RÉSUMÉ des 7 points que nous voulons démontrer dans le texte suivant.
1 - L’une des principales différences entre les sociétés tolérantes et les
sociétés intolérantes est la présence de l’HABITUDE de la critique dans
toutes les couches de la société. Plus l’éducation est répandue dans une
société, plus chacun a l’habitude de se faire critiquer. Sans l’existence
de cette habitude dans chaque milieu social, les germes de l’intolérance
tendent à se développer.
2 - L’éducation est l’institution la plus importante d’une société
démocratique.
3 - Deux conditions devraient être remplies pour qu’une hausse des frais de
scolarité puisse être dite « nécessaire ». D’abord, il faudrait que les
universités manquent réellement d’argent. Ensuite, il faudrait qu’aucun
autre mode de financement ne soit préférable. Aucune de ces conditions
n’est remplie.
4 - Les universités québécoises actuelles ne sont pas sous-financées. Elles
ne manquent pas d’argent. Comme elles ne manquent pas d’argent, aucune
hausse des frais de scolarité ne saurait être « nécessaire ».
5 - En France, les frais d’inscription sont de 174 euros (env. 250$) PAR
ANNÉE (au Québec, une année universitaire coûte actuellement 2168$, et
coûterait 3800$ avec la hausse prévue). En Allemagne, l’université est
gratuite. Au Mexique, l’université est gratuite. En Finlande, en Norvège,
en Irlande, en Islande, en Pologne, l’université est gratuite.
6 - Il faut noter que dans tous ces pays, le gouvernement (ou le
contribuable) paie moins cher pour les universités que nous ne le faisons
ici. Vous voyez la contradiction? Tout en payant moins cher que nous ne le
faisons, ces Etats offrent une université gratuite! Manifestement, nos
universités gèrent mal leur argent. - Vous saviez que même le Parti Libéral
de l’Alberta défend la gratuité scolaire, et qu’il la promet aux Albertains
s’il est élu aux prochaines élections?
7 - Plusieurs sources de financement n’ont aucun des nombreux effets
nuisibles d’une hausse des frais de scolarité.
DEVELOPPEMENT
Points 1 et 2 :
Les Québécois se disent ouverts, tolérants. Rien n’est parfait, bien sûr,
mais nous sommes fiers de ces caractéristiques qui nous définissent. Nous
sommes moins racistes que nos ancêtres, nous acceptons davantage
l’homosexualité, les femmes sont de plus en plus considérées à l’égal des
hommes, les patrons ne traitent plus leurs employés selon leur bon plaisir,
nous ne pensons plus que les athées sont inspirés par le diable, nous ne
voyons plus « le malin » dans ce qui nous fait peur, nous ne brûlons plus
les hérétiques.
Est-ce que ce n’est pas à l’éducation que nous devons tout cela? Une
société éduquée n’a-t-elle pas moins de chances de tomber dans ces excès
dangereux? Cependant est-ce quelque chose d’« acquis » pour toujours? Qui
croit réellement que notre « nature », notre biologie, nos « gênes » se
sont transformés?
A notre avis les germes de l’intolérance (voire du fanatisme) sont présents
en chacun de nous, et dans certaines conditions ils peuvent se développer
très rapidement.
Chacun ne peut-il pas les repérer en lui-même? N’avez-vous pas déjà été
fâché (très fâché) qu’on vous contredise? Ne vous est-il pas déjà arrivé
d’en vouloir fortement à celui qui vous montrait que vous aviez tort? Ne
l’avez-vous pas même détesté, peut-être? Ne vous êtes-vous pas déjà mis en
colère parce que quelqu’un ne voulait pas faire « comme vous » ou « comme
tout le monde »? Tant que ces sentiments sont maîtrisés, ils restent peu
violents. Mais on n’acquiert la capacité de les maîtriser que par
l’habitude de la discussion critique. Pour que la discussion soit
réellement possible, il faut que de multiples opinions différentes puissent
coexister ET entrer en discussion critique. Plus les gens d’une société
acceptent de se faire critiquer, moins l’intolérance et le fanatisme ont de
chances de se développer.
Et l’éducation critique, est-ce qu’elle ne se fait pas essentiellement par
l’intermédiaire de disciplines comme l’histoire, la politique,
l’anthropologie, la sociologie, la philosophie? Les idées que nous
entendons, que nous lisons, qui interviennent dans les films, les débats ou
les reportages à la télévision, est-ce qu’elles ne sont pas influencées,
d’une façon ou d’une autre, par l’étude de ces disciplines?
Une hausse des frais de scolarité détournerait les jeunes des études en
sciences humaines. Plus les universités sont chères, moins les jeunes
étudient dans des disciplines qui, considérées à tort comme inutiles, ne «
rapportent » généralement pas beaucoup. Plus les universités sont chères,
plus les étudiants de sciences humaines sont des enfants de familles
riches.
Les effets nuisibles d’une telle situation n’apparaîtraient pas «le
lendemain» d’une hausse des frais de scolarité, bien sûr. Mais les sociétés
sont toujours en mouvement, elles bougent, elles se transforment. Quand
l’étude des sciences humaines est le privilège d’une minorité de gens, la
qualité des revues, des reportages, des débats, des discussions diminue
progressivement (et donc l’habitude de la critique dans la population en
général). Les riches commencent à avoir accès à des connaissances que les
autres n’ont pas. La société tend à se diviser en groupes qui se referment
sur eux-mêmes. La minorité tend à devenir arrogante, à penser qu’elle a
toujours raison, et donc à ne plus accepter la critique. Conséquence :
chacun a moins l’habitude de la critique, et donc les riches comme les
pauvres tendent à devenir intolérants (voire fanatiques). Un regard sur
l’histoire humaine suffit à confirmer ce fait.
