Depuis l’ère Trudeau-père, la réversion du Québec est en cours. Assise de la gouvernance du PM Couillard, elle trempa dans la corruption sous le PM Charest après l’ère du PM Chrétien. Réactivée par Trudeau-fils, son objectif est parachever les corrections enclenchées par le paternel à l’impair de Pearson en 1962, qui fit dériver la construction nationale du Canada.
Cette réversion entend remettre sur rail l’alignement du rapport de la Commission Rowell-Sirois (1940). Commandé après la reconnaissance de la souveraineté du Canada par le Statut de Westminster (1931), son contenu fut renforcé par le transfert d’impôts des provinces au Canada lors de la Deuxième Guerre mondiale.
Pour les bâtisseurs du Canada, le retour en 1962 d’impôts au Québec fit tout dérailler. S’ils l’acceptèrent un temps, ce fut pour éviter que le peuple du Québec accède à l’indépendance au moment où l’accession à ce statut était promue aux Nations Unies. Aussi leur était-il primordial de colmater le plus rapidement possible cette brèche.
Dès son élection au PLC en 1965, Trudeau-père fut le concepteur, le promoteur et l’architecte du frein à la révolution tranquille. Élu PM du Canada en 1968, il s’oppose à toutes revendications du Québec et, au référendum de 1980, met sa tête sur le billot pour sauver le Canada. S’inspirant des politiques déployées après l’écrasement des Patriotes en 1838, il prône des percées dans les programmes québécois, revoit la constitution, la rapatrie et impose son ordre canadien au peuple québécois.
Le « beau risque » du PM Lévesque après le refus de son parti de modifier le mode de scrutin et l’approche du PM Mulroney mêlent un temps les cartes. Le référendum de 1992 qui en découle finit en queue de poisson et celui de 1995, qui s’inscrit dans un contexte favorable, celui de Meech et de l’ALE, est non concluant.
À Ottawa, ébranlé, le PM Chrétien relance le plan de Trudeau-père avec pour mission de ramener le Québec dans le giron canadien en le découpant en groupes s’opposant les uns aux autres. Les percées antérieures sont alors suivies de retraits auxquels s’ajoutent des coupes conjoncturelles et plusieurs programmes canadiens structurants.
En 2003, monsieur Canada-1995 devenu PM du Québec active cette réversion au sein des institutions québécoises, à laquelle contribuent un endettement débridé, une corruption généralisée et un déficit de la Caisse de dépôt et de Placement du Québec (CPDQ).
Ces opérations terminées, faire table rase et réaménager le terrain à la canadienne deviennent les priorités. Au Québec, un virtuose du scalpel, le PM Couillard, en a la responsabilité ; au Canada, elle revient PM Trudeau-fils, spécialiste en mise scène. Leurs partis associés, ils s’animent à terminer l’épuration du Québec pour y enraciner le Canada.
Ça se déroule sous nos yeux. En témoignent les ventes d’entreprises, les coupes ciblées, les lois de concordance (visage découvert), la tenue en duo de conseils des ministres du Québec et de l’Ontario, l’aval de l’accord économique et commercial global (AECG) sans que le Parlement du Québec ait dit son mot et le projet Énergie-Est dont la décision sera celle du Canada.
Tous les dossiers importants sont abordés de la même façon. Alors que le PM Couillard s’exécute, le PM Trudeau-fils surfe en attente de son entrée en scène, question de redorer son image avant d’imposer sa vision d’un pays post-national conçu par son paternel.
Dans ce processus, qui est à l’étape finale, le PM Couillard répète à n’en plus finir que l’indépendance isolera le Québec du monde puis dit et redit que tenir un référendum est l’obsession des indépendantistes, un argument-choc inventé par John Parisella, ancien bras droit de Robert Bourassa.
De son côté, le PM Trudeau-fils claironne partout que le Canada est un pays ouvert, généreux et envié, qui permet au peuple québécois de s’ouvrir au monde alors qu’il entend l’enfermer dans le Canada. Après le minage des institutions ayant permis le développement de liens entre Québécois et Québécoises de toutes origines, pour lui et ses stratèges, il s’impose que ces derniers se redéfinissent en sujets canadiens avec, pour référents, leurs isolements ethnoculturels dans un pays bilingue et post-national où règne le monarchisme constitutionnel.
Sans cette intériorisation, ils craignent que les Québécois et les Québécoises pourraient adhérer à un projet d’indépendance basé sur une conception égalitaire des habitants du Québec, qui ferait valoir le patriotisme manifeste en 1834 et au début de la révolution tranquille, mais surtout leur volonté de contrôler leur avenir.
