Pour en finir avec le financement des partis politiques

Crime organisé et politique - collusion (privatisation de l'État)

Paul St-Pierre Plamondon - Prête-noms, enveloppes brunes, compagnies qui contournent la loi en remboursant les contributions individuelles de leurs employés, il semble y avoir mille et une façons de contourner la Loi sur le financement des partis politiques. Il ne fait également aucun doute que ces contournements ont un lien avec les multiples scandales dans tous les ordres de gouvernement et que ces scandales financiers nous coûtent très cher à tous. Une question toute simple devrait alors s'imposer: pourquoi ne pas tout simplement abolir les dons aux partis politiques?
Le problème du financement des partis politiques en est un d'indépendance du politicien vis-à-vis de ses donateurs. Le politicien reçoit des dons qui sont indispensables à sa survie politique, mais il contracte du même coup une dette morale envers ces donateurs. Pour honorer cette dette morale et s'assurer du soutien de ses donateurs à l'avenir, le politicien verra donc à leur rendre la pareille, par exemple en s'assurant de l'octroi de contrats publics à ceux-ci. Il s'agit donc d'une relation de dépendance financière étroite qui est à l'origine des scandales politiques récents et d'autres scandales qui ont marqué notre histoire, comme celui des commandites.
Organisme indépendant
Cette relation de dépendance pourrait être abolie par la mise sur pied d'un organisme indépendant de financement des partis politiques. Dans une telle hypothèse, l'entièreté du budget annuel d'un parti politique serait limitée au montant octroyé par cet organisme indépendant, et toute autre dépense serait interdite et sanctionnée. L'acceptation par le parti politique de toute somme d'argent, particulièrement en ce qui a trait à l'utilisation de l'argent comptant, serait également formellement interdite. Finalement, un vérificateur indépendant prêté à chaque parti politique s'assurerait du respect de ces règles.
L'argument principal contre un tel encadrement des partis politiques est que chaque individu doit pouvoir conserver son droit à encourager le parti de son choix et que ce droit fait partie intégrante du processus démocratique. Or toute personne qui s'interroge quelques instants sur l'identité des donateurs des partis politiques découvrira que ces dons n'ont, dans la grande majorité des cas, absolument rien à voir avec la démocratie.
En effet, un parti politique n'est pas une oeuvre de charité crédible, particulièrement par les temps qui courent. Les personnes qui financent ces structures ne le font donc pas par charité ni par principe, mais parce qu'ils espèrent retirer quelque chose de cette implication financière dans le futur, soit sur le plan professionnel ou sur le plan financier. Notre démocratie sera toujours mieux servie par l'exercice du droit de vote que par des dons qui visent à influencer le politicien au profit d'intérêts particuliers.
Responsabiliser le politicien
D'un point de vue pratique, il est également plus difficile de contrôler des milliers de donateurs qu'un seul politicien. Dans l'hypothèse où le financement aux partis politiques serait octroyé exclusivement par un organisme public indépendant, il serait raisonnable d'interdire au politicien de recueillir toute somme d'argent ou d'accepter tout autre revenu que son salaire, sous peine de commettre une infraction criminelle. Une telle règle aurait le mérite de mettre en garde et de responsabiliser le politicien quant à ses actes et de rendre l'application de la loi beaucoup plus facile.
Cette approche peut sembler radicale à première vue, mais elle est en fait la clé de la lutte contre la corruption dans plusieurs autres domaines. Par exemple, dans le domaine judiciaire, on verrait mal nos juges organiser des cocktails de financement où de présumés criminels et des justiciables aux prises avec un litige seraient invités à offrir une somme de 1000 $ pour soutenir les activités du juge. Une telle pratique créerait inévitablement des conflits d'intérêts, or c'est justement cette pratique que l'on tolère dans le domaine politique. Le financement public et indépendant de notre système de justice, de même que l'interdiction formelle pour tous les juges de recevoir toute forme de dons sont les pierres angulaires de notre système de justice.
Une analyse rapide des coûts liés à la corruption découlant du financement actuel des partis politiques indique que les coûts d'un financement politique entièrement public et indépendant seraient bien moindres que ceux engendrés par les déboires de notre système actuel. Espérons que nos gouvernements ne céderont pas à la tentation de répondre à la crise en politique municipale par du bricolage de surface qui nous mènera de nouveau à des problèmes identiques dans quelques années.
***
Paul St-Pierre Plamondon, Cofondateur de Génération d'idées et avocat au sein de l'étude Delegatus


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->