Idées - L'orgue de l'église du Très-Saint-Nom-de-Jésus : un joyau à sauvegarder

Pour qui voudrait en savoir davantage sur l'orgue du Très-Saint-Nom-de-Jésus

Patrimoine Québec


Pour ceux qui voudraient en savoir davantage sur l'orgue de l'église du Très-Saint-Nom-de-Jésus, voici en rappel ma lettre ouverte parue dans la section "Idées" du Devoir, le 25 mai 2010 : L'orgue de l'église du Très-Saint-Nom-de-Jésus : un joyau à sauvegarder.
L'orgue du Très-Saint-Nom-de-Jésus est un instrument exceptionnel à plusieurs égards.
Au début des années 1970, j'étudiais à l'École de musique Vincent-d'Indy à Montréal et je demeurais dans le quartier Maisonneuve, rue Adam, juste en face de l'église du Très-Saint-Nom-de-Jésus, où je dirigeais une chorale d'enfants du quartier que j'avais mise sur pied, enfants que j'initiais à la musique par le chant et la pratique de la flûte à bec.
Ma copine était l'organiste titulaire du Très-Saint-Nom-de-Jésus et étudiait elle aussi à Vincent-d'Indy dans la classe d'orgue de Françoise Aubut-Pratte. Pendant l'année scolaire, je travaillais à temps partiel pour le représentant Casavant de Montréal et à plein temps pendant les vacances d'été. L'orgue du Très-Saint-Nom-de-Jésus faisait partie des instruments que nous entretenions et fut pour moi le premier contact que j'eus avec le métier d'organier.
Alors que j'avais été élevé par un père organiste liturgiste reconnu (cathédrale de l'Immaculée Conception à Trois-Rivières) pour ses connaissances étendues en facture et en esthétique de l'orgue, en plus d'avoir été responsable diocésain pour toutes les questions concernant l'achat et la réfection des orgues en Mauricie pendant vingt-cinq ans, ce travail constituait pour moi un enrichissement extraordinaire compte tenu de la culture organistique dans laquelle j'avais grandi.
Joyau
Il n'y a pas un jeu de cet instrument que je n'aie examiné de très près ni aucune de ses composantes mécaniques que je n'aie pu étudier. Lorsque, plusieurs années après mon passage dans la paroisse du Très-Saint-Nom-de-Jésus, j'appris qu'on allait entreprendre la réfection de l'orgue, je fus ravi de savoir que ce joyau, héritier de la facture et de l'esthétique symphonique françaises, en même temps que marqué par l'esthétique anglo-américaine fort prisée à cette époque, construit en 1915 par la maison Casavant de Saint-Hyacinthe, allait être sauvé de la destruction.
Car il faut bien le dire, l'orgue du Très-Saint-Nom-de-Jésus est un instrument exceptionnel à plusieurs égards. Au moment de sa construction, portant le numéro d'opus 600, il était le sixième orgue en importance en Amérique du Nord et le plus imposant à Montréal. Son superbe buffet, disposé de chaque côté de la rosace du deuxième jubé, et son écho, installé au fond du choeur, furent dessinés par l'architecte Joseph H. Caron et réalisé par la compagnie Louis Caron et fils de Nicolet. Sa tuyauterie de façade et le buffet furent peints sur place par Toussaint-Xénophon Renaud, maître d'oeuvre de la décoration de l'église.
Jeux de détail
Tel que je le connus dans les années 1970, il était composé de 91 jeux répartis sur quatre claviers. 71 jeux constituaient l'orgue principal situé au deuxième jubé et 20 jeux constituaient l'orgue de choeur que l'organiste faisait sonner à partir du quatrième clavier (clavier solo) de la console du jubé, désigné par le terme « écho » dans son lien avec l'orgue de choeur. Tous les jeux d'anches de l'instrument sont de facture française et au clavier de « récit », on trouve même un authentique jeu de hautbois Cavaillé-Coll. Cavaillé-Coll fut le plus grand facteur d'orgues du XIXe siècle et donna ses lettres de noblesse à l'orgue symphonique.
Chaque clavier est doté d'une batterie d'anches de 4, 8 et 16 pieds, le pédalier disposant même d'une contre-bombarde et d'une flûte ouverte de 32 pi. En facture d'orgue, on mesure en pieds depuis plusieurs siècles. Pour qui ne saurait pas ce que cela représente, disons que le plus petit tuyau de l'instrument fait environ un demi-pouce de hauteur pour son corps raisonnant, et le plus imposant, trente-deux pieds.
Certains jeux de détail, tels la Flûte double du clavier de « grand-orgue », le Bourdon du clavier de « positif », la Musette du clavier « d'écho » et maints autres, sont particulièrement représentatifs de l'art de Casavant au début du siècle dernier. Aucun instrument, que ce soit à Montréal, au Québec, au Canada et même en Amérique du Nord, n'est plus représentatif de la perfection technique dont la maison Casavant était capable au début du XXe siècle.
La console de quatre claviers dont il est doté est une merveille du point de vue artisanal. Elle est faite d'acajou massif, et les quelque cent tirasses de jeux en boutons disposés en amphithéâtre de chaque côté des claviers sont faites de bois d'acajou et d'ébène dans lesquels sont encastrées des plaquettes d'ivoire sur lesquelles les noms des jeux leur correspondant sont écrits en lettres gothiques rouges ou noires selon les claviers ou les fonctions qui leurs correspondent. Les touches des claviers en ivoire étaient fabriquées chez Casavant et même après bientôt un siècle, elles sont en parfait état de conservation.
Instrument patrimonial
Tous les organistes qui ont joué sur cet instrument ou qui ont donné des récitals au Très-Saint-Nom-de-Jésus sont unanimes et en parlent comme d'un véritable joyau de la facture d'orgue romantique. Nous sommes donc loin de parler de « chats de ruelle à la défense desquels on ne peut se porter ». Nous parlons d'un instrument patrimonial, sis dans une église qui mérite à tous égards d'être reconnue « patrimoniale ».
Plus de 650,000 $ ont été investis dans la réfection de l'orgue du Très-Saint-Nom-de-Jésus et 500,000 $ autres suffiraient pour régler les problèmes auxquels fait face le comité pour sa sauvegarde : soit 100,000 $ pour chauffer l'édifice pendant un an afin de sécuriser les grandes orgues et les oeuvres d'art, 100,000 $ pour effectuer des travaux d'entretien d'urgence et 300,000 $ pour consolider la façade afin de rouvrir l'église, interdite d'accès. Tout cela, le temps que soient étudiés divers projets de conversion, dont celui d'un musée de l'orgue et d'une bibliothèque pour enfants.
Laisserons-nous encore une fois un gouvernement incompétent et insensible à la conservation du patrimoine religieux nous déposséder d'un bien aussi précieux ? Bien au-delà du patrimoine religieux, il y a aussi le patrimoine artisanal et artistique d'un des plus grands facteurs d'orgues au monde, dont le nom et le savoir-faire ont fait et continuent de faire la réputation du Québec sur les cinq continents.
Il en va aussi du respect des citoyens et des générations de citoyens du quartier Hochelaga-Maisonneuve qui se sont donné cette église, les oeuvres d'art qui la décorent et son orgue. Il en va finalement du témoignage culturel qu'incarne l'église du Très-Saint-Nom-de-Jésus et des richesses patrimoniales qui en découlent.
Ne laissons sous aucun prétexte une telle monstruosité advenir.
Claude G. Thompson