Là se trouve la crainte existentielle du PLC, qui a tout de celle qu’eurent en 1836 les opposants au Parti patriote. Elle a tellement animé Trudeau-père qu’il lui fut impossible de voir autre chose qu’un affront à la civilisation dans le référendum de 1980. C’est cette crainte qui anime l’approche canadienne depuis 1867 comme celle des Britanniques après l’Acte de Québec.
On la retrouve dans les politiques de ce pays à l’égard du Québec depuis 1965. Elle anima les PM Turner, Chrétien et Charest et anime aujourd’hui le PM Couillard et le PM Trudeau-fils, parce que, tous, ils ont du Québec et du Canada la lecture de Lord Durham. Pour eux, il est inacceptable que le peuple québécois, gens de toutes origines dont le Québec est leur patrie, se crée, fasse la promotion d’un « vivre ensemble » autre que canadien et s’exprime sur la scène internationale.
Tous formés à penser le contraire et à gagner leur vie à persuader qu’ils ont raison, ils s’acharnent depuis 1965 à dénouer les liens construits dans le sillage de la révolution tranquille. Leur objectif vital est d’imposer l’ordre canadien, qui implique d’empêcher toute démarche politique qui mène à l’indépendance du Québec, car leur projet frapperait un mur.
Aujourd’hui, ils ciblent les jeunes et les gens de l’immigration, aussi la classe moyenne, tous des alliés recherchés, qu’ils veulent transformer en leurs agents. Quant à leurs opposants, ils les voient comme Georges-Étienne Cartier les a vus en 1867, en autant de canailles, terme qu’il utilisa pour qualifier les patriotes d’origines diverses qui ont quitté le Québec entre 1838 et 1867.
Si les promoteurs de l’indépendance ne comprennent pas que les patriotes de toutes origines sont les véritables promoteurs du pays, mais aussi les cibles des dirigeants canadiens, le pays du Québec demeurera un rêve. Oui, un rêve, parce que créer un pays n’est pas l’affaire des parlementaires, mais celle du peuple et ces promoteurs sont des membres actifs du peuple québécois. Et, pour qu’ils se mobilisent pour créer le pays, il faut un projet qui assure que le peuple contrôlera le pouvoir et en définira les contours.
Pour que ça se produise, il faut penser un régime politique sous le contrôle du peuple, ce qui déborde le mode de scrutin. Surtout qui mobilise l’énergie créatrice de ces promoteurs pour faire face à celle des opposants hors du Québec qui se retrouvent au Québec. Qui ouvre la porte à une révolution citoyenne sur le territoire du Québec.
Penser ainsi, c’est penser la nation québécoise celle du pays à naître plutôt que de la présumer existante. S’y refuser, c’est refuser de vivre avec tous ceux et celles qui ont fait du territoire du Québec leur patrie. Dit autrement, c’est préférer que les Québécois et les Québécoises soient des exilés au Québec, ce qu’a toujours voulu la Grande-Bretagne, aussi le Canada depuis 1867, encore plus depuis 1965.
Claude Bariteau, anthropologue
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5 commentaires
Archives de Vigile Répondre
11 décembre 2016«Bravo, M. Bariteau, »
Toute notre histoire condensée en si peu de mots et si clairement décrite.
Ce texte devrait être publié, affiché partout, dans tous les milieux, dans toutes les circonstances, répété et répété jusqu'à ce que tout le monde le connaisse par coeur.
C'est seulement ainsi que l'on peut espérer renverser l'opinion publique ramonée sans cesse par les tenants du pouvoir.
Jean-Luc Gouin Répondre
22 novembre 2016Quand s’ouvrir l’esprit signifie s’ouvrir les veines
Évitant tout à la fois l'excès par-devant et la (l'auto-) complaisance par derrière, votre analyse se révèle terriblement juste.
Aussi reconnaissance à vous pour ce geste scripturaire lumineux de clarté, M. Bariteau.
Qui ne trouvera pas même grâce, parions-le, dans ce Devoir des Bryan Myles et des Luce Julien désormais plus «provincial» que jamais (ce vocable avilissant à lui-seul - c’est Benoît Aubin [JdM] et toutes les radios-poubelles de même fragrance qui doivent exulter - s’y exhibe maintenant copieusement partout en ses pages).
Plus que jamais, dis-je? À tout le moins depuis l'ère Benoît Lauzière.
La déliquescence tranquille jusqu’à ce que mort - Ô paix, sainte paix - s’ensuive ?
