Précisions

Tribune libre

L’accès à l’indépendance par élection à double majorité
Le 7 mars, près de quatre-vingt personnes étaient présentes au débat organisé par les IPSO avec comme panelistes Louis Bernard, Sacha-Alexandre Gauthier et Robert Laplante.
Louis Bernard expliqua son choix du référendum avec des points stratégiques : sa reconnaissance par l’ONU, l’avis de la Cour suprême, l’importance de la reconnaissance de l’État-souche, en l’occurrence le Canada, le statut non colonial du Québec et la pratique référendaire québécoise. Pour lui, cette voie serait sans faille, mais l’important serait, comme le rappellent plusieurs péquistes, qu’il y ait une mobilisation populaire en faveur de l’indépendance parce que le déclencheur sera toujours l’appui majoritaire des électeurs et des électrices. Il ne fit par contre jamais écho à une entente préalable avec le Canada, comme si ce n’était pas nécessaire.
Interrogé sur ce que ferait le Québec en cas de refus du Canada de négocier la succession des pouvoirs, il signala que ce scénario lui paraissait peu probable. Pour lui, le Canada irait alors à l’encontre de l’avis de sa Cour suprême et serait l’objet de pressions du monde des affaires, de l’opinion internationale et de nombreux pays. Puis ajouta, à une question de Robert Laplante, que si le Canada demeurait de marbre, le Québec n’aurait de choix que celui de procéder unilatéralement. Ça m’a surpris.
L’exposé de Sacha-Alexandre Gauthier fit l’éloge de l’élection d’une majorité de députés pour procéder en s’inspirant d’auteurs réputés, de ses constats en Catalogne, d’une synthèse des cas récents d’accession à l’indépendance et du fait que le référendum violerait le droit international. Ça m’a intrigué, car l’ONU privilégie cette voie. Mais j’ai compris sa position quant il tenta de convaincre l’auditoire que l’accès au statut de pays indépendant repose sur l’effectivité de facto, celle-ci était plus importante que la reconnaissance de l’État-souche.
Exposé qualifié de théorique par Louis Bernard, ce dernier lui rappela qu’il a souligné que les choses ne se passent pas ainsi dans la pratique, l’effectivité, un des critères de reconnaissance, n’annihilant pas la règle entre les États indépendants voulant que l’aval du pays-souche est fondamental. Ce point, Alexandre-Sacha Gauthier, n’y fit pas allusion alors qu’il est la clé de la reconnaissance par le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale de cet organisme. C’est à ce moment que j’ai compris pourquoi il accorde tant d’importance à l’élection et à l’effectivité et soutient qu’il y a 197 pays indépendants reconnus par les Nations Unies qui comptent 193 membres.
Les idées « enclenchistes » de Robert Laplante éveillent toujours ce qui dort dans l’inconscient collectif du peuple québécois et injectent une bouffée d’air frais qui fait défaut chez les parlementaires indépendantistes. Pour lui, une majorité d’indépendantistes élus à avec pour mandat de réaliser l’indépendance doit procéder quel que soit le pourcentage d’appuis reçus. Et procéder sans appui majoritaire de l’électorat consiste à déployer une stratégie de rupture et à tenir ultérieurement un référendum sur un projet de constitution élaboré en commission parlementaire.
Son approche référendaire intrigua Louis Bernard qui vit en elle un obstacle puisque le contenu risque fort de susciter des dissensions sur le type de régime, le mode de scrutin, la présence ou non d’une chambre des régions, ce que Robert Laplante minimisa. Deux jeunes intervenants ont signalé que ces ruptures sont porteuses de charges canadiennes et susciteront des tensions en milieu de travail, à quoi Robert Laplante répondit qu’il en ressortira une élévation de la conscience des Québécois et des Québécoises, un facteur déterminant pour réaliser l’indépendance.
Avant ce débat, j’ai signalé aux organisateurs qu’était exclue du débat l’élection décisionnelle, une approche que j’ai développée dans Pour sortir de l’impasse référendaire (2005). J’eus comme réponse qu’elle s’y trouvait dans l’exposé de Sacha-Alexandre Gauthier. Or, son exposé ne fit pas écho à ce type d’élection plébiscitaire, avec pour thème l’indépendance et lors de laquelle il y a une majorité des votes exprimés en sa faveur et élection d’une majorité de candidats indépendantistes dont le mandat est de procéder.
Je ne l’ai pas rappelé. J’ai fait plutôt écho à un échange avec Jacques Parizeau lors duquel, sourire au visage, il m’a dit qu’« avec une double majorité on serait en Cadillac ». Robert Laplante confirma que c’est le scénario idéal. Sacha-Alexandre Gauthier, que l’élection suffit Louis Bernard que les sourires de monsieur Parizeau ont toujours eu quelque chose d’énigmatique sans faire écho à la Cadillac.
Pourtant, cette approche crée, par voie électorale, une nouvelle autorité sur le territoire du Québec dont la légitimité découle du mandat démocratiquement exprimé aux élus de bannir l’autorité que le Canada présume détenir. Avec un tel mandat, comme l’a rappelé Louis Bernard en écho au référendum, des intervenants externes et internes et des pressions diplomatiques se manifesteront pour inciter les opposants à trouver un terrain d’entente sur la succession des pouvoirs et la période pour faire les ajustements en conséquence en recourant, le cas échéant, à un arbitrage international reconnu pour les dossiers où il y a mésentente.