L’étude des sciences humaines ne doit donc jamais être le privilège d’une
minorité. Les idées doivent circuler, être mises en discussion, ne pas
rester enfermées dans des livres, contribuer à faire naître de nouvelles
idées, habituer chacun à la critique.
Or qui étudierait en sciences humaines, en philosophie, en arts, avec des
frais de scolarité de 4000$ par année (frais afférents compris), s’il n’a
pas la chance d’avoir des parents riches? Il est facile de deviner que
beaucoup de jeunes décideraient de faire d’autres études.
Autres points
Nous disions que deux conditions pourraient rendre « nécessaire » une
hausse des frais de scolarité. Déjà, il faudrait que les universités
manquent réellement d’argent. Or si tout le monde a longtemps cru que nos
universités étaient sous-financées, on sait maintenant que ce n’est pas le
cas.
Preuve. Les universités sont financées principalement par les
gouvernements. Or seuls deux gouvernements, parmi les pays de l’OCDE,
donnent plus d’argent à leurs universités que le Québec. (Voir les chiffres
du Ministère de l’Education lui-même ici : La dépense globale des
universités par rapport au PIB, http://tinyurl.com/7q8dl7w, données mises
en évidence par l’Iris.)
S’il n’y a que 2 pays, sur les 34 pays de l’OCDE, à financer davantage
leurs universités que nous (les Etats-Unis et la Corée-du-Sud), la
conclusion est claire : nos universités ont déjà assez d’argent. Rien ne
justifie donc une hausse des frais de scolarité du point de vue
économique.
Pourquoi alors le gouvernement Charest tient-il tant à augmenter les frais
de scolarité? Pourquoi, en effet, préférer le modèle anglo-saxon
(universités chères) au modèle européen (universités gratuites ou presque)?
Chacun peut spéculer - reste la conclusion, qui est claire : nos
universités n’ont pas besoin d’argent.
Comment alors prôner une hausse des frais de scolarité, au lieu de demander
aux universités de nous éclairer sur la manière dont elles dépensent
l’argent qu’elles reçoivent?
Depuis quelques années, les universités multiplient les « partenariats »
avec des entreprises. Les entreprises apportent une contribution
financière, mais, bien entendu, elles ne le font pas gratuitement. En plus
de leur fournir des chercheurs peu payés, l’université leur fournit du
matériel (machines, etc.) qui, en plus d’être très coûteux, ne correspond
pas nécessairement au matériel qu’une université aurait acheté en fonction
des besoins de la recherche fondamentale et non de la recherche influencée
(ou dictée) par l’entreprise. C’est aussi cela que le contribuable
finance.
Les universités sont financées en fonction du nombre d’étudiants. Ce mode
de financement les pousse donc à se faire concurrence. Depuis quelques
années, les différentes universités ouvrent des pavillons dans d’autres
villes que la leur, justement, on le devine, pour avoir davantage de «
clientèle ». Ces pavillons, il faut les acheter ou les construire, et c’est
donc le contribuable qui paie pour les nouveaux bâtiments que les
universités se font construire pour avoir davantage de financement… La
plupart des universités européennes ne sont pas financées en fonction du
nombre d’étudiants. L’état évalue leurs besoins et les finance en
conséquence (depuis quelques années, malheureusement, on les pousse à se
mouler sur le modèle américain, mais il reste possible de s’informer sur le
modèle traditionnel).
Nous citions donc la France, où l’université ne coûte presque rien, et
l’Allemagne, le Mexique, la Finlande, la Norvège, l’Irlande, l’Islande ou
la Pologne, qui paient moins cher que nous, pour leurs universités, mais où
l’université est pourtant gratuite.
Comment ces pays financent-ils leurs universités? Nous gagnerions à nous
informer à ce sujet! Ceux qui s’opposent à la hausse des frais de scolarité
proposent d’ailleurs plusieurs suggestions alternatives de financement
(pour montrer que vraiment rien ne justifie cette hausse). Il y a beaucoup
plus de lucidité dans le mouvement contre la hausse des frais de scolarité
que chez les journalistes qui soutiennent toujours le caractère «
nécessaire » d’une hausse des frais de scolarité alors qu’ils devraient
avoir eu le temps de prendre connaissance des faits et des arguments qui
permettent de réfuter cette idée trop simple.
Notons seulement la proposition de la CLASSE. Dans les années 80, le Québec
avait 16 paliers d’imposition, alors que nous n’en avons plus que 3. Des
gens qui ont des salaires bien différents paient donc un même pourcentage
d’impôts. Il suffirait de réintégrer un nombre plus élevé de paliers
d’impôts, 10 par exemple, pour engendrer un revenu supplémentaire de 1.2
milliard de dollars (alors qu’une hausse des frais de scolarité ne
rapporterait que 200 ou 300 millions de dollars). Pour 87% de la
population, une telle subdivision des paliers d’imposition actuels
représenterait une diminution d’impôts, tandis que pour les 13% les plus
riches cela représenterait une petite hausse de 2.3%.
(Selon le Parti Libéral de l’Alberta, le principal obstacle à la
fréquentation de l’université par les Albertains est le coût des études
universitaires. C’est pour cette raison qu’il promet la gratuité scolaire
s’il est élu aux prochaines élections (voir http://tinyurl.com/7m2w4up ou
http://tinyurl.com/6p3463b)).
Isabelle Guay
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --
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