme politique est d’exposer et d’expliquer les politiques qu’un parti mettra en œuvre s’il accède au pouvoir. Pour gagner des votes, un parti doit inspirer confiance aux citoyens et pour les convaincre de voter pour lui, il doit offrir un discours clair et cohérent; surtout lorsqu’il préconise un changement politique majeur comme l’indépendance politique. L’imprécision et la tergiversation ne sont jamais sources de convictions fortes.
Malheureusement le programme d’Option nationale déroge à cette logique en entretenant dans son article 1 une importante confusion sur la démarche d’accession à l’indépendance. Le programme ne répond pas à la question suivante : comment faire le LIT (décider des Lois, des Impôts et des Traités) sans être souverain, sans qu’il y ait eu un référendum donnant le mandat à l’Assemblée nationale de déclarer l’indépendance? Comment peut-on dire que nous ferons de l’Assemblée nationale le centre de décision de la nation et que nous ferons toutes les lois et rapatrierons tous les impôts sans affirmer au préalable la suprématie de l’Assemblée nationale sur le parlement canadien? Le programme actuel est ambigu puisqu’il fait d’un éventuel référendum la source unique de légitimité pour exercer les pouvoirs d’un État souverain. Dès lors, quel sera le programme législatif d’un gouvernement d’Option nationale en attendant le référendum? En vertu de quelle autorité pourrons-nous légiférer dans les champs de compétence de l’État fédéral puisque nous serons toujours une province? Que veut dire concrètement l’expression « Fera en sorte » ? En refusant de préciser le quand et le comment du « fera en sorte » on affaiblit l’efficacité persuasive des militants qui ne seront pas en mesure de répondre aux questions des électeurs.
Nous avons tenté de corriger cette incohérence en proposant que la première loi que fera adopter un gouvernement d’Option nationale affirmera la suprématie de l’Assemblée nationale sur le parlement canadien. Certains ont voulu associer cette démarche à une élection référendaire. Cela est faux, car nous n’avons jamais proposé de supprimer le référendum comme préalable à la déclaration formelle d’indépendance.
Dans notre raisonnement, l’élection d’un gouvernement d’Option nationale n’impliquera pas immédiatement une déclaration d’indépendance, mais mettrait en branle une nouvelle dynamique politique de délégitimation du fédéralisme canadien. Il s’agit de changer les termes du débat et de confronter le système constitutionnel canadien en adoptant des lois qui interviennent dans les champs de compétence fédéraux, en nous appuyant sur la légitimité de toute majorité parlementaire comme le fait d’ailleurs le gouvernement canadien lorsqu’il décide d’envahir les compétences provinciales. Qui remet en question ces politiques fédérales sous prétexte que le gouvernement a été élu avec le soutien d’une minorité d’électeurs ? Faire élire une majorité de députés est pour nous une condition suffisante pour commencer à sortir du Canada, car il ne faut pas l’oublier : ces députés auront été élus sur un programme clairement indépendantiste et pourront adopter toutes les lois nécessaires au développement de notre nation. En conséquence, il n’est pas question de chercher à obtenir la reconnaissance internationale tant et aussi longtemps que les Québécois n’auront pas décidé à la majorité absolue de faire l’indépendance. Voilà pourquoi nous sommes aussi en accord sur le fait de tenir un référendum avant de procéder à la déclaration d’indépendance.
Il faut dire clairement aux électeurs que nous n’attendrons pas de faire un référendum avant d’amorcer le processus d’accession à l’indépendance, sans quoi notre programme se résumerait au final, à une sorte de gouvernance souverainiste maquillée.
En votant pour Option nationale, l’électeur doit savoir que le gouvernement d’Option nationale ne se comportera pas en gouvernement provincial, mais en gouvernement national. Un vote pour Option nationale doit être aussi déterminant pour l’avenir du Québec qu’un vote sur une question référendaire.
Nous avons un devoir de clarté envers les militants et les électeurs et nous devons être capables de réponse à la question suivante : l’élection d’une majorité de députés d’Option nationale enclenchera-t-elle le processus d’accession à l’indépendance : oui ou non ? Conserver le flou actuel sur nos intentions sera contreproductif politiquement.


