Quand un sondage en cache quelques autres…

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Quand ça va va, ça va très bien

Un gros lundi politique, en effet.
Sur fond de caucus spécial du PLQ où Philippe Couillard doit préciser la position de son parti sur la charte des valeurs tout en mettant un point final, dans un sens ou dans l’autre, à l’épisode de la dissidence de sa députée Fatima Houda-Pepin sur le sujet, un nouveau sondage Léger-Journal de Montréal-TVA-Agence QMI redonne le sourire au gouvernement Marois.
Si une élection avait eu lieu au moment de faire ce sondage, à 36% pour l’ensemble du Québec et à 43% chez les francophones, le Parti québécois aurait eu de bonnes chances de remporter une majorité de sièges.
Pour ce qui est des sondages Léger, ce 36% est un sommet depuis l’élection de septembre 2012 – quoique que le PQ atteignait déjà les 34% en octobre dernier. Considérant que la plupart des sondages des grandes firmes sont non probabilistes – donc, sans marge d’erreur identifiable -, difficile de juger à quelques points près, si un parti fait du surplace ou monte dans l’opinion publique.
On peut néanmoins constater qu’après sa chute à 27% dans les sondages au printemps 2013, la courbe des intentions de vote favorables au PQ est clairement ascendante.
Pour la Coalition avenir Québec (CAQ) de François Legault, c’est une autre histoire. Ce parti demeure incapable de retrouver les 27% obtenus à l’élection de 2012. En fait, à moins de 20% depuis des mois, il en est très loin. Dans le Léger de lundi, la CAQ n’est qu’à 17% pour le Québec et 19% chez les francophones.
Pour un chef et parti qui ambitionnaient prendre le pouvoir à court terme, la tendance est aussi lourde que dévastatrice.
Pour le Parti libéral du Québec (PLQ), si ça va mieux pour le PQ, c’est nécessairement que ça va moins bien pour les libéraux…
À 33% pour l’ensemble du Québec, le Parti libéral est redescendu à son inquiétant 25% chez les francophones. Sans un appui plus marqué des francophones, l’espoir de former même un gouvernement minoritaire s’éloigne pour lui. Le PLQ était pourtant à 37% dans le Léger du 6 décembre dernier. Comme quoi, les tergiversations de Philippe Couillard dans le dossier de la charte des valeurs et son manque inexpliqué et inexplicable de visibilité semblent avoir coûté des plumes à son parti.
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Charte: un fossé sépare les francophones des non-francophones
Pour le Parti québécois, l’élément déterminant dans cette hausse est un secret de Polichinelle : sa charte des valeurs et plus spécifiquement, l’interdiction élargie du port de signes religieux ostentatoires dans la fonction publique et parapublique.
Selon le Léger de lundi, un total de 48% des répondants – dont 57% des francophones, sont favorables à la charte.
Sur l’interdiction des signes, c’est même 60% – et 69% des francophones -, qui s’y disent favorables. Comment se fait-il qu’il y ait 12% de plus de francophones favorables à l’interdiction des signes religieux qu’à la charte elle-même qui la propose? Mystère et boule de gomme…
Notons aussi que chez les non-francophones, l’appui à la charte n’est que de 18% et de 26% pour l’interdiction des signes religieux. Bref, si on observe un fossé considérable entre la majorité et les minorités sur ces deux éléments, les non-francophones, comme les francophones, sont plus favorables à l’interdiction des signes religieux qu’à la charte elle-même… Comme quoi, à la cohérence, nul n’est tenu. Surtout, dans les sondages d’opinion…
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Jeter les dés
Comme je l’écrivais dès mai 2013 – au moment où, à 27% dans les sondages, le gouvernement Marois annonçait que sa charte de la laïcité promise serait plutôt une charte des «valeurs» ratissant très large : «l’objectif premier de l’exercice crève l’écran. Souhaitant mobiliser une partie de l’électorat autour de cette question éminemment identitaire, le gouvernement minoritaire du Parti québécois – malmené dans les sondages -, se cherche un prochain thème électoral capable de faire oublier les reculs des derniers mois. Le succès de l’ADQ en 2007 en aura sûrement inspiré quelques uns.»
Après la première fuite détaillée en août de sa charte dans les médias – laquelle faisait alors état de cette interdiction élargie de signes religieux -, j’avançais alors ceci sur mon blogue de l’Actualité – une hypothèse sous forme de question rhétorique :
«Le renforcement promis et nécessaire de la Loi 101 n’étant plus que l’ombre de lui-même, à l’instar de Jean Charest face à la grève étudiante, le Parti québécois aurait-il trouvé avec son projet de Charte des «valeurs» québécoises sa propre «politique de division» électoraliste – son «wedge politics issue», comme disent les Anglais?
Rappelons que le «wedge politics» – ou stratégie de division – est un grand classique bien connu des analystes et des stratèges politiques. (…) La «politique de la division», c’est tenir une position inflexible sur un sujet fort et contentieux qui divise et polarise l’opinion publique; qui oppose le parti la défendant à celle des partis adversaires; et, enfin, qui l’aide à consolider sa propre base. (…) cette stratégie, lorsque utilisée, l’est souvent par un parti quand une élection se pointe à l’horizon et qu’elle se promet d’être une lutte serrée.»

