Qu'est-ce que ça prendra?

Il y a les questions qui intéressent les Premières Nations, mais qui ne semblent intéresser personne d'autre, pas même les médias

On parle de quoi quand, par exemple, "nation" et "souveraineté" s'appliquent à un groupe de 2 000 personnes?...

Qu'est-ce que ça prendra pour que l'on réalise que les Premières Nations existent et qu'elles ont des intérêts dans cette campagne électorale?
La plupart des analystes, faiseurs d'opinions et éditorialistes s'écoutent parler de la présente campagne électorale fédérale et se demandent quand le débat va prendre du mordant dans cette lutte dont l'issue est facilement prévisible. Pourtant, des sujets de débat, il en existe au-delà de ceux qui font la une des quotidiens! Notamment, il y a les questions qui intéressent les Premières Nations, mais qui ne semblent intéresser personne d'autre, pas même les grands médias nationaux.
Si on cherche une réponse au peu d'intérêt que suscite la présente campagne dans nos communautés, elle se trouve dans le peu d'attention, voire dans l'indifférence que portent les politiciens aux questions qui nous préoccupent.
Une vingtaine d'années en politique me permettent de confirmer avoir entendu des premiers ministres et des ministres ayant tous affirmé que la situation des peuples autochtones au Canada était un enjeu incontournable pour tout parti politique qui aspire à diriger le pays. Le Canada, est-il nécessaire de le rappeler, se classe dans les dix premiers selon l'indice du développement humain, mais chute très loin, quelque part autour de la 70e position lorsque l'on inclut la situation sociale et économique des peuples autochtones.
Désillusion populaire
Nous ne nous sommes jamais fait d'illusions sur le poids démographique et politique que nous représentons, pour toute campagne, fédérale ou provinciale. L'issue d'une élection ne s'est jamais décidée sur la position des partis en matière autochtone. C'est sans doute ce qui explique, en partie, la profonde indifférence de nos communautés envers un processus électoral qui fait fi de notre réalité.
Une forte proportion de la population des Premières Nations ne se rendra donc pas aux urnes le 14 octobre prochain. Pour une bonne partie de celle-ci, plus ça change, plus c'est pareil. D'autres motifs expliquent également cette tendance. Au Québec, notamment, cette attitude s'explique par la non-affiliation à un système qui n'a aucun lien avec nos propres structures, attitude renforcée par une poussée nationaliste plus prononcée que ce qui peut exister ailleurs au pays.
Des analystes de la scène politique nous feront valoir qu'on ne peut espérer améliorer notre situation en restant en marge du processus électoral. À cet égard, il faut le souligner, la position de la majorité des chefs à l'endroit des membres de leur communauté est de laisser le libre choix, donc de ne pas encourager, ni décourager l'exercice du droit de vote de la population autochtone.
Obligation incontournable
D'autres faits s'ajoutent à ce constat, par exemple le fait que les membres des Premières Nations n'ont obtenu le droit de vote qu'en 1960. En 1968, la Chambre des communes accueillait son premier député autochtone. On se serait attendu à ce qu'une pareille révolution dans la démocratie canadienne empêche le dépôt du Livre blanc de Jean Chrétien en 1969, qui proposait littéralement l'assimilation de l'Indien.
Par ailleurs, quoi qu'il arrive et qu'importe la décision que prendront les membres de nos communautés, il existe pour tout parti qui aspire à gouverner le Canada, une obligation incontournable, historique, politique, juridique et constitutionnelle envers nos peuples. C'est cette évidence qui fait défaut dans la présente campagne électorale, et c'est cette négation qu'entretiennent tous ceux qui y jouent un rôle, depuis le chef de parti qui juge que notre situation n'est pas un gage de capital politique jusqu'aux journalistes qui ne réagissent qu'aux coups d'éclat.
Défi à relever
Il y a quand même dans tout cela une certitude indéniable. Au lendemain du vote, la question autochtone demeurera entière, comme le sera l'exaspération de nos chefs sur l'indifférence du processus politique à l'endroit des questions qui occupent notre quotidien. Les crises épisodiques qui ont marqué l'histoire récente, les directives de la Cour suprême, les conclusions de la Commission royale sur les Peuples autochtones et j'en passe n'auront pas empêché le déni flagrant de cette injustice sociale par les gouvernements qui se sont succédé. Est-il donc à ce point injustifié de se poser la question suivante: «Qu'est-ce que ça prend pour faire bouger les choses?»
Des leaders autochtones ont déjà fait allusion au fait que les plus jeunes générations pourraient sans doute favoriser la confrontation plutôt que la négociation. Est-ce que les élus canadiens d'aujourd'hui attendent une autre crise ou s'illusionnent-ils en croyant que c'est quelque chose d'impensable dans un pays comme le Canada?
L'avenir des Premières Nations dans la confédération canadienne représente assurément l'un des principaux défis qui attendent le prochain gouvernement canadien. Les Premières Nations du Québec sont résolument engagées dans la reconquête de leur souveraineté et l'exercice de leur pleine autonomie. À défaut de reconnaître cette réalité, nous n'avons d'autre choix que de repenser en profondeur notre relation avec le gouvernement fédéral et nous devrons évaluer les options qui s'offrent à nous.


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