Je n’ai pas eu l’occasion d’exposer ce point. Non plus de dire qu’il légitime des gestes éventuels de ruptures en cas de tergiversations, contribuant à élargir la portée du concept d’effectivité, deux points dans les exposés de messieurs Gauthier et Laplante qui manquent de légitimité sans l’appui majoritaire du peuple québécois, une condition que j’estime incontournable, comme Louis Bernard, pour procéder qui a l’avantage d’éviter un blocage après un référendum.


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3 commentaires

  • Robert J. Lachance Répondre

    14 mars 2016

    Merci pour ce compte-rendu compréhensif qui m’initie à l’importance du concept d’effectivité.
    Je comprends que [Louis Bernard->https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Bernard_(homme_politique,_1937)] préfère un référendum à question simple ou double à une élection à double propos. Moi aussi : c’est une chose que de choisir un représentant de circonscription et un premier ministre, et une autre que de choisir la dimension géographique de son territoire politique.
    Je note qu’il n’est pas du même avis que Jean-François Lisée qui voit l’opportunité d’une entente préalable avec le Canada pour la tenue du référendum, comme en Écosse, sans doute suite aux résultats de ce sondage qui date de 2011.
    Je pourrais changer d’idée le cas échéant si 60 % des gens du territoire en question à un sondage, moins de 18 ans inclus, par procuration bien entendu si jugé nécessaire par des parents, sans égard à leur choix pour parti, répondaient dans l’ordre oui et non aux deux questions suivantes :
    1 - Voulez vous que le Québec gradue de province à pays ?
    2 - Voulez-vous que le Québec demeure une province ?
    Une voix - Brièvement, c’est quoi l’effectivité ?
    Larousse - Principe de droit international suivant lequel une situation n'est opposable aux tiers que si elle présente un degré suffisant de réalité. (L'effectivité est le critère essentiel de l'occupation d'un territoire, une condition d'opposabilité de la nationalité [notamment dans les cas de naturalisation] et de validité de la reconnaissance d'État.)
    Une voix - Mince !
    Une autre - Plus longuement, c’est quoi l’[effectivité->] ?
    Canada, [Bureau de la traduction->http://www.btb.termiumplus.gc.ca/tpv2guides/guides/juridi/index-fra.html?lang=fra&lettr=indx_catlog_e&page=9VHDMUrcb--M.html Bureau de la traduction»
    ]. À propos de la formation d’un État, la notion d’effectivité entretient un rapport avec la réalité de pouvoir et la réalité de l’indépendance. Dans quelle mesure un gouvernement effectif s’est-il établi sur le territoire que revendique l’État prétendu et a-t-il réussi à détacher effectivement ce territoire de toute autorité étrangère?…

