Prière de ne pas déranger

Sondage CROP-La Presse - Mars 2008

Il est remarquable que le gouvernement dont les Québécois se disent le plus satisfaits depuis deux décennies soit précisément celui qui dispose de la marge de manoeuvre la plus étroite pour gouverner et ne risque donc pas de trop les déranger.
Même au faîte de la popularité de Lucien Bouchard, son gouvernement n'a jamais été crédité d'un taux de satisfaction de 60 %. La population aimait M. Bouchard, mais ses politiques irritaient. Quand, après de douloureuses compression budgétaires, le déficit zéro a finalement été atteint, la saga des défusions municipales a commencé.
Jean Charest n'est plus l'homme raillé, voire méprisé, du premier mandat. Sa ténacité lui a même valu le respect de bien des gens qui lui trouvaient uniquement des défauts. On est encore loin de la «charestmanie», mais il a maintenant une qualité qui manquait à M. Bouchard: les initiatives intempestives lui sont interdites.
Contrairement au premier mandat, il ne prétend plus bouleverser quoi que ce soit. Tant mieux si ses grands projets avec l'Union européenne donnent des résultats, mais les Québécois semblent tout disposés à se satisfaire d'une simple gestion efficace des fonds publics, pourvu qu'on les laisse vaquer tranquillement à leurs occupations. L'heure ne semble pas être à l'exaltation.
Le premier mandat avait été une véritable comédie d'erreurs. Depuis un an, les principaux ministres et M. Charest lui-même ont donné une impression de compétence et de modération. Avec Philippe Couillard, le système de santé semble en de bonnes mains. Michelle Courchesne est une révélation à l'Éducation. Même Monique Jérôme-Forget, que plusieurs imaginaient souvent le couteau entre les dents, a bien réussi sa transformation en bonne mère de famille qui tient les cordons serrés pour le plus grand bien de la maisonnée.
Dans le bilan provisoire que fait le population, tout cela a manifestement plus de poids que les ratés dans le dossier linguistique ou la controverse au sujet de la double rémunération de M. Charest.
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Avant de tirer des conclusions trop hâtives du dernier sondage CROP, les stratèges libéraux devraient néanmoins se demander si c'est le gouvernement lui-même que la population apprécie ou plutôt son statut minoritaire, qui lui interdit de se montrer trop entreprenant.
On tient généralement pour acquis que le taux de satisfaction enregistré par les sondages est un indicateur de la tendance que prendront les intentions de vote. L'écart entre le taux de satisfaction (61 %) et les intentions de vote (34 %) est tel en ce moment que les libéraux peuvent raisonnablement espérer se retrouver en territoire majoritaire d'ici quelques mois.
Cette transformation de la satisfaction en voix dans les urnes n'est cependant pas automatique, surtout après deux mandats. À quelques semaines des élections d'avril 2003, le gouvernement Landry était crédité d'un taux de satisfaction supérieur à 50 % et il avait subi une cuisante défaite.
Si la bonne gouvernance tranquille est ce que la population recherche avant tout, les libéraux détiennent toutefois un avantage marqué. C'était la recette de Robert Bourassa. Le problème, c'est que M. Charest s'en éloigne quand il dirige un gouvernement majoritaire, de la même façon qu'il oublie les «valeurs libérales».
Même si Pauline Marois a renforcé son leadership et mis les «purs et durs» au pas à l'occasion du dernier conseil national du PQ, l'élection d'un gouvernement péquiste annoncerait assurément des années moins tranquilles.
Certes, l'obligation de tenir un référendum le plus rapidement possible dans un premier mandat a été «suspendue». Il est cependant clair que la «gouvernance nationale» promise par le PQ se traduira par une nouvelle ère d'affrontements entre Québec et Ottawa.
Seulement 35 % des personnes interrogées par CROP appuient la souveraineté. Ceux qui s'y opposent n'ont sans doute pas très envie d'assister et encore moins de participer au «débat national» auquel un gouvernement convierait les Québécois. Le moyen le plus sûr de ne pas être dérangé serait de faire en sorte que le PQ demeure dans l'opposition.
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Au moins, un gouvernement Marois serait en mesure d'assurer une administration de qualité. Même si le PQ stagne dans les intentions de vote, Mme Marois elle-même est perçue comme étant aussi apte que M. Charest à diriger le Québec. Il y a également au sein de la députation péquiste des hommes et des femmes d'expérience qui pourraient former un conseil des ministres tout à fait présentable.
L'élection d'un gouvernement adéquiste pourrait se révéler encore plus dérangeante. Non seulement ses prétentions autonomistes risqueraient de dégénérer en conflit avec Ottawa, mais la qualité d'une éventuelle gouverne adéquiste soulève de très sérieux doutes.
La baisse du vote de l'ADQ depuis septembre dernier est trop constante pour être attribuable à de simples accidents de parcours. Plus la population a l'occasion de voir l'équipe adéquiste à l'oeuvre, plus elle s'en détourne.
Même si le dernier congrès de l'ADQ n'avait pas été occulté par la question des 50 000 $ versés à son chef, cela n'aurait strictement rien changé à l'impression selon laquelle ni Mario Dumont ni ses députés ne sont prêts à gouverner. Le problème n'est plus tellement le message, qui s'est quelque peu raffiné, que le messager.
Dans son discours de clôture du congrès, M. Dumont a affirmé sa volonté de réaliser une percée à Montréal à la faveur des prochaines élections partielles dans Pointe-aux-Trembles et Bourget, où l'ADQ présente les meilleurs candidats dont elle dispose, Diane Bellemare et l'ancien bâtonnier Denis Mondor. Les perspectives ne sont pas très encourageantes, c'est le moins qu'on puisse dire. Selon CROP, l'ADQ est maintenant le cinquième parti sur l'île, derrière le Parti vert et Québec solidaire.
Le recul de neuf points dans la région de Québec, point d'ancrage de l'ADQ, est encore plus inquiétant. Mario Dumont devra bientôt commencer à se demander s'il doit encore jouer pour la coupe ou s'il ne devient pas plus urgent de sauver les meubles.
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mdavid@ledevoir.com


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