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3 commentaires

  • Marcel Haché Répondre

    5 mars 2013

    Ce matin, je lis que l'archevêché reprend du poil de la bête,que son coeur s'est remis à battre.
    Tout n'est pas perdu.Je suis bien content.
    Marcel Haché

  • Jacques Bergeron Répondre

    26 juillet 2010

    Puis-je vous remercier de nous avoir permis de lire cet article. Comme la plupart des «catholiques» et les autres personnes désireuses de conserver ce lieu «historique», je regrette que Mme la ministre ne puisse dépasser son inimitié envers les concitoyennes et les concitoyens de l'ancienne circonscription de Mme Harel. Au-delà de cette décision disgracieuse d'une représentante d'un gouvernement qui devrait «agir» comme protecteur et promoteur de l'histoire de notre nation,notre Église montréalaise et ses représentants devraient savoir que l'église(édifice) du Saint-Nom-de-Jésus,comme toutes nos églises ont été payées par les paroissiens! Dans ce sens, on devrait exiger, ce que j'ose faire par la présente, que l'archevêché remette cet édifice à ses paroissiens qui pourront l'utiliser selon leurs besoins. Exigeons donc que cet édifice soit rendu à ses membres, seuls propriétaires des lieux qui pourront le conserver par le biais d'une coopérative connue sous le «vocable» de la paroisse actuelle de «Saint-Nom-de-Jésus.Il ne restera qu'à convaincre nos concitoyennes et nos concitoyens, de même que le gouvernement de participer à la «résurrection» de ce lieu devenu laïque et historique.

  • Raymond Poulin Répondre

    24 juillet 2010

    Vos deux articles rendent manifestes l’ignorance crasse de la ministre St-Pierre de même que l’indifférence à la culture et la barbarie patrimoniale du gouvernement québécois actuel. Si cet orgue et le bâtiment qui l’abrite sont des chats de ruelle pour eux, ces cancres-là ne peuvent être assimilés à mieux qu’à des cancrelats, insectes nocturnes au corps aplati comme l’esprit de ces gens-là. Malheureusement, s’il suffit d’une fumigation pour se débarrasser de ces bestioles, on ne peut en faire autant avec nos nuisances à deux pattes. C'est bête.