  • Chrystian Lauzon Répondre

    12 mars 2016

    M. Bariteau,
    Re-précisions: les blocages-bloqueurs sont d’abord dans et à la tête du PQ - et par derrière!
    1- C’est évident que Robert Laplante devrait remplacer (déjà depuis un cr… de bout) Raymond Archambault à la présidence du parti, petit roitelet beniouioui d’animateur à la voix radio-canadiste, mais sans la voie-x de la Cause – c’est Archambault qui reprit les velléités de coalition indépendantiste de Marois : il reprit le vieux credo des Pet-en-Quistes (méprisant les Bourgault et Chartrand) « sans le PQ, point de salut! ». Il crie maintenant : vive la social-démocratie (néolibéraliste) du PQ! Que fait-il encore là? Que du carriérisme jonction entre les néolibéraux et les socio-démocrates réels du parti. Voilà tout. De l’opportunisme politique vous dis-je.
    2- L’effectivité de facto, c’est dans chaque dossier qu’elle s’exprime ou pas. Perroquetter sans réfléchir « cela relève du pouvoir fédéral, ON n'y peut rien! », c’est déjà n’y rien comprendre du tout en « praxis » de l’exigence de la Cause, car tout relève d'abord du pouvoir souverain du peuple : penser « coups de forces » est contraire à parler par soumission de conditionnement mental à répétition de colonisé, la présence stratégique est niée par l’absence d’esprit. Prioriser les intérêts du privé (pression obscurantiste fédéraliste-lobbyiste de coulisses au PQ) sur ceux publics et collectifs du peuple (social-démocratie de fait), c’est aussi rien comprendre entre république d’État-nation et État néolibéraliste : la grande division hiérachique intestine nuisible et non collégiale au PQ. Et c’est le malheur de PKP pris avec ces clans, réalité reflétée dans pratiquement tous les dossiers : son éternel « oui et non » de déparlage ou d’énonciation molle. Cette pensée néolibérale qui fait dans le faux social-démocratisme de ralliement nuit à l’appui « de facto » rassembleur du peuple sous chaque dossier. Ce qui explique pourquoi PKP n’est pas radicalement contre, ni Énergie Est, ni Anticosti : plaire au privé et aux milieux d’affaires, y compris les multinationales. C’est un tort flagrant fait à la Cause… du peuple : son indépendance doit primer sur toute dépendance… d’affaires et d’affairistes! C’est le fond de la querelle entre PKP et Martine Ouellet, à l’évidence sur la question écologique. Mais que dire sur la question de la migration massive, tenue sous silence au PQ et PKP?
    3- L’indépendance, de facto, et non théoriquement, ne se fera pas par une revue, même en s’appelant « L’Action » nationale. La seule « Action » nationale (faite par le peuple pour le peuple) de fait que j’ai vue de mon vivant récemment (2012, déjà passé) au Québec, ce fut le Printemps érable : révolution éteinte par Marois et ses alliés néolibéralistes fédéralistes. Désolé et désolant! Un peuple analphabète à 47 % et plus, sans fenêtre médiatique apte à l’éduquer sinon l’informer pour vrai un minimum politiquement, ne peut accéder à une conscience unitaire réelle de sa valeur visant libération de ses moyens de l’emprise de l’Empire fédéraro-monarcho-desmaraisque britannico-Anglais;
    4- Toute indépendance est nécessairement un coup de forces : sortie d’une cadre par l’imposition d’un autre le niant radicalement et le dénonçant comme oppresseur, négateur de pouvoirs réels (voir Derrida sur l’indépendance américaine). Pire : la guerre aux Québécois-Français est désormais génocidaire via l’assimilation massive par l’immigration haussée à 60 000/an arrivants, tendance syrienne islamisée, par les couillardins saoudiens libéraux. S’ajoute à ce génocide une islamisation galopante de l’État au détriment de toute laïcisation d’origine (républicaine);
    5- Toute démocratie n’est toujours déjà « qu’à venir » (concept développé aussi par Derrida), relative à une marche de fait incessant de l’humain comme des peuples pour leurs droits contre le néolibéralisme, ses prédateurs, oligarques et banquiers associés, écrasant et mondialistes destructeurs de nation. Seuls des rêveurs, faux géopoliticiens, ou des péquistes à mentalité locale ou de Québec profond, insouciants des traités internationaux défrontiarisant, peuvent croire être en « démocratie » de facto. Le démembrement de l’État québécois par les libéraux couillardo-saoudiens au pouvoir, n’a rien de démocratique. Tout comme leur vision du féminisme n’a rien « d’égalité des droits » – et que dire des institutions gouvernementales islamisées représentant non pas les femmes, mais d’abord les « accommodementeurs » multiculturalistes incessants et théocrassistes!
    L’efficience politique de fait, n’est qu’une immense déficience divisante, tant au micro-PQ qu’au niveau « macro-politique » et multipartiste du revient au Même: intérêt privé privatisant pancanadian du Québec.
    Et le PQ prétend donner de la formation? Charité bien ordonnée devrait commencer par ses zélu.es islamophilisants! Et il fait même une collecte de fonds pour un musée dédié à Lévesque en valorisant la participation d’argent des Desmarais pour la promouvoir! Auprès de quels péquistes, ses néolibéraux et fédéralistes infiltrés? Comme militant, je trouve cela très "dégradant" et démotivant, tant pour moi que pour la Cause, pas vous? Non, mes sous et ceux des Desmarais, ça n’a pas la même valeur, ni le même sens… d’indépendance! N'en déplaise à Landry et ses amis! Pas pour vous?
    À « À qui profite l’État? » il faudra se questionner « sérieusement » face aux exigences SEULES de la Cause : à qui profite le PQ?... car que la Cause ne profite d’abord en priorité qu’au peuple ne semble pas du tout évident pour aucun parti politique ou élu.e au Québec! Vous ne trouvez pas?
    À quand une collégialité stratégique non-élitiste axée de facto sur Cause? C'est d'abord le pouvoir pour vrai, le Vrai, que veut le peuple! pas de l'arme désormais libérale appelée "référendum"-suicide collectif.