De toute évidence, la suite de l’histoire a su confirmer l’hypothèse.
À la quête d’une prochaine victoire majoritaire, le gouvernement Marois a donc lancé les dés de sa charte des valeurs. Comme l’interdiction de signes religieux était une proposition qui ne pouvait que polariser l’opinion publique, après une première année de gouverne chaotique, le gouvernement reprenait ainsi le contrôle de l’ordre du jour politique.
Et, il le faisait avec un sujet particulièrement contentieux tout en contrôlant son message de manière très serrée. Même les commentaires de citoyen sur son site web dit de consultation sur sa charte n’ont jamais été rendus publics.
Il a ensuite repoussé le dépôt de son projet de loi le plus longtemps possible. Aujourd’hui – considérant que le gouvernement n’a pu déclencher une élection dès la fin de l’automne dernier -, la commission parlementaire devrait maintenant occuper l’avant-scène politique jusqu’à la prochaine fenêtre électorale possible.
Laquelle – si d’autres sondages confirment cette remontée du PQ – pourrait s’ouvrir plus tôt que tard.
Le pari du gouvernement était qu’au fil du temps, l’appui à cette interdiction monte tout en se raffermissant ultimement chez les francophones. Et qu’à terme, une partie suffisante de cet appui se traduise en intentions de vote pour le PQ. «Suffisante», comme dans juste assez pour lui donner l’espoir d’une éventuelle victoire majoritaire. Le sondage de ce lundi est la première indication sérieuse de cette possibilité.
Il faut aussi dire que les tergiversations du PLQ dans ce dossier – comme l’indique la perte brutale d’appuis des libéraux depuis décembre -, y ont également contribué. Quant à la CAQ, on l’a dit à plusieurs reprises – dans un débat aussi polarisé et polarisant, la voie mitoyenne de François Legault peine à rallier même ses propres partisans…
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Quand un sondage en cache quelques autres….
Maintenant, voyons de plus près quelques résultats intéressants que l’on trouve dans l’analyse détaillée du sondage Léger-Agence QMI.
Dans les intentions de vote, on note que les appuis au PQ (36% au Québec et 43% des francophones) atteignent un sommet de 44% en régions – là où, justement, l’appui àl ‘interdiction des signes religieux est très élevé à 70%.
Pour ce qui est des intentions de vote décortiquées par tranches d’âge, le même phénomène se reproduit. La charte étant nettement moins populaire chez les plus jeunes, on note ici qu’à peine 25% des répondants de 18 à 24 ans appuient le PQ. Chez les 25-34, par contre, le PQ et le PLQ sont presque nez à nez (34% et 35%, respectivement). Chez les 35-44 ans, le PQ ne récolte que 23% d’appuis contre 32% pour le PLQ (et la CAQ, 28%!). Chez les 45-64 ans, le PQ reprend du poil de la bête avec 44% d’appuis. Après 65 ans, le PQ et le PLQ se retrouvent à nouveau à égalité à 39% chacun.
Pour le PQ – autrefois, un parti jeune et audacieux -, ces résultats reflètent le «vieillissement» de sa base électorale traditionnelle, mais aussi sa grande difficulté à se gagner l’appui des plus jeunes générations.
Son option s’en ressent aussi. Seulement 37% des répondants répondraient Oui à un référendum sur la souveraineté, dont 44% de francophones. Par tranche d’âge, le Oui ne récolte que 34% chez les 18-24 ans; 33% chez les 25-34% et 26% à peine chez les 35-44 ans.
Sur «qui ferait le meilleur premier ministre du Québec», Pauline Marois a de quoi se réjouir. Les 27% qu’elle obtient pour le Québec montent à 33% chez les francophones. (Philippe Couillard est à 20% et 17%, respectivement.). Ce n’est qu’un tiers des francophones, mais c’est presque le double de son adversaire libéral.
Par contre, chez les 18-24 ans, Mme Marois ne reçoit que 13% d’approbation; 26% chez les 25-34 ans et 12% seulement chez les 35-44 ans. Les résultats sont aussi mauvais pour Philippe Couillard alors que Françoise David de Québec solidaire a deux points de plus de taux d’approbation chez les 18-24 ans que Pauline Marois.
Décidément, le PQ peine à séduire les plus jeunes, dont la génération des 35-44 ans.
Pour le taux de satisfaction envers le gouvernement – un indicateur important à prendre en compte lorsque vient le moment de déclencher une élection -, il s’est amélioré. Des 38% pour l’ensemble du Québec, il grimpe toutefois à 45% chez les francophones.
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Et ces élections?
En réaction au sondage, Pauline Marois a bien évidemment juré qu’elle ne pensait aucunement à déclencher une élection plus rapide que tardive – quelque part pour mars ou avril. C’est la réponse classique de tous les premiers ministres en période pré-électorale…
Or, si le CROP que la rumeur annonce pour ce mercredi, de même que les propres sondages internes du PQ, venaient à montrer des tendances similaires, c’est à se demander comment ferait la première ministre pour résister à une telle tentation?
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Pour l’article du sondage paru dans le Journal de Montréal, c’est ici :
http://www.journaldemontreal.com/2014/01/20/le-parti-quebecois-en-terrain-majoritaire
Pour les résultats détaillés, c’est ici :
http://www.leger360.com/admin/upload/publi_pdf/20141201.pdf


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