Et ce par présumée ouverture d’esprit, pour le coup trépanée par la plus aveugle des rectitudes politiques — aux antipodes, en un mot, d'une intelligence citoyenne minimale conjuguée, comme il se doit chez tout être digne, au plus élémentaire sentiment de Soi.
Les Québécois. Le seul Peuple, à ma connaissance, empressée de disparaître.
Par «respect» de l’Autre.
La Bêtise dans les habits de la Névrose.
Collective.
Avec la bénédiction caducéenne — le déchiqueteur du tissu sain appuyé ici au bras du crime anesthésiant — des médecins en exercice.
J.-L. G.
François A. Lachapelle Répondre
21 novembre 2016Oui au contrôle du Québec par les Québécois avec par exemple des États généraux virtuels pour se pencher sur une multitude de sujets socio-politico-arto-économicaux qui bougent dans la société du Québec.
Je n'ai pas les connaissances techniques pour élaborer une structure fluide et mobile. D'autres sont capables.
En revenant à votre texte, je tiens à dire que j'aime beaucoup votre démonstration.
Le pays du Québec est très riche selon les termes de la géographie physique et de la géographie humaine. Évidemment, le discours et le mentalité de l'austérité incarnés par l'équipe de Philippe Couillard est un contre-sens, une offense à la réalité, une usurpation de mercenaires.
Il est dommage que les Québécois ne soient pas plus convaincus de leurs capacités et de leur créativité en faveur de l'organisation du Pays du Québec. Même si le pays n'est pas un fruit mûr et qu'il faille développer encore nos moyens parce qu'il reste tant à faire ( ex: le décrochage scolaire est une honte mais un signe de notre civilisation matérialiste; ex: le climat de travail dans nos hôpitaux alourdi par nul autre que le Dr Barrette béni par le Dr Couillard; ces messieurs sont totalement inadéquats, une honte pour les fonctions qu'ils occupent. Il faut relire le serment d'Hippocrate.
Je ne résiste pas à citer cet extrait dudit serment: « Je dirigerai le régime des malades à leur avantage, suivant mes forces et mon jugement, et je m'abstiendrai de tout mal et de toute injustice. Je ne remettrai à personne du poison, si on m'en demande, ni ne prendrai l'initiative d'une pareille suggestion ; semblablement, je ne remettrai à aucune femme un pessaire2 abortif. Je passerai ma vie et j'exercerai mon art dans l'innocence et la pureté.»
En conclusion: le Québec est une beauté et une grandeur de la nature et les Québécois qui habitent ce pays de géants peuvent et doivent se réaliser à la mesure de leur pays à protéger contre les spoliations de toutes sortes. Cela seul fait trembler le Canada qui ne peut pas se définir "sans le Québec".
Merci Claude Bariteau pour votre pensée fondatrice du Québec de 2016-2017. Jean-François Lisée devrait vous lire et y brancher ses conseillers.
Marcel Haché Répondre
21 novembre 2016Il n’y a pas une seule ligne de votre texte avec laquelle je suis en désaccord, Claude Bariteau, pas une seule ligne.
Je crois que Claude Morin aurait pu écrire quelque chose de semblable à ce que vous écrivez. Pour Nous sortir de l’isolement politique dans lequel le fédéralisme canadien s’emploie à Nous « contenir » depuis au moins le début de la Confédération, Claude Morin a avancé cette thèse que Nous devrions (et qu’il suffirait) de passer par référendum. C’était habile, très habile, mais cela n’a pas marché à la fin.
C’est mon opinion (modeste) qu’il faudra revenir à la détermination de Camille Laurin plutôt que de continuer avec l’habileté de Claude Morin, c’est-à-dire qu’il faudra affronter résolument le West Island. Si et seulement si au gouvernement…
Il est remarquable, en effet, que c’est du Québec même que proviennent les partisans les plus fanatiques du Canada des « canadiens et des canadiennes ».
Le West Island existe depuis longtemps. Il parle aussi français. Il compte sur un redoutable électorat, qu’il peut affoler d’autant plus facilement qu’il s’agit d’un électorat anti-Nous
Archives de Vigile Répondre
21 novembre 2016C'est triste de savoir que nous décidons de rien au Quebec.
Par contre je suis positive dans un dossier, même si la décision est Fédéral.
Energie est c'est NON, les premières Nations et autres ne laisserons pas faire ça.
Je crois également que notre première opposition ou révolution va être avec ce dossier.
LE PÉTROLE NE PASSERA PAS SUR LES TERRES DU QUEBEC ET SES EAUX.
Enfin........