  • Jean-Claude Pomerleau Répondre

    11 mars 2016

    L'incontournable principe d'effectivité (géopolitique 101)

    Ce principe pourtant fondamental est absent du mouvement souverainiste depuis le début. Simplement dit, il ne s'agit pas seulement de prendre une décision, il faut surtout la rendre effective sur le territoire et la faire reconnaître à l'international,
    Ces deux conditions d'un changement de statut du Québec, de province à État souverain, ont été rappelé par « Malcolm Rifkind, ministre britannique des Affaires étrangères (tel que rapporté par Frédéric Bastien. Auteur de La Bataille de Londres) :
    «... à l'époque du référendum de 1995. Il m'a affirmé que Londres aurait reconnu une indépendance québécoise agréée par Ottawa. Je lui ai demandé si son gouvernement aurait reconnu une victoire du oui, même serrée, alors que nous savons aujourd'hui que les fédéraux auraient refusé un tel résultat. Sa réponse a été claire. Londres reconnaît les nouveaux États dans la mesure où leur gouvernement exerce «de facto le pouvoir» et dont «le statut international... n'est pas contesté.»
    http://www.lapresse.ca/debats/votre-opinion/201307/24/01-4673862-histoire-a-leau-de-rose.php
    La raisons de cette absence de ce principe d'effectivité,pourtant fondamental, tient au fait que le projet a été inscrit depuis le début dans le registre de l'idéal plutôt que celui de la realpolitik.
    L’exposé de Sacha-Alexandre Gauthier ramène ce principe dans le débat : «,...l’accès au statut de pays indépendant repose sur l’effectivité de facto, celle-ci était plus importante que la reconnaissance de l’État-souche » ....Exposé qualifié de théorique par Louis Bernard.
    Rien n'est plus concret que l'incontournable principe d'effectivité qui relève de la géopolitique, la discipline qui fait de l'État l'objet premier de son étude.
    M. Louis Bernard soutient que la décision dans le Renvois à la Cour Suprême (1998) force les parties à négocier, ce qui rend une entente avec Ottawa (du type de celle d’Édimbourg en Écosse) (1) garantissant l'effectivité de la décision du Québec moins pertinente. En tout respect, c'est une erreur d'appréciation :
    La décision de 1998 suppose des préconditions (majorité et question claires) qu'Ottawa refuseraient de reconnaître. Et s'il le faisait, dans le cadre de la doctrine constitutionnelle canadienne, le processus serait long et compliqué, sans aucune garantie de résultats. Ce qui forcerait l'UDI et le retour au principe d'effectivité.
    Depuis le début, le postulat du mouvement souverainiste est que le Canada est un État démocratique idéal. Or il n'en est rien. Et le défi de rendre effective une déclaration de souveraineté demeure entier. Et pour le relever il faut sortir du déni de la réalité et fonder notre stratégie sur une compréhension très rigoureuse de l'incontournable principe d'effectivité

    JCPomerleau
    (1) - La leçon écossaise
    http://vigile.net/La-lecon-ecossaise-53093
    - La leçon écossaise (suite)
    http://vigile.quebec/La-lecon-ecossaise-suite