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6 commentaires

  • Luc Bertrand Répondre

    15 mars 2013

    Monsieur Monière, je suis heureux de vous voir revenir défendre les mérites de la SEULE proposition du congrès des 2-3 mars qui se devait absolument d'être adoptée si nous ne voulions pas nous ramasser dans un vide juridique après notre prise du pouvoir et avant de procéder au "LIT". Malheureusement, Jean-Martin Aussant a décrété la fin des discussions sur cette proposition sur une déformation de la réalité (élection référendaire alors qu'il s'agissait plutôt d'une élection décisive décisionnelle sur l'indépendance) et une exagération délibérée (faire l'indépendance avec 30% des voix) et le président a demandé le vote, ignorant ma présence au micro et m'empêchant de revenir à temps à ma table pour prendre mon carton bleu.
    Pour celles et ceux qui étaient présent(e)s au congrès et qui se demandent de quoi on parle, ou qui n'ont pu y assister, je me permets de la reproduire dans son intégralité:
    Proposition 18 (de Sainte-Marie-Saint-Jacques):
    Ajouter en début de la section 1 ("POUR UN QUÉBEC SOUVERAIN"):
    "Aura pour objectif principal de remplacer le cadre juridique provincial par un cadre juridique national. La première loi qu'un gouvernement d'Option nationale déposera à l'Assemblée nationale affirmera la succession de l'État canadien sur le territoire du Québec et ne reconnaîtra d'autre autorité que celle de l'Assemblée nationale du Québec."
    Avec un engagement aussi clair, il ne peut subsister aucun doute possible pour un électeur ou nos adversaires fédéralistes à Ottawa comme à Québec. Un gouvernement d'Option nationale poserait un premier "geste de rupture" avec le Canada en déclarant illégitimes la constitution canadienne de 1982 et sa charte des droits et libertés individuel(le)s que l'Assemblée nationale, le seul gouvernement contrôlé par la nation québécoise, n'a jamais signées.
    En termes de géopolitique, pour reprendre les mots de René-Marcel Sauvé, cette proposition aurait enclenché clairement et légitimement le processus du "LIT" (État de jure) qui aurait été entériné à son terme par la population (référendum sur la nouvelle constitution nationale québécoise et déclaration d'indépendance) et consacré le Québec État de facto.
    Sans cette disposition, le nouveau programme d'Option nationale prive ce "gouvernement national" de tout rapport de force avec Ottawa et même l'opposition officielle fédéraliste à Québec. Le seul moyen qu'il resterait à notre gouvernement national pour forcer nos adversaires à obtempérer serait la tenue illico d'un référendum portant clairement sur l'indépendance et d'y obtenir un OUI sans équivoque. Or, en absence de résultats (le fameux "LIT") ou de réaction d'Ottawa, comment pourrait-on y arriver?
    D'autant plus que les congressistes, non contents d'avoir oblitéré le mot "république" du programme par peur de sa connotation négative accolée par nos adversaires, ont privé le parti de toute autre solution de rechange en battant toutes les propositions faisant allusion au mot "référendum", que celui-ci porte sur l'indépendance, la constitution nationale québécoise ou les deux!
    À Myriade Klon, je ne crois pas qu'ON ait l'intention de répéter les erreurs du PQ qui nous ont fait carrément perdre 45 ans et rendu sceptique ou même cynique la population envers l'objectif même de l'indépendance. Il ne s'agit pas d'accélérer la prise du pouvoir, mais, au contraire, amener les électeurs à faire un choix en toute connaissance de cause. Tant qu'ON ne prendra pas le pouvoir, les représentant(e)s du parti à l'Assemblée nationale feront la pédagogie de l'indépendance en confrontant sans cesse les décisions des gouvernements provinciaux aux réalités que rendraient possibles la plénitude des pouvoirs. Donc, message aux carriéristes: ON n'est pas pour vous!

  • Klon Myriade Répondre

    14 mars 2013

    M. Monière, vous mettez le doigt sur une faiblesse majeure du programme d'ON : Comment peut-on rapatrier toutes les lois, impôts et traités sans avoir préalablement obtenu un mandat à la majorité absolue pour réaliser cette souveraineté concrète? Il faudra clarifier comment cela est démocratiquement possible et ne justifiera pas une réaction agressive du pouvoir fédéral.
    Je suis membre du PQ. Le discours de M. Parizeau lors de votre premier congrès m'a convaincu de la pertinence de l'existence d'ON. Comme M. Parizeau, je deviens donc aussi membre d'ON, sans déchirer ma carte du PQ.
    Je trouve aussi que Mme Ferretti a raison de vous mettre en garde contre l'appétit électoraliste. Nous ne sommes pas du tout pressés de voir l'ON tenter d'avoir le plus vite possible des politiciens carriéristes qui prendront la place de ceux du PQ. Tant que le programme d'ON ne sera pas très bien pensé et que son travail d'éducation et de mobilisation populaires ne sera pas très avancé, il serait contre-productif de mettre beaucoup d'énergie à avoir beaucoup de députés d'ON qui convaincront vite le peuple que leurs jobs comptent davantage que l'indépendance du Québec.

  • Archives de Vigile Répondre

    13 mars 2013

    Juste signer mon commentaire, le troisième, celui qui commence par "Je suis ravie......."
    J'avais oublié que ce le nom de l'auteur d'un texte n'apparaissait pas automatiquement.
    Andrée Ferretti.

  • Archives de Vigile Répondre

    13 mars 2013

    Je suis ravie, cher Denis, de voir que votre honnêteté intellectuelle est aussi vive et profonde que celle qui vous animait, il y a cinquante ans, lorsque nous militions ensemble dans le RIN.
    Cela dit, je suis grandement étonnée de voir que vous ne voyiez pas que, sous la direction de Jean-Marie Aussant, ON répète l'erreur fondamentale du RIN de Bourgault, celle de vouloir aller plus vite que les violons.
    Pour Bourgault, c'était d'accéder rapidement à l'Assemblée nationale, Pour Aussant, c'est d'y retourner. Au détriment, dans un cas comme dans l'autre, de l'accession du Québec à son indépendance nationale qui ne pourra, aujourd'hui comme hier, n'être le résultat que de la désaliénation de notre peuple.
    Désaliénation qui exige un long travail d'éducation et de mobilisation populaires, incompatible, aujourd'hui comme hier, avec l'enfermement de la lutte dans l'action électorale qui, veut veut pas, devient vite électoraliste.

  • Jean-Pierre Bélisle Répondre

    12 mars 2013

    J'ai aussi noté ce clair-obscur et il m'incommode. J'apprécie votre franc-parler.
    Sans précisions sur le "comment", le "LIT" ne demeure pour moi qu'un acronyme facile qui me fait penser plus encore à un plumard qu'à un programme.
    JPB

  • Pablo Lugo Herrera Répondre

    12 mars 2013

    J'ai la misère à comprendre comme un parti peut parler au nom des Québécois et de notre Nation s'il fait allégeance à la reine!